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Mathieu Bastareaud : «J’ai hâte de prouver que je ne suis pas fini»

Mathieu Bastareaud a été suivi par les caméras de Canal+ lors de son aventure aux Etats-Unis. Mathieu Bastareaud a été suivi par les caméras de Canal+ lors de son aventure aux Etats-Unis.[Canal+]

Le rêve américain de Mathieu Bastareaud a tourné court. Le rugbyman français, suivi pendant près d’un an par les caméras de Canal+ pour le documentaire «Basta !», diffusé ce dimanche 26 avril à 22h40, n’a joué que cinq matchs de Major League Rugby avant de voir son aventure à New York être stoppée net par la pandémie de coronavirus. Mais il n’a aucun regret même s’il a désormais hâte de rentrer en France.

Comment se passe le confinement à New York ?

Le temps commence à devenir long. Mais je pense que c’est le cas pour tout le monde. Les jours se suivent et se ressemblent. Mais on n’a pas eu trop de galère, ni de problème. Même si comme en France, les gens se sont rués dans les magasins pour faire leur course et c’était notamment compliqué de trouver des couches, des lingettes et du lait pour notre bébé. Avec ma femme, on a décidé de ne pas sortir. On se fait tout livrer et pour avoir des créneaux de livraison il faut se lever tôt et attendre pour en avoir un. Mais on a plutôt bien géré et jusqu’à notre départ, on n’a plus besoin de faire de courses.

Pouvez-vous nous décrire la ville en termes d’atmosphère ? Dans le documentaire, vous parlez de scènes «apocalyptiques» comme dans les films…

J’habite dans le quartier des finances et, pour avoir pris l’habitude de me balader dans les rues aux alentours, c’est toujours noir de monde. Et maintenant, depuis ma fenêtre, je ne vois plus personnes avec certaines rues désertes. Mais comme un peu partout, par endroit, il y a des gens qui ne respectent pas le confinement. Dès qu’il y a un rayon de soleil, les gens vont dans les parcs. Mais l’atmosphère reste très particulière.

On vous voit également monter et descendre les étages de votre immeuble… Que faites-vous d'autres pour vous entretenir et garder la forme ?

J’habite au 50e étage donc effectivement je m’en sers pour faire du fractionné et histoire de me faire mal un peu. Je fais avec les moyens du bord. Je me suis également équipé en achetant un vélo d’appartement. Je fais aussi du cross fit. Généralement je fais deux à trois séances par jour. C’est un moyen de rester actif, mais cela n’a rien à voir avec du travail en salle ou sur un terrain.

Jusque-là, comment s’était passée votre adaptation ?

Dans la vie de tous les jours, plutôt bien. Certains de mes coéquipiers m’ont pas mal aidé pour me repérer. La langue n’a pas été trop un problème pour avoir joué avec plusieurs joueurs anglo-saxons. Concernant le rugby, c’était une autre affaire… Et dans l’ensemble, mon expérience est assez mitigée. Je vais garder de bons comme de mauvais souvenirs.

C’est-à-dire ?

Il y a de la frustration car on n’a pu jouer que cinq journées de championnat. J’avais vraiment envie de vivre cette expérience à fond et au final elle s’est arrêtée au moment où les choses sérieuses allaient commencer pour nous. C’est assez frustrant. Mais avec le recul, on s’y attendait un peu et c’était la meilleure décision.

Quel accueil avez-vous reçu à votre arrivée ?

J’ai été très bien accueilli par le propriétaire du club, qui m’a vraiment beaucoup aidé et je le remercie. Avec mes coéquipiers, cela a été en revanche plus mitigé. Je me suis très bien entendu avec certains et moins avec d’autres. Ils n’ont pas très bien compris que je n’étais pas venu pour faire la révolution. J’étais juste venu pour aider. Mais cela a été mal perçu par certains qui étaient sur la défensive, et du coup, je ne me suis pas fait que des copains. Mais je peux le comprendre. Ils ont repris l’entraînement en décembre. Ils ont travaillé et souffert ensemble. Moi je suis arrivé fin janvier avec tout le battage médiatique autour, et j’ai joué sans m’être beaucoup entraîné avec eux. Cela n’a pas été bien vu. Et pour moi, certaines choses devaient également changer, mais ils n’ont pas forcément apprécié. Au final, je suis resté dans mon coin et j’ai fait ce que j’avais à faire.

Et concernant le niveau, comment le jugez-vous ?

Comme je le dis à un moment dans le documentaire, il me fait penser à la Fédérale 1, voire au milieu de tableau de Pro D2. C’est assez physique et tactiquement, ce n’est pas aussi développé qu’en Europe. La tactique n’est pas trop la priorité. Je parle pour notre équipe.

