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La semaine de Philippe Labro : feuilleton français, chroniques américaines

Le point d'orgue de la campagne a été atteint lundi soir, avec un premier débat suivi par 10 millions de téléspectateurs sur TF1. [Patrick KOVARIK / AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

MARDI 21 MARS

Au lendemain du débat des «cinq», sur TF1, quelques évidences :

Premièrement : si 10 millions de Françaises et de Français sont restés devant leur télévision pendant trois heures, c’est que, décidément, cette élection passionne.

Deuxièmement : cette campagne a été investie par «les affaires Fillon». Le candidat LR s’en remettra-t-il ? Le PS en prend aussi un coup, avec la démission de Le Roux. Le candidat socialiste s’en remettra-t-il ?

Troisièmement : les caméras de TF1, dirigées par Tristan Carné, un maître réalisateur habitué aux grands shows style The Voice, dans un décor efficace, ont pu capter les expressions de chacun. Doigts accusateurs de Macron, lèvres serrées de Le Pen et Hamon, fougue talentueuse de Mélenchon (le «showman» absolu), retenue craintive de Fillon, tout cela peut-il jouer sur le choix que feront les électeurs ?

Quatrièmement : Dans un feuilleton aussi imprévisible, surprenant, parfois choquant, parfois tragicomique, rien n’est encore tout à fait acquis. Prudence ! Les médias ne doivent pas aller plus vite que la musique.

MERCREDI 22 MARS

Les médias, justement, ou plutôt les journalistes, mes confrères, ont beaucoup de talent et quelques publications le démontrent ici.

Eric Neuhoff, dont les articles dans Le Figaro sont toujours aussi pointus, écrits à l’économie et à l’ironie ou à l’éloge, publie Costa Brava (Albin Michel), un gros roman de pure nostalgie sur les vacances dans les années 1960 sur le littoral catalan. On retrouve le style si particulier de Neuhoff qui séduit et accroche, et on aime le mélange avec le passé heureux et un présent d’adulte cicatrisé.

Il y a, ensuite, l’inépuisable et prolifique Franz-Olivier Giesbert qui publie, simultanément, deux livres. L’un est une de ces sagas de femme rebelle et gourmande, comme FOG les apprécie, Belle d’amour (Gallimard), et l’autre oublie la fiction et s’intitule Le théâtre des incapables (Albin Michel). On y savoure la plume ravageuse de l’éditorialiste du Point, dans un recueil de chroniques couvrant la période 2012-2017, agrémenté d’un avant-propos original, fort et sagace. Il cite, entre autres, Clemenceau : «Le mal dont nous souffrons est moins dans l’insuffisance des moyens que dans la carence des caractères.»

Enfin, et c’est salué par tous les médias, voici qu’un journaliste audacieux décide de lancer une nouvelle publication, alors que l’on dit la presse écrite à l’agonie. François Busnel (avec la complicité d’Eric Fottorino) propose ce qu’on désigne comme un «mook» (amalgame de magazine et book) qui s’appelle America. C’est un formidable trimestriel, exclusivement consacré à l’Amérique de Trump – ou plutôt, celle qui va vivre, pendant quatre ans, avec ou sans lui. La mise en page (la facilité avec laquelle on va de texte en texte) est moderne, attractive, donnant envie de feuilleter ce bel objet. Les textes, signés des plus divers romanciers ou journalistes américains, sont autant de portes d’entrée sur la multiplicité de ce pays que Busnel connaît si bien. Vous allez dire que je ne suis pas très objectif, puisque je prétends aussi être un «américanologue», mais, oui, c’est vrai, je suis subjectif ! Car j’aime lire un inédit de Fitzgerald, les extraits en avant-première du prochain Jay McInerney, un portrait subtil par Marc Dugain (de nombreux écrivains français figurent dans ce «mook») – bref, de quoi distraire, informer. Quatre fois par an, pendant quatre ans – si Donald Trump dure quatre ans !

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