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La semaine de Philippe Labro : la vulgarité du débat, l'élégance des mots

«Ce n’est pas très facile de se réveiller à 2h55 du matin pour assister au premier débat télévisé de la campagne présidentielle américaine, Donald Trump face à Joe Biden» - Philippe Labro «Ce n’est pas très facile de se réveiller à 2h55 du matin pour assister au premier débat télévisé de la campagne présidentielle américaine, Donald Trump face à Joe Biden» - Philippe Labro [Morry Gash / POOL / AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

MERCREDI 30 SEPTEMBRE

Ce n’est pas très facile de se réveiller à 2h55 du matin pour assister au premier débat télévisé de la campagne présidentielle américaine, Donald Trump face à Joe Biden, à Cleveland, dans l’Ohio. Mais, pour votre chroniqueur, qui a suivi tant d’autres joutes de ce type depuis des années, c’était nécessaire. Nous avons assisté à une empoignade chaotique sans précédent. Jamais, aussi bien sous Kennedy, Nixon, Carter, Reagan, Clinton, les deux Bush, Obama – qui vous voulez ! –, jamais je n’ai entendu autant de familiarités («Ta gueule, mon vieux !» ; «Vous êtes un clown» ; «Vous êtes un menteur» ; «Vous n’avez aucune intelligence»). Jamais autant d’interruptions intempestives, qui contreviennent à toutes les règles.

J’ai sous la main huit pages de notes prises au cours des 90 minutes de cette algarade. Que puis-je en retirer ? Les questions sur le racisme, l’environnement, la science et son déni, les violences urbaines, l’irruption de la pandémie dans une économie qui «allait magnifiquement bien», dixit Trump, le legs d’Obama et de son système de santé, tout cela a été abordé, certes, et si l’on décortique l’ensemble, on peut conclure que les électeurs américains font face à un vrai choix, car les deux hommes n’ont rien en commun. Il est souvent admis qu’un débat télévisé n’a pas autant d’influence que l’on croit sur les votants. Il va falloir attendre les prochains sondages.

Il n’empêche : on a vécu un abaissement dans la qualité du discours et du comportement. Mais n’est-ce pas dans l’air du temps ? Les engueulades, les impossibilités d’aller au bout d’une phrase, l’invective et l’impolitesse font loi sur de nombreux plateaux de télévision, et cela ne se limite pas aux Etats-Unis. Nous en sommes aussi les spectateurs. Le ton est monté partout, et les normes de la bienséance ont souvent explosé. C’est ainsi. C’est la musique de notre épo­que. Elle a au moins une vertu, celle de la liberté de s’exprimer. Je préférerai toujours le tohu-bohu des démocraties plutôt que le silence des dictatures. 

A 4h30 du matin, j’ai tenté de m’endormir. Impossible !

JEUDI 1ER OCTOBRE

Il se confirme chaque jour que le livre se porte bien. Contrairement à d’autres secteurs, il semble s’installer comme une valeur refuge, un enrichissement permanent, une évasion, la possibilité de rêver et de réfléchir. Aussi bien, chaque semaine ou presque, je souhaite signaler quelques publications, parfois dans le désordre. Ainsi, il y a Histoire du fils (éd. Buchet Chastel), de Marie-Hélène Lafon, une romancière qui accumule les succès et les prix littéraires grâce à la fluidité de son écriture et à la force de ses récits.

On doit aussi s’arrêter sur La grande épreuve (éd. Stock), d’Etienne de Montety, qui, en cette période de procès des attentats de janvier 2015, s’est inspiré, par la fiction, d’un événement qui choqua tout notre pays : l’exécution d’un prêtre normand, Jacques Hamel, le martyr de Saint-Etienne-du-Rouvray. Je vous recommande enfin un album qui vient de paraître, signé Serge Korber et Jean-Yves Katelan, Jean-Louis Trintignant, dialogue entre amis (éd. de La Martinière). Témoignage d’une amitié, bien sûr, mais aussi et surtout un panorama, superbement illustré, de la vie et la carrière de cet acteur exceptionnel.

Des citations inédites ou encore des poèmes bien choisis constellent cet ouvrage original. Desnos, Aragon… Tout ce que Trintignant sait dire et lire comme personne. Avec cette phrase de Prévert que Trintignant a fait sienne depuis longtemps : «Parlons des choses heureuses, pour ce qui est de la peine, pas la peine d’en parler.» «C’est de Prévert», précise l’acteur. Il ajoute : «C’est beau, Prévert.» Il est très beau, ce livre. C’est beau, les livres ! 

Retrouvez tous les éditos de Philippe Labro ICI

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