Je ne regrette pas d'avoir tenté cette expérience aux Etats-UnisMathieu Bastareaud

Le fait que l’aventure ait tourné court, n’avez-vous pas eu envie de la prolonger une saison de plus ?

Non pas du tout. C’était acté depuis que le début que je ne fasse qu’une saison et certaines choses m’ont conforté dans cette décision.

Mais regrettez-vous d’avoir tenté cette expérience ?

Je me suis posé la question. Mais je ne regrette pas d’avoir tenté cette expérience. C’est quelque chose que je voulais absolument faire. Elle ne s’est pas passée comme je l’avais souhaité mais j’ai encore beaucoup appris sur moi notamment. J’ai également rencontré de bonnes personnes et j’ai pu faire des voyages comme Las Vegas, Houston, San Diego… J’en ressors quand même un peu grandi.

Comme vous le dîtes devant les caméras de Canal+, ce nouvel épisode mouvementé est un peu à l’image de votre carrière…

(Rires). C’est vrai ! C’était une aventure que j’avais envie de faire. Je me moquais de ce que les gens pouvaient penser. Cette expérience a été une belle opportunité pour moi de découvrir quelque chose de nouveau. Je ne savais pas vraiment où je mettais les pieds. J’ai dû m’adapter et au moment je commençais à me sentir à l’aise, le championnat a été arrêté. Je suis quand même content de l’avoir tentée.

Désormais, quand est prévu votre retour en France ?

On doit prendre l’avion le 30 avril donc on n’a plus qu’une petite semaine à attendre. On rentre directement à Toulon, où on va devoir observer une quatorzaine à notre arrivée en attendant les mesures du déconfinement.

Ensuite ce sera direction Lyon ?

C’est encore un peu l’inconnu. Mon contrat commence en juillet donc je vais devoir y être dès mi-juin pour m’installer. Mais j’attends le 11 mai pour savoir comment cela va se passer. Mais de ce que j’ai pu lire, la ministre des Sports a indiqué que le sport n’était pas la priorité. Cela ne présage rien de bon concernant la reprise.

Pourquoi avez-vous choisi de retourner au Lou ?

Je m’étais bien plu pendant les quelques mois que j’ai pu passer là-bas après mon départ de Toulon. Je connaissais quelques joueurs que j’avais côtoyé au RCT mais aussi l’entraîneur Pierre Mignoni. Et j’apprécie sa façon de travailler et surtout de gérer l’aspect humain.

J'ai eu plusieurs contacts avec des club du Top 14Mathieu Bastareaud

Avez-vous eu d’autres propositions ?

J’ai eu plusieurs contacts avec des clubs de Top 14. Notamment le Stade Français, le Racing 92 et Montpellier qui était très intéressé. Mais j’ai choisi de retourner à Lyon.

Et Toulon ?

Pour être honnête, la fin de mon aventure à Toulon a été compliquée. A mon retour du Tournoi des VI nations l’année dernière, on m’a fait une proposition de contrat que j’avais acceptée. Ce contrat me faisait terminer ma carrière là-bas, puis intégrer l’organigramme du club. Mais le lendemain, mon agent m’a appelé pour me dire qu’il n’y avait plus de proposition. Je n’ai jamais eu d’explications. Et je n’en ai pas demandé car j’estimais que je n’avais pas à en demander puisque c’était le club qui m’avait sollicité. A partir de ce moment, il y a eu quelque chose de rompu. Et cette attitude ne m’a pas plu. Personne n’est venu me dire quoi que ce soit. Et j’ai eu écho de certaines choses en coulisses me concernant qui ont conforté le fait que mon aventure devait se terminer alors qu’il me restait un an de contrat.

Un départ était devenu inéluctable…

Cela faisait huit ans que j’étais au club. J’étais chez moi. Un jour, on me propose de prolonger et de terminer ma carrière puis, le lendemain, il n’y a plus rien. C’était un appel à un départ surtout quand on connait mon caractère. D’autant que je n’avais pas la certitude que le club compterait sur moi après mon aventure américaine. J’ai privilégié la sécurité car à l’époque ma femme était enceinte et j’allais être papa. Il me fallait de la visibilité sur deux ans. Et Toulon n’a pas été capable ou plutôt n’a pas voulu de me la donner.

Ensuite, il y eu votre non-convocation pour la Coupe du monde avec le XV de France. Avez-vous digéré ?

Oui. Même si je suis quelqu’un de rancunier, je n’allais pas me morfondre pendant je ne sais pas combien de temps. J’ai certainement aussi ma part de responsabilités, même si on est tous d’accord pour dire que la manière a été «sale». On m’avait fixé certains objectifs auxquels je n’ai pas su répondre à temps. Je l’assume. Mais comme je le dis aussi dans le documentaire, je n’ai pas été surpris de cette décision.

