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Tailleur en tweed Chanel : l’alliance du luxe et du confort

« L’élégance, c’est que ce soit aussi beau à l’envers qu’à l’endroit » Gabrielle Chanel [Capture d’écran Youtube]

Né au début des années 1920, le tailleur en tweed de la maison Chanel, réinventé à chaque nouvelle collection depuis plus d’un demi-siècle et symbole mondial du raffinement français, reste un élément incontournable des garde-robes des femmes d’aujourd’hui.

 

Archives – Article publié le jeudi 24 janvier 2008

 

Les premières vestes Chanel voient le jour en 1916, lorsque Gabrielle Chanel impose l’utilisation du jersey, fluide et malléable. Confortables et faciles à vivre, elles marquent leur époque et participent à l’émancipation de la femme. Avec cette veste, elles vont pouvoir bouger, travailler, sans renoncer au luxe de leur garde-robe. Gabrielle Chanel elle-même ne porte que cette veste, «l’expression vestimentaire du siècle».

Chanel lui impose son exigence de souplesse : les poches et les manches des vestes répondent à une charte de construction précise, conçue pour n’entraver aucun mouvement. Les laines utilisées pour réaliser le tweed sont moins lavées afin qu’elles gardent leur moelleux et leur souplesse. Un autre des nombreux secrets de la veste Chanel réside dans sa doublure : invariablement en soie, elle cache une fine chaînette qui donne une verticalité et un tombé impeccable au vêtement. Ce détail d’une sophistication rare reste la véritable signature de Chanel, unique maison de couture à «plomber» ainsi ses vestes. Le résultat : une parfaite alliance de l’allure et du confort.

Lors des premières présentations, ce tailleur étonne par son avant-gardisme prononcé : il est simple, mais parfaitement juste. Son succès sera tel qu’il habillera les femmes du monde entier. On le voit au cinéma, notamment porté par Jeanne Moreau dans Les Amants de Louis Malle (1958), ou encore par Delphine Seyrig dans Baisers volés de François Truffault (1968). Il sera également à la une de tous les journaux le lendemain du 22 novembre 1963, un tailleur de couleur rose et taché de sang, porté par la première dame des Etats-Unis, Jackie Kennedy, le jour de l’assassinat de son époux.

 

Vidéo : Delphine Seyrig dans Baiser Volés de François Truffaut :

 

 

Un tailleur de tweed inspiré de son amant

 C’est en 1954, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, que Coco, alors âgée de 71 ans, rouvre sa maison (elle l’avait fermée sur un coup de tête en 1939). A ce moment, elle présente des tailleurs de tweed directement inspirés d’une de ses anciennes liaisons avec l’homme réputé le plus riche d’Angleterre : le duc de Westminster. Elle utilise d’ailleurs le mot «costume» pour le qualifier et non «tailleur».

Cette précision est importante parce que ses liaisons masculines tout comme ses voyages ont toujours influencé ses créations. Parfois, elles furent de véritables sources d’inspiration (de sa liaison avec le grand-duc Dimitri, cousin du dernier tsar de Russie, sont nées ses robes à motifs slaves). Elle piochera ganses d’uniformes, pantalons et bérets de marin dans les vestiaires masculins afin de les proposer aux femmes. Son style s’est d’ailleurs toujours plus ou moins inspiré des garde-robes de ses hommes, qu’elle remaniait pour elle...

Le duc de Westminster faisait preuve d’une élégance détachée parfaitement au goût de Mademoiselle Chanel. Leur liaison, commencée en 1928, a duré presque six ans et ses voyages dans la campagne anglaise furent une grande source d’inspiration. Si bien qu’elle ne tarda pas à adopter le vestiaire de son amant, tout en le féminisant, puis en le proposant à ses clientes dans ses collections. C’est ainsi que vit le jour, en 1956, le célèbre tailleur de tweed Chanel a motifs écossais, gansé, sans entoilage, souple, aux poches plaquées, aux emmanchures étroites et au tombé unique apporté par la chaîne qui souligne la doublure intérieure.

 

Vidéo : la création de la veste Chanel

 

 

La décontraction et le confort deviennent un luxe

Partant de la maxime de Coco Chanel : «Il n’y a pas de mode si elle ne descend pas dans la rue... », on comprend pourquoi, très tôt, elle cherche à allier le confort à la liberté de mouvement dans ses créations. Sa mode est donc volontairement fluide (on lui doit les premières tenues de sport féminines), privilégiant l’aisance et le côté pratique, à l’exemple de son pyjama, qu’elle portait aussi bien sur la plage qu’en soirée.

L’émancipation féminine, à laquelle elle accorde beaucoup d’importance, a beaucoup d’impact sur son élan créatif : elle raccourcit les jupes, supprime leur taille, porte des pantalons (elle participe à la mode garçonne des années 1920), met les cheveux courts au goût du jour et fait entrer dans la garde-robe des femmes des pièces et accessoires masculins.

Lorsqu’elle rouvre sa maison en 1954, sa collection va complètement à contre-courant du style «new-look» de Christian Dior : elle supprime balconnets et autres guêpières... et remplace le traditionnel corset par des tailleurs et des robes beaucoup plus confortables, proposant une silhouette androgyne qui n’est pas au goût de tout le monde. Roland Barthes définit le tailleur Channel «comme l’oubli du corps tout entier, réfugié, absorbé dans la distinction sociale du vêtement». Elle participait en fait à une véritable révolution de la haute couture en imposant le confort et l’élégance de tailleurs et de robes très simples, sobres et raffinés.

 

 

Le tailleur de tweed revisité par Karl Lagerfeld [Capture d'écran Youtube]

 

Le tailleur de tweed Chanel après Chanel

Mademoiselle Chanel mourut dans sa chambre du Ritz le dimanche 10 janvier 1971, à l’âge de 87 ans. Elle aura travaillé jusqu’au dernier soir de sa vie. Elle disait : «Que ma légende fasse son chemin, je lui souhaite bonne et longue vie.» Ce fut chose faite, en partie grâce à la famille Wertheimer (c’est à eux qu’appartient l’entreprise depuis 1924) qui assura la continuité de la maison Chanel.

En 1983, elle fait appel à un ancien de chez Balmain et de chez Jean Patou : Karl Lagerfeld, qu’elle nomme directeur artistique de la maison pour toutes les collections haute couture, prêt-à-porter et accessoires. Celui-ci, sans jamais copier les modèles de Mademoiselle, précise : «ma Coco préférée, c’est celle des débuts : la rebelle, la capricieuse. C’est à elle que je pense quand je crée mes collections.» Aujourd’hui encore, Karl Lagerfeld réinvente le tailleur de tweed Chanel au fil des saisons, le réinterprétant avec des combinaisons vestimentaires toujours plus surprenantes avec cette éternelle allure intemporelle. Il se plaît d’ailleurs à répéter, en citant Goethe : «Faire un meilleur avenir avec les éléments élargis du passé.»

 

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