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Les espions font leur cinéma

Robert Vaughn et David McCallum dans la série d'espionnage Des Agents très spéciaux[CC/excitingsounds]

Nés de la littérature, les films d’espionnage, depuis leurs débuts, traduisent les angoisses d’un peuple, d’un temps, d’une société. De la Seconde Guerre mondiale à la menace terroriste en passant par la guerre froide, l’agent secret veille au grain.

 

Archives – Article publié le lundi 20 avril 2009

 

Romans, bandes dessinées, films, séries télévisées : les récits d’espionnage s’invitent dans tous les médias. Reflets d’une époque, les intrigues se nouent sur fond d’enjeux géopolitiques, historiques et économiques et révèlent les préoccupations profondes de nos sociétés, leurs craintes, leurs traumatismes mais aussi leurs espoirs. Figure de héros moderne, l’agent secret rassure. Il veille aux intérêts de la patrie. Du moins jusqu’à un certain point. Les deux films de Michel Hazanavicius (OSS 117, Le Caire nid d’espions et OSS 117, Rio ne répond plus...) dynamitent la bonne conscience occidentale et le patriotisme exacerbé par leur esthétique du détournement.

Mais avant de devenir un héros ridiculisé, l’agent secret n’est autre que celui qui sauve le monde de la menace qui plane sur son époque. Car les sujets des longs métrages d’espionnage renvoient aux affrontements souterrains entre nations. Ainsi, dès les premières réalisations, issues pour la plupart de romans (initiés par les ouvrages de Gaston Leroux et Maurice Leblanc en France, mais dont les codes seront gravés par les romans anglo-saxons à partir des années 1950), les films d’espionnage sont le reflet d’un contexte social, historique et politique.

Les productions des décennies 1940 et 1950 s’articulent autour de la Seconde Guerre mondiale et des nazis, comme dans Les Enchaînés (1946), film mythique d’Alfred Hitchcock avec Cary Grant et Ingrid Bergman, L’Affaire Cicéron de Joseph L. Mankiewicz produit en 1952, ou encore Berlin Express (1948) de Jacques Tourneur.

 

Vidéo : Les Enchainés d’Alfred Hitchcock

 

 

C’est ensuite la guerre corne d’abondance et fournit un nombre de films vertigineux dans les années 1960-1970 et jusqu’à la fin de la décennie 1980. Engageant le bloc de l’Ouest, celui de la Grande-Bretagne, les agents de ces années pullulent et reprennent fidèlement les codes du genre : agents doubles, femmes fatales, repaires secrets des «méchants», histoires d’amour entre agents de différents camps...

Puis vint James Bond. S’il ne devait en rester qu’un, ce serait celui-là. Il faut dire qu’en termes de légitimité, il est difficile de faire mieux. Avant de sauver le monde sur grand écran, le matricule 007 s’est d’abord illustré à partir de 1953 sous la plume de Ian Fleming, ancien espion britannique. Succès oblige, il atterrit rapidement (1962) au cinéma et accède, sous les traits de Sean Connery, Roger Moore, Pierce Borsnan ou le petit dernier, Daniel Craig, au statut de mythe contemporain. Il devient dès lors l’idéal type de l’espion : homme à femmes, sportif, joueur, flegmatique, distingué et toujours bien coiffé.

Outre la franchise 007 (Bons baisers de Russie, 1964), d’autres films s’insèrent dans le paysage antagonique Est-Ouest, à l’image des œuvres du maître du suspense Alfred HitchcockLe Rideau déchiré (1966), L’Étau (1969) –, de L’Espion qui venait du froid (de Martin Ritt, 1965) avec Richard Burton, ou du Serpent (1973) d’Henri Verneuil. Dans ces œuvres se retrouve toujours la peur de la détention d’une arme ultime, souvent nucléaire, parfois bactériologique, éternellement convoitée pour la maîtrise du monde. L’espionnage industriel est aussi un motif exploité.

 

Vidéo : Goldfinger

 

 

Pour concurrencer James Bond – et voire le parodier – de nouveaux espions cinématographiques apparaissent à cette époque : dès 1965 l’acteur britannique Michael Caine incarne l’agent du contre-espionnage Harry Palmer dans une série de cinq films adapté de Len Deighton (Ipcress, danger immédiat, Mes Funérailles à Berlin et Un cerveau d’un milliards de dollars).  Dans la série des Matt Helm, Dean Martin une version parodique de James Bond.

