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Hortefeux jugé pour intimidation et menace

Brice Hortefeux.[ROMAIN PERROCHEAU / AFP]

Le tribunal correctionnel de Paris a tenté jeudi de déterminer si l'ancien ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux a ou non intimidé et menacé, dans Le Nouvel Observateur, l'avocat de familles de victimes de l'attentat de Karachi, Me Olivier Morice.

Dans un article de l'hebdomadaire paru le 29 septembre 2011, l'ex-ministre déclarait que l'avocat "devait être fracassé". Mais par qui?

A l'époque, M. Hortefeux avait dû s'expliquer devant la police sur ses conversations téléphoniques avec un ex-conseiller de Nicolas Sarkozy, Thierry Gaubert, mis en examen dans le volet financier de l'affaire Karachi, qu'il avait prévenu du fait que sa femme Hélène "balançait beaucoup" aux enquêteurs.

Selon Le Nouvel Observateur, Brice Hortefeux s'était dit "écoeuré" par la "lâcheté des journalistes qui fracassent tous les amis de Sarkozy", alors que c'est Me Morice qui "devrait être fracassé".

Devant le tribunal, l'avocat est revenu sur l'affaire Karachi, expliquant qu'il était apparu que M. Sarkozy "était au coeur d'un système de corruption". Des propos qu'il avait déjà tenus en décembre 2009, face auxquels l'Elysée s'était inscrit "catégoriquement en faux".

Pour lui, les propos de M. Hortefeux ont franchi, dans les attaques visant à le discréditer, un "stade intolérable" en vue "d'influer sur (son) comportement". Il a dit avoir été "perturbé" par ce qui "semblait être une menace et une intimidation", dans "une affaire d'Etat".

Sandrine Leclerc, dont le père a été tué dans l'attentat au Pakistan le 8 mai 2002, a craint que l'avocat "lâche l'affaire". "Quelque part on avait peur pour lui", a ajouté la jeune femme, porte-parole du collectif de sept familles de victimes, dénonçant "une volonté d'intimider" l'avocat, "sans équivoque".

Mais pour le journaliste qui a signé l'article incriminé, il y a méprise sur l'interprétation de la phrase. Selon Hervé Algalarondo, il allait "de soi" que c'est bien par les journalistes que Brice Hortefeux estimait que Me Morice "devrait être fracassé".

Il a expliqué qu'il n'avait "aucun doute" à ce sujet, mettant en avant "la parfaite symétrie" dans le propos. "J'ai peut-être commis une faute professionnelle en n'étant pas suffisamment précis, en ouvrant matière à exégèse", a-t-il dit.

Face à la défense de Me Morice, qui l'accusait d'être "l'avocat" de Brice Hortefeux, d'essayer de le "protéger", le journaliste a rétorqué avoir écrit des "papiers vachards" à son endroit.

Parmi les six avocats qui se sont succédés pour Me Morice, Me Laurent de Caunes a estimé que c'était bien "un appel à la violence", à la "violence morale", lancé par M. Hortefeux. "C'est pour faire planer l'ombre d'un danger", a renchéri Me Olivier Schnerb, que ce soit par l'intermédiaire de la presse ou par "un sympathisant politique un peu plus fou que les autres".

Pour Me Christian Charrière-Bournazel, il s'agissait bien de lancer "un avertissement", "c'est en réalité un procédé mafieux".

Regrettant l'absence du prévenu, la représentante du ministère public a estimé que ses propos étaient "sûrement inappropriés, malvenus" venant d'un "proche du pouvoir en place de l'époque", mais a estimé que l'on ne pouvait affirmer que l'infraction est constituée.

"Dès lors qu'il y a la moindre ambiguïté" sur les propos tenus et leur interprétation, le tribunal n'a "d'autre choix" que de relaxer Brice Hortefeux, a plaidé son avocat Me Jean-Yves Dupeux, convaincu que la 17e chambre correctionnelle n'a pas "entre les mains le procès de la défense de la défense".

Jugement le 22 novembre.

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