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Oran, le 5 juillet 1962 : « rien ne laissait soupçonner l’imminence d’un massacre »

Oran en 1962[Capture d'écran Youtube ]

C’est une tragédie méconnue. Le 5 juillet 1962, quatre jours après le référendum d’autodétermination, plus de 700 Européens sont massacrés ou enlevés à Oran. Un nombre encore indéterminé d’Algériens trouve également la mort. Convoquant témoignages et archives inédits, Guillaume Zeller sort ce drame de l’oubli dans lequel il est plongé depuis un demi-siècle. Dans son ouvrage Oran, 5 juillet 1962. Un massacre oublié, il dénonce aussi l’inaction des soldats français.

 

Archive – article publié le vendredi 16 mars 2012

 

Au cours de la guerre, quel était le climat général à Oran ?

Guillaume Zeller : Oran est une ville qui fut longtemps préservée du conflit. Les communautés y ont vécu dans des conditions presque «normales». On continue à aller à la plage, à fréquenter les terrasses des cafés. Mais, dès 1960, quand le général de Gaulle infléchit sa politique, Oran bascule dans une violence extrême. Le FLN, qui avait été presque éradiqué, lance une campagne d’attentats. Puis l’OAS va faire de la ville un bastion. Pour les pieds-noirs, après les accords d’Evian, c’est «la valise ou le cercueil».

 

Et après le référendum du 1er juillet ?

G. Z. : Quelque chose d’étonnant se passe au lendemain du référendum, comme une parenthèse. Après des mois de violences, un comité de réconciliation se met en place. Et, pendant trois jours, un avenir semble possible pour les Européens dans l’Algérie indépendante. Le 5 juillet au matin, rien ne laisse soupçonner l’imminence d’un massacre.

 

Vidéo : Émission de Radio Courtoisie sur le massacre d’Oran

 

 

A-t-il été prémédité ?

G. Z. : Plusieurs hypothèses circulent. La participation au massacre d’hommes en uniforme, le caractère systématique des rafles, la dissimulation immédiate des cadavres laissent supposer une organisation rigoureuse. Des historiens estiment qu’il s’agirait d’une opération montée par Ben Bella et Boumédiène (membres du FLN, ndlr) pour démontrer l’incapacité des modérés du gouvernement provisoire de la République algérienne à maintenir l’ordre.

 

Et l’autre hypothèse ?

G. Z. : Au cours de la journée, on assiste à des scènes d’une telle férocité que l’hypothèse d’un emballement spontané des foules, d’un grand lynchage collectif, peut également être avancée. Ces deux scénarios ne sont pas incompatibles, mais on manque de témoignages et d’archives pour trancher.

 

Des forces françaises étaient-elles encore stationnées à Oran ?

G. Z. : C’est le scandale dans le drame. L’élément qui fait du massacre d’Oran un événement unique en son genre. 18 000 soldats français sous les ordres du général Katz stationnent encore dans les rues de la ville en attendant leur retour en métropole. Mais ils reçoivent du commandement l’ordre strict de demeurer dans leurs cantonnements alors que les massacres et les enlèvements se déroulent sous leurs yeux.

 

Vidéo : Conférence sur les disparus civils européens de la guerre d’Algérie

 

 

Pour quelles raisons ?

G. Z. : Intervenir, dit-on alors, serait violer la souveraineté de l’Algérie nouvellement indépendante. Il faudra attendre plusieurs heures avant que les blindés français ne sortent dans les rues.

 

Pourquoi ce massacre a-t-il été si longtemps oublié ?

G. Z. : Parce qu’au lendemain de l’indépendance, la France ne veut plus entendre parler de l’Algérie. En 1962, on est au cœur des Trente Glorieuses. Ces pieds-noirs sont des «empêcheurs de consommer en rond». Mais l’oubli procède aussi de raisons plus politiques. Le massacre du 5 juillet démontre sans ambiguïté que les accords d’Evian étaient déjà caducs. En aucun cas, le 19 mars 1962 ne peut être considéré comme le retour de la paix en Algérie. C’est pourtant ce que l’on entend souvent. Aujourd’hui, des centaines de familles demandent l’ouverture des fosses du Petit-Lac (en périphérie d’Oran, ndlr) pour retrouver les restes de leurs disparus. Qui les entend ?

 

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