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Guerre en Ukraine : la menace d'une Troisième Guerre mondiale est-elle réelle ?

Le risque d'une Troisième Guerre mondiale a été évoqué par Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères. [Alexander Zemlianichenko / POOL / AFP]

Le conflit en Ukraine pourrait-il dégénérer en Troisième Guerre mondiale ? Cette perspective inquiétante a en tout cas été brandie par Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères. Lundi 25 avril, lors d'un entretien à la télévision publique russe, il a considéré que le «danger» était «grave, réel» et ne devait pas être «sous-estimé».

Mais ces propos sont à remettre dans un contexte précis. D'abord, ils ont été prononcés au lendemain de la visite à Kiev d'Anthony Blinken, secrétaire d'Etat américain, et Lloyd Austin, chef du Pentagone.

Sachant que ce dernier, au retour de ce déplacement, a annoncé une nouvelle aide militaire d'ampleur à destination de l'Ukraine et assuré que le pays de Volodymyr Zelensky «peut gagner» la guerre.

Le tout, en affichant l'intention américaine d'«affaiblir» la Russie «à un degré tel qu'elle ne puisse pas faire le même genre de choses que l'invasion de l'Ukraine».

Sans compter qu'à ce moment-là, Washington avait prévu de réunir ses alliés en Allemagne pour organiser, de manière concertée, la poursuite de l'aide militaire en faveur de l'Ukraine. La réunion, qui a eu lieu mardi 26 avril, a conduit certains pays à envisager la livraison d'armes lourdes.

Or, cela se produit à un moment où la Russie «a dû revoir à la baisse ses objectifs militaires», analyse Isabelle Facon, directrice adjointe de la Fondation pour la recherche stratégique et spécialiste des politiques de sécurité et de défense russes. Vladimir Poutine va, selon elle, «mettre le paquet sur le Donbass car il a besoin de pouvoir faire valoir des succès militaires pour justifier les pertes subies jusqu'ici et le coût économique de la guerre».

Cette détermination des pays occidentaux à soutenir l'Ukraine est donc vécue comme une «menace» par la Russie, et les propos de Sergueï Lavrov se veulent «un avertissement sur un risque d'escalade que personne ne souhaite».

Il s'agit de signifier aux Occidentaux qu'ils «seront considérés comme des cobelligérants si une certaine ligne rouge est franchie», poursuit l'experte. Pourtant «les pays de l'Otan ont dit dès le début qu'ils n'interviendraient pas militairement, pour éviter le risque de guerre directe», rappelle Isabelle Facon. Mais on ne peut «pas empêcher Moscou de considérer» que le soutien apporté à l'Ukraine en tant que pays agressé est «dirigé contre la Russie».

La «guerre de la communication»

Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que les autorités russes usent de ce genre de menace. La puissance nucléaire de leur pays est ainsi régulièrement mise en avant. «Sans doute qu'il y a également la volonté d'éroder l'adhésion des opinions publiques occidentales, notamment européennes, en faisant monter l'idée qu'il y a un grand risque à apporter ce soutien aux Ukrainiens», souligne Isabelle Facon.

C'est un élément de la «guerre de la communication», estime la spécialiste. Ce genre de déclarations vise à «créer de l'anxiété» afin d'«amener de la division». Car si on observe un «véritable élan» de soutien envers l'Ukraine, ce «front commun» présente nécessairement «des nuances» que la Russie espère pouvoir creuser, «à tort ou à raison».

Pour l'heure, la guerre en Ukraine ne prend pas le chemin de l'escalade vers un conflit mondial. Il faudrait, pour cela, que d'autres acteurs prennent directement part aux combats. Mais «plus le temps passe, plus les positions se durcissent», relève la directrice adjointe de la Fondation pour la recherche stratégique. 

Elle note que les deux camps semblent se désintéresser des négociations pour la paix. Du côté russe, d'abord, parce que Vladimir Poutine doit pouvoir justifier cette invasion au travers de victoires militaires. Mais aussi du côté ukrainien puisque «compte tenu des pertes subies et des succès rencontrés, il devient plus populaire de continuer la guerre avec cet espoir de la remporter, plutôt que d'entrer en discussion au risque de devoir faire des concessions difficilement acceptables».

Les propos de Sergueï Lavrov sont donc à contextualiser et tempérer, mais l'instabilité de ce conflit reste réelle. Sans être alarmiste, Isabelle Facon appelle à la prudence : «dans une situation tendue comme celle-ci, on ne peut jamais exclure la possibilité d'un incident ou d'un dérapage».

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