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Les français ont-ils vraiment moins lu cette année ?

Les habitudes de lecture des Français ont elles aussi été bouleversées par la crise sanitaire[© Niklas HALLE'N / AFP]

Les années 2020 et 2021, marquées par une crise sanitaire inédite aux conséquences multiples, ont vu les habitudes des Français drastiquement évoluer, et les comportements de lecture n’y ont pas échappés.

D’après un sondage paru en mars 2021 par le Centre national du livre (CNL), 87% des Français ont lu au moins un livre au cours des 12 derniers mois. Une baisse significative de 6% par rapport à l’année précédente. L’enquête tente d’y trouver une explication et a mis en avant des conditions peu favorables à la lecture. Les déplacements en transport en commun ont notamment drastiquement diminués et les fermetures des bars et des restaurants ont eu un impact sur la lecture des Français, qui sont 65% à avoir lu en dehors de leur domicile en 2020, soit une baisse de 14% par rapport à 2019.

12% de lecteurs d’actualité en plus

L’étude ne prend cependant pas en compte la lecture de l’actualité. Un sondage réalisé par Médiamétrie publié en février 2021 révèle en effet que l’audience des sites et des applications d’actualité a fortement progressé en 2020, atteignant deux millions de visiteurs uniques en plus chaque jour par rapport à 2019. On pouvait ainsi compter 19,2 millions de Français chaque jour sur les sites et applis d’actualité, soit une augmentation de 12% par rapport à 2019.

Modification des comportements de lecture

Géraldine Delauney, gérante de la librairie Dialogues à Morlaix, en Bretagne, a vécu depuis le premier confinement de mars 2020 une année plutôt surprenante. Sa boutique, qui possédait déjà un site avant le début de la crise sanitaire et a pu très rapidement se mettre au click and collect et à l’envoi d’ouvrages par la poste, a fait un chiffre d’affaire 20% supérieur à celui de l’année précédente. « Dès qu’on a rouvert les clients sont revenus en masse, et avec le click and collect en parallèle on a vraiment réussi à toucher un public plus élargi ».

La libraire estime également que les débats médiatiques autour de l’essentialité des librairies ont permis aux acheteurs de se rendre compte de l’importance des commerces indépendants. « Ils ont été sensibles à ce discours et se sont rendus compte que ce n’était pas comme acheter sur Amazon, de ce point de vu là on a aussi gagné de nouveaux clients », analyse-t-elle.

D’après le sondage du CNL réalisé avec IPSOS, la lecture des Français s’est déplacée en 2021 vers les genres dits utilitaires. Livres de développement personnel (+ 12%), de reportages d’actualité (+17%), ouvrages dits pratiques et/ou d’art de vivre (+26%) et scientifiques (+21%) ont ainsi connu une flagrante augmentation dans la catégorie des ouvrages lus en entier de la première à la dernière page.

Du côté de l’immense librairie de 500m2 à Morlaix, Géraldine Delauney a constaté une explosion des ventes d’ouvrages classiques et de sagas. « On a aussi vendu beaucoup de livres liées au séries Netflix, ça a été un vrai phénomène », détaille la libraire. Elle se souvient également que durant le premier confinement, ce sont plutôt les ouvrages jeunesse qui se sont vendus en nombre. « On sentais qu’à ce moment-là la préoccupation était d’occuper les enfants », analyse-t-elle.  

Développement de la lecture numérique

Cette année particulière signe également le développement de l’usage du livre numérique. Le Syndicat national de l’édition (SNE), la Sofia et la Société des gens de lettres (SGDL) ont publiés en avril 2021 leur 11ème baromètre des usages sur les livres imprimés numériques et audios. Il révèle que début 2021, plus d’un Français sur quatre (26%) a déjà lu un livre numérique, soit près d’un million de lecteurs en plus en douze mois. De plus, l’année 2020 semble marquée par la conversion des lecteurs aux livres audio, puisque 26% de ces consommateurs le sont depuis moins d’un an.

Pour Patrice Locmant, directeur général de la SGDL, association reconnue d’utilité publique destinée à la promotion du droit d’auteur et à la défense de leurs intérêts, l’explosion de la consommation de livres numériques s’explique par la fermeture des librairies. « Elles ont été fermées deux fois deux mois et il y a eu un effet de rattrapage, les lecteurs se sont déportés sur ce support », détaille le directeur général. Le marché du papier, qui représente près de 90% du chiffre d’affaire de l’édition, reste néanmoins très majoritaire en France. « Le livre numérique n’a pas du tout cannibalisé le livre papier, au contraire il a ouvert un nouveau marché », détaille Patrice Locmant.

Impact de la crise sur le monde de l’édition

Cette année très particulière a eu un impact sur le monde de l’édition français qui a connu, d’après le SNE, une baisse de son chiffre d’affaires de 2% en 2020. En effet, nombres de publications ont été tout simplement annulées ou dans le meilleur des cas reportées ou différées. À l’instar des sorties de films, le marché du livre est désormais « embouteillé » et ces bouleversements de parutions devraient selon Patrice Locmant et Christophe Hardy secrétaire général de la SGDL, affecter le secteur pendant au moins 3-4 ans.

Depuis un mois, Géraldine Delauney constate cet embouteillage et se dit noyée par les nouveautés. « Ça c’était bien calmé mais là c’est assez fou, on ne sait même plus où les mettre. On sent que les éditeurs ont lâché les chevaux sur les parutions. » Seul le temps nous dira si la réouverture des lieux culturels et l’allègement progressif du couvre-feu ne va pas freiner la consommation littéraire des Français.

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