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«J'aide les victimes à apprendre à s'aimer» : le témoignage d'Anne-Liz Deba, victime de harcèlement scolaire pendant 7 ans

Très active sur les réseaux sociaux, et notamment sur son profil Instagram suivi par plus de 5.000 personnes, la jeune femme est une oreille attentive et un relais pour les victimes de harcèlement scolaire. [©Anne-Liz Deba]

À 22 ans, Anne-Liz Deba est une jeune femme radieuse qui a fait de la lutte contre le harcèlement scolaire sa première cause. Elle-même victime de ce fléau, qui a mené à une tentative de meurtre sur sa personne, nous a livré son témoignage.

C’est un calvaire vécu de la sixième à son entrée en université qui l’a amené à créer la structure SMILE, grâce à laquelle elle fait plusieurs interventions à destination des enfants, des adolescents, des parents et des membres du personnel scolaire pour sensibiliser à la question du harcèlement scolaire.

Comment le repérer ? Dans quels lieux clés se manifeste-t-il ? Comment agir ? Voici quelques-unes des questions auxquelles répond Anne-Liz Deba dans ses ateliers.

Très active sur ses réseaux sociaux, et notamment sur Instagram suivi par plus de 5.000 abonnés, la jeune femme a à cœur d’échanger avec des victimes. «Je suis un peu la confidente, puis le relais», a-t-elle indiqué à CNEWS.

 «J’ai beaucoup de jeunes qui viennent me demander de l’aide par rapport à des situations de harcèlement scolaire, mais aussi de mal-être ou de problèmes avec les parents. Ma mission est de les écouter et de les orienter vers les plates-formes et les numéros d’aide existants», nous a expliqué Anne-Liz.

Harcelée de la sixième à la terminale

À l’origine de cet engagement se trouvent un traumatisme, et des séquelles dont Anne-Liz Deba fait encore les frais aujourd’hui, après sept années d’un harcèlement scolaire rythmé par des violences verbales, physiques, et une tentative de meurtre sur sa personne en mars 2014.

Lors de son arrivée en sixième deux ans plus tôt, Anne-Liz Deba est pourtant une petite fille solaire, dynamique, sportive et appréciée. Mais elle va vivre le début d’un calvaire, qui va durer tout le reste de sa scolarité, jusqu'à la terminale : «Rien ne laissait présager une telle situation», s’est-elle souvenue.

Au début, les réflexions fusent sur ses notes. À 12 ans, la collégienne est une excellente élève, ce qui n’est pas au goût de ses camarades qui la taxent alors d’«intello». Alors qu'elle reste imperméable dans un premier temps aux railleries sur ses bons résultats, celles-ci vont alors dévier sur son physique.

«Au fil des mois, j’ai commencé à recevoir des mots sur ma table, qui me disaient “t’es grosse”, “t’es une pute”, “t’es une salope”», a-t-elle aussi témoigné ce mardi 7 novembre, lors de l’événement dédié au harcèlement scolaire auquel ont assisté Gabriel Attal et Brigitte Macron, ainsi que le chanteur Mika, qui s'est confié sur le calvaire qu'il a enduré.

Lors de son adolescence, Anne-Liz Deba développe des troubles du comportement alimentaire, et autres séquelles pour lesquelles elle est toujours suivie, onze années plus tard : «On ne peut jamais vraiment passer “au-dessus”, c’est impossible. On peut toujours se faire aider et apprendre à vivre avec, c’est ce que je fais. J’ai plusieurs psychologues et psychiatres et je suis suivie médicalement», a-t-elle expliqué.

Aux violences verbales s’ajoutent ensuite les attaques physiques, dont un tabassage groupé lorsqu’elle n’est qu’en cinquième. En sang et en larmes sur le sol, la petite fille décide de sortir du silence et de se diriger vers une surveillante pour lui expliquer les faits.

La réponse ? «Écoute Anne-Liz, ce sont des garçons, ils sont amoureux de toi, laisse tomber, c’est rien». À l’époque, la petite fille se satisfait de cette réponse et se dit que tout cela est sans doute normal, avant de prendre la décision de ne plus jamais parler.

Menacée d'être brûlée vive par ses camarades

Mais le 23 septembre 2014, alors qu’Anne-Liz est en quatrième, elle est victime d’une tentative de meurtre : «Je suis tombée dans le guet-apens de mes harceleurs, qui m’attendaient avec deux bidons d’essence. Un premier garçon est sorti du groupe et en a vidé un entier sur moi», s’est-elle souvenue.

Un second garçon en est sorti avec un briquet qu’il a allumé et maintenu devant sa tête, en la menaçant de la brûler vive : «Pendant cette agression, tout le groupe riait et encourageait mes agresseurs en scandant “brûle-là, brûle-là», a-t-elle poursuivi.

Malgré la gravité des faits, Anne-Liz et sa famille indiquent n'avoir pas été épaulés par les institutions : «Le rectorat a dit à ma mère qu’ils ne pouvaient rien faire», a-t-elle déploré.

Aussi, le rectorat aurait refusé qu’elle change d’établissement car, étant une bonne élève, son départ aurait fait baisser les statistiques du collège : «Leur seule réponse a été de m’attribuer un garde du corps. J’ai donc eu un garde du corps au collège», a-t-elle raconté.

Des études supérieures interrompues par la dépression

Malgré des années lycée dans un établissement éloigné du précédent, le harcèlement s’est poursuivi en raison de sa proche domiciliation avec celle de ses agresseurs. Anne-Liz a été tantôt victime de cyberharcèlement, tantôt poursuivie par ses harceleurs et leurs familles jusque chez elle.

Ce n'est qu'au début des études supérieures que le harcèlement a cessé. Alors qu’elle suivait un cursus de droit, afin de devenir juge pour enfants, Anne-Liz a été rattrapée par un stress post-traumatique qui l’a plongé dans une grave dépression qui l’a forcé à interrompre son cursus.

«J’ai été hospitalisée d’urgence dans une unité psychiatrique, à trois reprises. Ça a été une période extrêmement difficile pour moi car j’aimais beaucoup mes études», nous a-t-elle confiés.

De cette mauvaise période est ressortie une réorientation vers une voie lui permettant d’aider les enfants sur le terrain.

Grâce à sa sœur, les psychologues, le handball, et l’écriture, Anne-Liz a pu remonter la pente et devenir une jeune femme rayonnante et engagée, qui met un point d’honneur à aider les gens à se reconstruire après la violence, et apprendre à s’aimer.

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