Vous avez décidé de mettre un terme à votre carrière internationale dans la foulée. La page est-elle définitivement tournée ?

Mon histoire avec l’équipe de France n’a jamais été simple. Elle n’a jamais été un long fleuve tranquille. J’ai aussi ma part de responsabilités, mais, à certains moments, j’ai pris des coups à la place d’autres dans l’intérêt de l’équipe et cela laisse des traces pour moi comme pour mes proches. J’en avais gros sur la patate et un peu marre, j’ai donc préféré arrêter. Mais de toute façon, il y avait une volonté de changer certaines choses et je ne suis pas sûr que même si je n’avais pas mis un terme à ma carrière internationale, je rentrais dans les plans. Je n’ai aucun regret. J’ai réalisé un rêve de gosse et vécu de belles années, maintenant j’ai tourné la page.

Vous avez néanmoins suivi le parcours des Bleus au Mondial et lors du Tournoi…

Je reste supporter de l’équipe de France et cela m’a fait plaisir de les voir gagner et rayonner notamment pendant le tournoi des VI Nations.

Dans le documentaire, vous revenez sur le fameux épisode en Nouvelle-Zélande. Pensez-vous qu’on en a trop fait sur cette histoire ?

Ce n’est pas à moi de répondre à cette question. Ce sont plutôt aux personnes qui ont alimenté tout cela pendant des semaines, des mois et même des années. Mais je pense quand même que cela a été trop loin, notamment certains actes et propos envers ma famille et mes proches.

Vous colle-t-elle toujours à la peau ?

Elle fera toujours partie de moi. Il y a toujours quelqu’un pour m’en parler. Mais personnellement, elle est maintenant derrière moi. Et si on m’en parle un peu moins aujourd’hui, c’est que je pense avoir fait le nécessaire sur le terrain pour passer à autre chose. Je n’ai aucun problème avec cette histoire. Et le documentaire (diffusé dimanche à 22h40 sur Canal+) est d’ailleurs une manière de fermer une fois pour toute ce chapitre.

Comment avez-vous fait justement pour reprendre le dessus ?

Cela n’a pas été simple. Quand on vous fait sentir comme un moins que rien et qu’on vous catalogue comme une mauvaise personne, cela laisse forcément des traces. Il a fallu que je me reconstruise. J’ai dû faire un gros travail sur moi-même. Je pense avoir grandi et évolué, mais encore maintenant je pense être quelqu’un qui se construit et se cherche. A ce moment-là, j’étais jeune et j’avais une rancune envers la terre entière. Je m’en suis servi comme source de motivation. Mais je sentais que j’étais encore fragile car j’avais comme des rechutes. J’avais des coups de blues et l’envie de rien faire certains jours. J’ai dû faire un gros travail psychologique. Cela a été difficile à accepter car quand on est jeune, on pense toujours avoir réponse à tout. Je suis quelqu’un d’assez solitaire et les conseils ou les avertissements je les écoutais sans forcément y prêter attention. Dans ma tête, tout le monde voulait profiter de moi. Je me suis renfermé et j’ai créé une carapace. Cela m’a aidé à certains moments comme cela a pu me desservir.

Aujourd’hui vous avez 31 ans, comment voyez-vous la fin de votre carrière ?

Je ne me suis pas fixé de date. Avec ce confinement, je pense avoir gagné une ou deux années (rires). Tant que mon corps répondra présent, je ne me vois pas arrêter.

Surtout qu’à la fin du documentaire, vous indiquez ne pas encore être fini…

Quand j’ai choisi de partir aux Etats-Unis, j’ai pu entendre que je partais en pré-retraite. Mais ce n’est pas du tout le cas. C’était juste une opportunité et je voulais simplement faire un break avec la France et la médiatisation qui pouvait y avoir autour de moi car je n’ai jamais laissé les gens indifférents. Et encore maintenant. Toutes mes déclarations sont interprétées à toutes les sauces. En tout cas, cela m’a un peu piqué car je n’ai que 31 ans et j’ai hâte de prouver que je ne suis pas fini.

Du coup, il faudra s’attendre à quel Mathieu Bastareaud une fois que le rugby pourra reprendre ?

Je ne sais pas. Il faudrait que je les consulte tous (rires) ! Il y a pas mal de choses qui se sont passées en très peu de temps pour moi. Le fait d’avoir été loin de la France, du Top 14 et de cette sphère médiatique, j’ai pris du recul. Je ne sais pas combien de temps il me reste à jouer. Peut-être deux ans, trois ans ou plus. Mais je veux profiter de ces dernières années et essayer de jouer avec le sourire ainsi que le plaisir que je pense avoir trop souvent mis de côté. J’ai la chance de pouvoir revenir et je compte bien en profiter.

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