 

Vidéo : Ipcress, danger immédiat avec Michael Caine

 

 

A la chute du Mur, les thématiques changent avec l’évolution des puissances géopolitiques. Le bloc soviétique n’est plus, et les décennies 1990-2000 voient l’apparition d’une nouvelle menace : le terrorisme. Le réalisateur Ridley Scott en a d’ailleurs fait le sujet d'un de ses films, Mensonges d’Etat (2008) avec Leonardo DiCaprio et Russell Crowe. Le genre devient aussi plus musclé ; ces longs métrages présentent des scénarios intelligents et des scènes d’actions démesurées. La trilogie Jason Bourne (La mémoire..., La mort... et La vengeance dans la peau) avec Matt Damon, ainsi que Mission : Impossible III (2006) avec Tom Cruise, ou sur un ton plus léger, Mr. & Mrs. Smith avec Brad Pitt et Angelina Jolie, en sont les exemples mêmes. Mais c’est avec le 22e James Bond, Quantum Of Solace (2008), que de nouvelles angoisses semblent émerger. La question de l’épuisement des ressources naturelles, comme l’eau, amène des problématiques inédites à exploiter pour ce genre en perpétuel renouvellement.

 

Vidéo : La Vengeance dans la peau

 

 

Austin Powers, la blague

Reprenant les codes du genre – un grand méchant qui menace le monde, des gadgets, de jolies accompagnatrices, un style seventies jusque dans la musique –, Austin Powers, interprété par Mike Myers, est une parodie loufoque dans la lignée des Y a-t-il... ?. Dans cette trilogie, le héros est un agent secret britannique qui s’est fait congeler en 1967 pour reparaître à notre époque, lorsque le «méchant» (le docteur Denfer) menace à nouveau la planète. Originalité du film, Mike Myers, sans doute inspiré par Fantomas, interprète simultanément Austin Powers et son ennemi juré.

 

Vidéo : Dans Austin Powers, l’agent secret n’a plus rien de secret : il est devenu une rock star.

 

 

Télévision : espions en série

A l’instar du cinéma ou de la littérature, les séries télé sont depuis longtemps friandes d’espions. La profession d’agent secret ayant l’avantage d’éviter la routine, les scénaristes de feuilletons ont allègrement puisé dans le genre pour divertir le spectateur. Dans les années 1960, les espions sont à l’origine de la plupart des séries marquantes, avec une approche psychédélique propre à cette décennie.

A tout seigneur, tout honneur, c’est l’Angleterre – la patrie du roman d’espionnage – qui a produit deux fictions cultes : Le Prisonnier et Chapeau melon et bottes de cuir. La première a fait de la série TV une œuvre à part entière en présentant le combat d’un agent secret qui tente de s’échapper d’un mystérieux village aux mœurs totalitaires. Patrick McGoohan, joue le «numéro 6». La deuxième, plus légère, suit les aventures du «so British» John Steed (Patrick Macnee), toujours accompagné de son parapluie et de ses délicieuses partenaires.

 

Vidéo : Mission Impossible

 

 

Outre-Atlantique, deux autres séries inoubliables sont, elles aussi, fondées sur le monde des espions : Les mystères de l’Ouest, Des Agents très spéciaux et bien sûr Mission : impossible, avec ses imparables gimmicks («Votre mission, si toutefois vous l’acceptez...»). Signalons encore Max la menace qui, avec son héros gaffeur, lance la mode parodique.

Dans les années 1970, l’espion se fait bionique   (L’homme  qui valait trois milliards) avant de céder la place aux policiers et aux détectives privés Mais l’arrivée du nouveau millénaire le replace au premier plan. L’agent Jack Bauer (24 heures) est un véritable phénomène, tout comme sa consœur Sydney Bristow (interprétée par Jennifer Garner) dans la fiction Alias. L’excellente série britannique MI-5 adopte, elle, un point de vue plus réaliste et politique. Et la vague continue avec les récentes Dollhouse ou Burn Notice. Max la menace s’est même trouvé un disciple en la personne de Chuck, fan d’informatique et espion malgré lui qui relie le genre de l’espionnage à la culture geek, tout en nous rire.

 

Hubert Bonisseur de la Bath, le James Bond vieille France

Héros d’une série de romans d’espionnage écrite par Jean Bruce et adaptée au cinéma dans les années 1960, Hubert Bonisseur de la Bath, dit OSS 117, est de retour. Douze ans après ses pérégrinations égyptiennes (Le Caire nid d’espions, 2006), l’un des plus célèbres agents français est envoyé sur les traces d’un ancien dignitaire nazi ayant fui au Brésil avec un microfilm compromettant pour la France du général de Gaulle... Le monde change,           mais pas lui : raciste, xénophobe, misogyne, inculte et arrogant, OSS continue d’enfiler les bourdes et les préjugés comme des perles.

 

Vidéo : OSS 117 : Rio ne répond plus

 

 

Après le monde arabe, ce sont ici les Juifs et Israël qui sont l’objet de son mépris... Avec un Jean Dujardin au sommet, des dialogues délicieusement politiquement incorrects et de nombreuses références cinématographiques, de (Harper) Détective privé à L’homme de Rio en passant par L’affaire Thomas Crown, La Mort aux trousses, la série des Matt Helm ou encore Au service secret de Sa Majesté, OSS 117, Rio ne répond plus réussit l’exploit de tirer un degré au-dessus du premier volet sa qualité de divertissement de haute facture.

 

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