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Mourad Preure : "Il y a un avenir possible entre l'Algérie et la France"

François Hollande a prononcé jeudi un discours devant les parlementaires algériens François Hollande a prononcé jeudi un discours devant les parlementaires algériens[Philippe Wojazer / AFP]

Mourad Preure, ancien directeur stratégique de la Sonotrach, le géant algérien de l’énergie, dirige un cabinet de conseil stratégique à Alger. Avec le Français Jean-Louis Levet, il vient de publier « France-Algérie : le grand malentendu » (L’Archipel). Il réagit au discours de François Hollande devant les parlementaires algériens.

Quelle est votre réaction « à chaud » au discours de François Hollande ?

Pour nous Algériens, il y a réellement une avancée avec ce discours et avec l’attitude de François Hollande qui présentait un bon équilibre. Les questions mémorielles ont été abordées intelligemment, sans être figées du côté français. Le discours était sans complexe par rapport à la question de la colonisation. On y a trouvé la reconnaissance de tout ce que le colonialisme avait infligé à la société algérienne. Aujourd’hui, la nation française n’a pas besoin d’être solidaire du colonialisme dont il faudra un jour établir le véritable bilan. Cela permettra de déterminer en quoi il éclaire les difficultés économiques et sociales rencontrées par les ex-colonies après l’indépendance.

Cinquante ans après, n’est-ce pas limitatif d’imputer ces problèmes à la seule présence coloniale  ?

Ce n’est pas le seul facteur, c’est une évidence. Mais la colonisation a marqué une rupture violente dans la continuité des économies africaines. Sans cet épisode, il y a fort à parier que ces dernières seraient aujourd’hui plus cohérentes. Mais il ne s’agit pas de responsabiliser uniquement le colonialisme. Nous sommes responsables de ce que nous avons fait de notre pays. Il n’en demeure pas moins que la colonisation était une anomalie historique qu’il nous faut considérer avec objectivité.

Encore un mot sur les questions mémorielles. François Hollande a appelé l’Algérie à ouvrir plus largement ses portes aux pieds-noirs. Y-êtes-vous favorable ?

Je vais reprendre un propos que nous avions tenu avec Jean-Louis Levet dans le livre que nous avons publié cette année. Dans un monde globalisé où les frontières n’ont plus de sens réel, la patrie réside dans le cœur des hommes. On appartient à la patrie qu’on aime. De cette manière, quand un Français d’Algérie aime ce pays, il lui appartient d’une certaine façon. Tout comme pour ses descendants. Et il n’y a pas de raison de leur fermer les portes. Par leur amour, par leur intelligence, ils peuvent apporter énormément à l’Algérie. Mais il nous faut entrer dans un nouveau paradigme de la patrie.

Le président de la République s’est gardé de dire un mot sur la question des harkis. Est-il également temps de « tourner la page » ?

Concernant les harkis, l’Histoire les a jugés. C’étaient des Algériens au service de la puissance coloniale. La question qui se pose les concernant, c’est de savoir comment la France les a accueillis et les prend en charge aujourd’hui. Le problème se pose différemment pour leurs enfants, et j’en reviens à mon propos précédent. S’ils aiment l’Algérie, comment refuser de leur ouvrir nos portes ? Pourquoi un enfant de harki n’aurait-il pas droit lui aussi de vibrer aux exploits d’une équipe de football portant les couleurs algériennes ?

François Hollande a consacré une large partie de son discours à l’avenir des relations franco-algériennes. Vous y croyez ?

Il y a réellement un avenir possible entre les deux pays par-delà la Méditerranée. Mais il faut distinguer les espaces de ce bassin. Il y a la Méditerranée orientale, qui rayonne jusqu’au nord du Bosphore et aux confins indiens. Et il y a la Méditerranée occidentale qui peut être intégrée plus facilement en raison des nombreuses affinités économiques et culturelles qui lient les pays qui la composent. La France est la première puissance sur la rive nord de cet espace. Idem pour l’Algérie sur la rive sud. Cela ouvre donc des perspectives extrêmement intéressantes et le concept de « co-localisation » évoqué à l’occasion de ce voyage pourrait être un excellent vecteur de l’intégration.

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