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En Irak, un marchand de DVD se passionne pour Bollywood

Un commerçant irakien au milieu de son échoppe de CD et DVD de Bollywood, le 28 avril 2012 à Bagdad[AFP]

Dans sa minuscule échoppe bourrée de CD et DVD plus ou moins légaux, Adil Hamid Khalaf ressemble à n'importe quel vendeur de films de Bagdad: sauf qu'il est sans doute le seul à pouvoir offrir une plongée sans limite dans l'univers du Bollywood des années 50, sa passion.

C'est avec nostalgie que cet homme de 65 ans évoque ce qu'il considère comme la meilleure période du cinéma indien, qu'il associe étroitement à une époque où la vie était infiniment plus facile en Irak.

Lorsque Khalaf et quelques amis ont lancé leur propre affaire de vente de films, les salles de cinéma de Bagdad diffusaient à profusion des films arabes, indiens et occidentaux, et certaines étaient même spécialisées dans les productions de Bollywood.

Non seulement il n'y en a plus aujourd'hui, mais les cinémas sont à présent généralement perçus comme des lieux de perdition dédiés à la pornographie et aux rencontres homosexuelles illicites.

"A l'époque, les gens savaient se tenir dans les cinémas, vous pouviez y amener votre famille, vos filles". "Maintenant vous ne pouvez plus faire ça", déplore-t-il.

La sécurité à Bagdad s'est fortement dégradée également depuis l'invasion américaine de 2003 et Khalaf ne peut plus se permettre de garder sa boutique ouverte comme jadis jusqu'à minuit. Il tire le rideau dès 16H00.

Et sa clientèle a fondu des deux tiers, victime de la compétition d'autres vendeurs et du fait que nombre de ses inconditionnels, pour la plupart des hommes âgés, sont morts au fil des dernières années.

Pourtant, son enthousiasme pour ces films vus et revus mille fois a permis à Khalaf d'apprendre la langue hindi, qu'il utilise -quoique de façon un peu trébuchante- lorsqu'il rencontre des stars du cinéma indien comme la superstar Amitabh Bachchan, qu'il dépeint comme son "ami" et dit rencontrer régulièrement à Bombay.

Des clichés de leurs accolades ornent les murs de l'échoppe. D'autres photos le montrent au côté d'anciennes vedettes comme Rajesh Khanna, Dharmendra, Mithun Chakraborty ou Amrish Puri.

"Les films forgeaient votre caractère"

Mais, selon lui, l'âge d'or du cinéma indien est bel et bien passé. Celui d'aujourd'hui est à son goût trop occidentalisé. "Les films indiens d'avant vous enseignaient comment vous comporter avec les autres, ils vous apprenaient les bonnes manières, ils forgeaient votre caractère", soupire-t-il. "Ils apprenaient au spectateur à bien se comporter avec ses parents, à se mettre à leurs pieds".

"A présent, les films indiens sont bourrés d'action, de drogues, de couteaux, de pistolets, de balles. Ils apprennent aux gens à tuer, mais pas du tout à bien se comporter", déplore-t-il.

Un constat qui s'applique aussi bien à l'Irak d'aujourd'hui, avec sa société en lambeaux après plus de trois décennies de guerres, d'embargo et de violences.

Khalaf va se réapprovisionner en Inde une fois par an, la plupart du temps à Bombay où il en profite pour rendre visite à Amitabh Bachchan. Combien de films a-t-il en stock? Impossible de le savoir: les plus anciens datent des années 20, les plus récents de l'année dernière.

Mais ces derniers ne l'impressionnent guère: ses favoris resteront pour toujours "Kali Topi Lal Rumal", un film en noir et blanc de 1959, et "Mother India", nominé aux Oscars en 1957. Il les visionne ou écoute des compilations de chansons à plein volume, tout en sirotant du thé avec ses habitués.

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