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Marignane, Orange, Toulon et Vitrolles: la douloureuse expérience du FN des années 90

Bruno Mégret le 1er juillet 2006 à Vitrolles [Boris Horvat / AFP/Archives] Bruno Mégret le 1er juillet 2006 à Vitrolles [Boris Horvat / AFP/Archives]

Au milieu des années 1990, quatre grandes villes du Sud-Est dont Toulon tombent dans l’escarcelle du Front national, mais entre mauvaise gestion et excès de clientélisme, ces premières expériences municipales frontistes se révèleront douloureuses.

Le parti assure aujourd’hui en avoir tiré les enseignements.

Marignane, Orange et Toulon, en 1995 à l'issue de triangulaires, puis Vitrolles, en 1997 face à un candidat socialiste: en deux ans, le FN s'empare pour la première fois de villes importantes, dans la foulée du score de Jean-Marie Le Pen au premier tour de la présidentielle (15%).

Le parti triple en 1995 le nombre de ses conseillers municipaux. Une percée que le socialiste Jack Lang compare alors "non à une flambée d'un dimanche électoral, mais à une plante vénéneuse qui s'enracine dans la vie locale".

Près de 20 ans plus tard, le constat s'impose pourtant: à l'exception de Jacques Bompard, à Orange, qui n'est plus au FN mais en est resté proche, les trois autres élus ont disparu du champ politique, leurs mandats ayant été marqués par une série d'affaires.

- "Des maires indélicats" -

"Il y a eu des maires indélicats", admet Marine Le Pen. "Nous nous en sommes d'ailleurs séparés, à la différence de beaucoup de socialistes et d'UMP. Ils les gardent, eux... Nous, on les vire!", disait-elle le 21 février.

Cendrine et Jean-Marie Le Chevallier le 1er décembre 2000 au tribunal correctionel de Toulon [Eric Estrade / AFP/Archives]
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Cendrine et Jean-Marie Le Chevallier le 1er décembre 2000 au tribunal correctionel de Toulon

Toulon et Vitrolles offrent un condensé de ces dérapages trahissant notamment l'amateurisme. C'est aussi dans ces deux villes "qu'un modèle idéologique a dominé", alors que les maires d'Orange et Marignane "ont privilégié une approche plus +apolitique+ tentant de gommer leur appartenance au parti, en mettant l'accent sur leur enracinement local et la culture provençale", observe Gilles Ivaldi, chercheur au CNRS à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis.

A Toulon, le couple Le Chevallier - Jean-Marie député-maire, Cendrine adjointe à la jeunesse - municipalise ainsi les centres de loisirs pour créer Jeunesse toulonnaise, "une structure pro-FN" selon M. Ivaldi: parallèlement les subventions aux associations de lutte contre l'exclusion sont réduites, "au motif notamment qu'elles bénéficiaient à des milieux défavorisés où se trouvaient majoritairement les populations d'origine immigrée".

Mais Jeunesse toulonnaise sera liquidée en 1999. Cette association, qui engagea aussi des proches du parti, laissera une ardoise de 3 M EUR à la municipalité d'Hubert Falco, successeur en 2001 de M. Le Chevallier, pour cause de gestion incontrôlée.

"J'ai trouvé la ville dans un état lamentable, avec une épargne nette négative, une véritable cavalerie! Les dépenses de personnel avaient augmenté de 60% en six ans et celles d'investissements étaient en chute libre, le préfet menaçait même de fermeture les cantines scolaires, plus aux normes", affirme aujourd'hui M. Falco (UMP).

"On ne veut pas d'un Le Chevallier-bis! Nous nous savons attendus, on ne va pas nous rater... Mais aujourd'hui, nous sommes formés, les gens sur nos listes sont compétents", affirme l'actuel secrétaire départemental du FN du Var, Frédéric Boccaletti, récusant néanmoins "le mensonge de Falco sur une ville en faillite".

Lorsqu'il est aux manettes municipales, le FN tente en tout cas d'appliquer sa ligne nationale.

Particulièrement ciblés: les milieux associatifs et culturels alternatifs, souligne M. Ivaldi, dont les subventions sont largement réorientées vers des structures jugées plus fidèles (pieds-noirs, commerçants, anciens combattants...) et au profit des effectifs de police municipale. A Toulon, le centre culturel de Châteauvallon doit déprogrammer le groupe de rap NTM "qui porte atteinte à la dignité de la femme et de la mère" selon M. Le Chevallier. A Marignane, la bibliothèque s'abonne à des revues d'extrême droite, Libération et l'Evènement du jeudi sont proscrits...

Les élus frontistes prisent aussi le symbole. Des rues de Vitrolles sont rebaptisées, l'avenue Jean-Marie Tjibaou (leader indépendantiste kanak assassiné) devenant l'avenue Jean-Pierre Stirbois, dirigeant FN décédé accidentellement. Des changements qui n'ont pas résisté à l'alternance politique.

A Vitrolles, les époux Mégret se prendront les pieds dans le tapis de la "préférence nationale" après avoir tenté d'instaurer en 1998 une prime de naissance de 770 EUR pour les familles dont l'un des parents au moins est Français. Un projet phare du FN de l'époque, jugé illégal par le tribunal administratif de Marseille et qualifié aujourd'hui "d'erreur" par Mme Le Pen. Elle met en revanche en avant le concept de "priorité nationale", qu'elle n'envisage d'appliquer qu'après révision constitutionnelle.

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