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Aubry critique la politique économique du pays

Martine Aubry le 15 janvier 2014 à Lille [Philippe Hugen / AFP/Archives]

Plutôt discrète depuis le début du quinquennat, Martine Aubry monte à l'offensive en éreintant dans un entretien au Journal au dimanche la politique économique de François Hollande et de Manuel Valls et en se posant clairement en chef des députés PS frondeurs.

 

"Je demande qu'on réoriente la politique économique (...) (Il faut) emprunter le bon chemin dans les deux ans qui viennent" faute de quoi la gauche va "échouer", lance-t-elle en direction du chef de l'Etat, qui l'a battue lors des primaires de 2011 pour la présidentielle. "Je ne me résigne pas (...) à la victoire de la droite en 2017", lâche-t-elle encore.

La maire PS de Lille était déjà sortie du bois ces derniers mois en s'insurgeant contre la réforme territoriale et l'abandon de l'encadrement des loyers mais elle semble être passée à la vitesse supérieure.

Si elle admet que l'exécutif a accompli quelques "bonnes choses" -elle cite en une petite phrase "le retour de la France sur la scène internationale, les moyens complémentaires donnés à la police, à la justice, à l'éducation, la retraite à 60 ans pour les longues carrière"- , tout le reste de l'interview est un réquisitoire contre l'action du tandem Hollande-Valls.

"Nous avions prévu qu'à mi-mandat, la croissance serait revenue, le chômage en repli et les déficits réduits en deçà de 3 %. Ce n'est pas le cas. Il nous faut trouver au plus vite le bon réglage des politiques économiques qui permettra de sortir la France de la crise. Et puis, il nous faut refaire de la politique", assène-t-elle à la veille du vote de la partie recettes du budget pour 2015.

Des critiques sur le fond de la politique menée: "regardons la vérité en face. La politique menée depuis deux ans, en France, comme presque partout ailleurs en Europe, s'est faite au détriment de la croissance" ou encore "Il n'y a pas d'un côté les sérieux et de l'autre les laxistes. Mais je demande une inflexion de la politique entre la réduction des déficits et la croissance".

Mais aussi sur la gouvernance Hollande elle-même: "On ne mobilise pas un pays sur la seule gestion financière" et il faut "donner la destination du voyage". "Même lorsque nos réformes vont dans le bon sens, tels les rythmes scolaires et la priorité donnée à l'école, on n'a pas fixé le cap", déplore celle qui, en privé, ne perd jamais une occasion d'étriller M. Hollande.

 

Non aux "vieilles recettes libérales"

Surtout, si ses amitiés avec certains frondeurs étaient connues, Martine Aubry dit pour la première fois publiquement "partager leurs propositions" et "regrette" au passage "que le Parlement n'ait pas pu en discuter" dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité.

"J'espère que la prise de conscience sera là, que le débat aura lieu. En tout cas, plus on sera nombreux à le dire à gauche -élus nationaux ou locaux, mais aussi dans la société civile- plus on aura une chance d'être entendus", lance-t-elle en guise d'avertissement. "Et puis, ne peut-on arrêter d'appeler +frondeurs + des députés qui connaissent l'économie, souhaitent le succès du gouvernement et portent une vision de la Ve République où le Parlement est pleinement respecté dans ses prérogatives ?", ajoute-t-elle en se posant comme leur chef de file.

A l'unisson de ces frondeurs, elle juge d'ailleurs que "20 milliards d'euros peuvent et doivent être libérés sur les 41 milliards d'euros" destinés aux entreprises.

Tenante d'une "nouvelle social-démocratie", l'ex-ministre des Affaires sociales du gouvernement Jospin propose de "mieux cibler les aides aux entreprises sur celles qui sont exposées à la concurrence internationale et sur celles qui investissent et embauchent", un "plan de soutien à la croissance qui touche les ménages et les collectivités locales" ainsi qu'une "fusion" du CICE (crédit d'impôt compétitivité emploi) avec le crédit d'impôt recherche.

Elle juge aussi qu'une grande réforme fiscale "est plus que jamais nécessaire pour réconcilier les Français avec l'impôt" et surtout "préférable à des mesures au fil de l'eau, aux allers-retours sur les mesures fiscales, aux baisses des prestations familiales ou au gel des retraites qui inquiètent les Français en situation difficile". Seul à échapper à ses piques assassines, le patron du PS Jean-Christophe Cambadélis, dont elle salue l'initiative "salutaire" de lancer des Etats généraux du parti.

"Il faut en finir avec les vieilles recettes libérales. Ne perdons pas notre temps dans des débats du passé sans cesse remis sur la table par le Medef : le repos dominical, c'était il y a un siècle, l'assurance-chômage, soixante ans, les lois Auroux et les seuils sociaux, trente ans, les 35 heures, seize ans", ajoute-t-elle en visant autant le gouvernement Valls que le patronat.

Une façon de se poser très clairement en recours à gauche. Pourtant, promis juré, elle n'est "candidate" à rien d'autre qu'au "débat d'idées".

 

 

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