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Inceste : le message bouleversant de Neige Sinno, autrice de «Triste tigre»

Avec une force rare, comme dans son livre autobiographique, l'autrice a évoqué la solitude des victimes d'inceste. [Capture X @GrandeLibrairie]

Neige Sinno, autrice du livre «Triste tigre» (P.O.L) a adressé ce mercredi soir, dans La Grande Librairie, un déchirant message aux victimes d’inceste.

C'est l'un des événements de la rentrée littéraire, et le livre a déjà remporté le prix du journal Le Monde. «Triste tigre» bouleverse les lecteurs. En lice pour le Goncourt, le Femina, le Décembre et le Flore, son autrice Neige Sinno s’impose avec ce texte radical, entre récit et essai, dans lequel elle revient sur les viols perpétrés par son beau-père dont elle a été la victime de ses 7 à ses 14 ans.  

Invitée de La Grande Librairie ce mercredi, elle a, à la toute fin de l’émission, lu face caméra un texte qu’elle a spécialement écrit pour l'occasion. Des mots déchirants, adressés à toutes les victimes, comme elle, d’inceste.

«Non, la littérature ne m’a pas sauvée. Pourtant, toute ma vie, j’ai aimé les livres. La lecture est une activité si particulière, presque magique, a-t-elle commencé. Quand on lit, on est seul. Quand on écrit on est seul. Mais ce sont des solitudes peuplées, des silences pleins de murmures. Je ne sais pas pour qui j’écris, mais je sais de quel endroit je voudrais écrire. J’écris depuis l’enfance, depuis la petite fille que j’étais, depuis sa colère, depuis son envie de vivre», a-t-elle poursuivi.

«J’écris en pensant à celles et ceux qui sont passés par où je suis passée. A celles et ceux qui ont traversé les ténèbres et qui n’ont d’autre choix que de continuer. J’écris pour ceux qui ne sont pas résilients, qui se sont jetés par la fenêtre pour pouvoir arrêter enfin de penser à ça. Pour ceux qui vont pleurer en m’écoutant, celles qui ont détourné le regard pour ne pas m’écouter. Celles qui ont parlé, celles qui n’ont pas parlé. Ceux qui n’ont personne à qui parler, celles qui ne peuvent pas voir, ceux qui ne peuvent pas entendre. Je n’écris pas à leur place. Je sais que je ne peux pas, que personne ne peut se mettre à leur place. J’écris pour leur dire : je sais que vous êtes seuls. J’écris pour leur dire vous n’êtes pas les seuls, moi aussi je suis seule. Nous partageons cette solitude. Nous sommes ensemble dans cette solitude. Ça ne va pas nous sauver mais c’est toujours ça». 

Appel à maintenir la CIIVISE

Neige Sinno fait partie des personnalités qui ont, dans une tribune publiée au début du mois, exhorté Emmanuel Macron à maintenir durablement la CIIVISE, alors que l'incertitude plane sur le maintien au-delà de 2023 de cette commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, créée en janvier 2021, dans le sillage du récit de Camille Kouchner, «La Familia Grande».

Selon la CIIVISE, 160.000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année en France, et un adulte sur dix a été victime de violences sexuelles dans l'enfance, le plus souvent au sein de leur famille.

En ce jeudi 21 septembre, elle a publié une analyse des 27.000 témoignages reçus en deux ans et réclame de continuer sa mission. Elle rappelle notamment que la façon dont un enfant victime de violence sexuelle a été écouté, cru et protégé a un impact sur les troubles qui l'affecteront tout au long de sa vie : toxicomanie, alcoolisme, troubles alimentaires, sexualité, violences conjugales, délinquance, pathologies «inexpliquées»...

Or, selon les témoignages, seulement 8% des victimes qui ont parlé ont reçu un «soutien social positif». Elle précise également que lorsque le confident a pris des décisions pour mettre l'enfant en sécurité, il s'agissait, dans 70% des cas, des mères. Or, signale la CIIVISE, ces mères sont prises dans un «piège» : coupables de «négligence» ou «complicité» si elles n'alertent pas les institutions, ou accusées de mensonges et de manipuler leur enfant quand elles saisissent la justice.

Pour la CIIVISE, et les signataires de la tribune à l'instar de Neige Sinno, il est plus que jamais d'une importance capitale de continuer à façonner une politique publique de protection réelle des enfants.

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