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Joël Dicker : «Un animal sauvage», son nouveau roman, est «plus qu'un polar»

Le célèbre écrivain suisse signe un nouveau roman aux allures de thriller psychologique. [ © Anoush Abrar]

Joël Dicker signe son 7e roman, «Un Animal Sauvage», aux éditions Rosie & Wolfe. Un nouveau thriller sur fond de braquage qui transporte le lecteur jusque dans la banlieue chic de Genève, où la vie n'est pas aussi tranquille qu'il n'y paraît... Une nouvelle preuve du talent de l'écrivain suisse pour le suspense. Rencontre.

«Un Animal Sauvage» est votre 7e roman, et le premier que vous publiez après la fin de la trilogie Harry Québert. Comment appréhendez-vous la sortie de ce nouveau livre ? 

Comme toujours, avec un peu de trac, mais un bon trac. Le trac, cela veut dire qu'on a des doutes. C'est un livre que j'ai écrit tout seul pendant plus de deux ans. Seules quelques personnes l'ont lu autour de moi, et tout à coup il se retrouve dans les mains de millions de personnes, dans différentes langues et dans quarante pays. C'est un peu vertigineux. Comment le livre va-t-il être reçu ? Les gens vont-ils aimer ? C'est une petite appréhension. Mais avoir des doutes signifie que l'on n'a pas de certitude. C'est comme cela que j'avance. Ce n'est pas un trac qui m'angoisse, c'est un trac qui m'amène à de bons sentiments. 

Dans ce nouveau roman, vous avez décidé de parler d'un braquage, et non pas d'un meurtre ou d'une disparition, comme dans vos précédents écrits. Pourquoi avoir choisi le braquage ?

Pourquoi pas ? Ce n'est pas une décision que je prends, cela me vient peu à peu. Je commence à raconter une histoire, des personnages, et l'idée du braquage me vient. C'est difficile d'expliquer comment et pourquoi cette idée m'est venue, mais elle est arrivée. 

Vous dites d'ailleurs souvent que le point de départ de vos livres sont les personnages et non pas l'intrigue policière... 

Oui, je ne pars jamais de l'enquête, mais du questionnement des personnages. Je me demande : que font-ils ? Où vont-ils ? Qui sont-ils ? Peu à peu, je les mets dans des conflits, dans différentes situations, jusqu'à trouver celle où je me dis : «c'est ça !» Mais cela prend beaucoup de temps.

Je ne pars jamais de l'enquête pour mon intrigue

Dans ce roman, les personnages ont tous des parts d'ombre, c'est aussi ce qui fait leur normalité. Nous sommes tous parfois dans le masque, dans les apparences, nous avons tous des choses que l'on n'ose pas dire ou que l'on garde pour nous. C'est cela que ces personnages-là portent. 

Quelle est votre méthode pour ménager le suspense tout en dévoilant l'objet du récit (le braquage), dès la première page du livre ? 

L'idée, c'est de raconter au fur et à mesure. Mais ma vraie méthode, c'est que je ne sais pas ce qui se passe. Il y a un braquage, mais je ne sais pas ni qui l'a fait, ni pourquoi. À mesure que j'écris le livre, les raisons et les auteurs changent, et c'est justement ce que j'aime. Je reviens tout le temps sur ce que j'écris.

Plus j'avance dans l'écriture du livre, plus je comprends ce que je veux faire, et plus je reviens en arrière pour réordonner et affiner ce que j'ai écrit avant, pour que tout concorde. J'écris de nombreuses versions, mais je garde toujours mes anciennes ébauches et je les numérote, car parfois une version précédente peut être meilleure. 

Comme dans presque tous vos romans, vous faîtes dans «Un Animal Sauvage» de nombreux retours dans le passé. Quel est votre rapport au temps et pourquoi est-ce important dans votre écriture ? 

Le retour en arrière est indispensable pour comprendre où l'on est et ce que l'on fait. À chaque fois que j'ai besoin de raconter à mes lecteurs pourquoi mes personnages font ce qu'ils font et sont ce qu'ils sont, je fais un flashback pour raconter des moments constitutifs de leurs personnalités et de leurs vies. Je le fais quand l'histoire le demande. Si vous avez un livre dans lequel on ne vous explique jamais qui sont les personnages, c'est un peu abscons, il n'y a pas d'aspérité, il n'y a pas de matière. Je pense que l'on ne peut pas connaître quelqu'un sans savoir ni d'où il vient ni qui il est. On ne peut pas être uniquement dans le présent. 

Vous écrivez des romans policiers, mais vous refusez parfois que l'on classe vos œuvres dans la catégorie polar. Comment définissez-vous votre travail ? 

On me demande souvent si mes romans sont des polars. Non, ils ne répondent pas complètement aux codes du genre, car ils ne répondent pas à certaines attentes qu'ont les lecteurs de polars, comme par exemple le fait d’avoir un livre qui dépend de l'enquête. Ici, le livre dépend des personnages. En même temps, il y a un côté polar si on considère que c'est un polar parce qu'il y a une intrigue et un flic. 

Il y a des livres, et je crois que c'est le cas des miens, qui ne rentrent pas dans une seule boîte

Le polar offre la possibilité d’avoir un fil rouge, que l’on identifie immédiatement, auquel on se raccroche facilement, et qui permet d’aller encore plus loin dans les autres pans de l’histoire, dans les sous-intrigues, dans les personnages. Je crois que le polar offre la possibilité d’une narration élargie. 

Mais il y a des livres, et je crois que c'est le cas des miens, qui ne rentrent pas dans une seule boîte sur laquelle on colle une étiquette. En vérité, la seule qui puisse correspondre totalement, c'est celle de la littérature. Elle raconte tout. Elle regroupe les thématiques de vie, les liens, les personnages, l'amour, le sens de la vie, la passion, le suspense. 

Vous aimez par ailleurs souvent faire des clins d'œil à la littérature dans vos romans, à travers un personnage d'écrivain, comme Marcus Goldman dans la trilogie Harry Québert, ou, dans le cas d'«Un Animal Sauvage», un livre déterminant dans le destin des protagonistes...

Oui, la littérature est tellement importante et indispensable dans le quotidien que j'ai envie de l'ajouter partout. Les lecteurs ont un livre entre les mains, et les personnages ont eux aussi leur livre à un moment donné. 

Enfin, après le succès de l'adaptation en série de «L'Affaire Harry Québert» par Jean-Jacques Annaud, avez-vous d'autres projets d'adaptation au cinéma ou à la télévision ? 

Non, pas que je sache. Il y a de l'intérêt mais il n'y a rien de prévu. Je crois, et cela me plaît assez, qu'il y a pas mal de difficultés techniques à mettre mes textes à l'écran. On me dit souvent que mes livres sont très cinématographiques, qu'on voit immédiatement un film ou une série. Mais quand les gens du milieu commencent à imaginer un projet, ils font face à des difficultés. Cela me rappelle à quel point la lecture est plus forte et plus immédiate que le cinéma ou la série télé.  

Un Animal Sauvage, de Joël Dicker, ed. Rosie & Wolfe, 400 p., 23€, en librairie le 27 février.

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