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Un accord historique à la COP21, par Jean-Marie Colombani

Jean-Marie Colombani[REAU ALEXIS / SIPA]

Chaque semaine, Jean-Marie-Colombani, cofondateur et directeur de Slate.fr, exprime de manière libre et subjective son point de vue sur les temps forts de l’actualité.

Reléguée au second plan par la campagne pour les régionales et le choc des résultats du premier tour, la COP21 au Bourget a repris brièvement ses droits à la veille du second tour. Il s’agit pourtant d’un événement planétaire. Après deux décennies de discussions et un échec retentissant à Copenhague, la conférence sur le climat qui s’est tenue pendant près de deux semaines sous la présidence de Laurent Fabius s’est conclue par un accord. Un texte d’une trentaine de pages, qualifié d’«historique» par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. Aussitôt signé, aussitôt critiqué au nom d’un scepticisme militant, à l’image des quelque 10 000 manifestants réunis au Champ-de-Mars à Paris, ou scientifiques, comme Jean Jouzel, membre du collectif nobélisé qui juge les efforts insuffisants. Il n’empêche, il s’agit bel et bien d’un accord historique liant 195 Etats qui s’engagent, sur le long terme, à réduire les émissions de gaz à effet de serre afin d’éviter que le réchauffement climatique excède deux degrés dans le prochain quart de siècle.

Historique, parce que c’est une première : jamais autant d’Etats ne s’étaient accordés sur le climat. Et l’on devrait pouvoir dater du 12 décembre 2015 le début de la fin de la domination de l’ère des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon), appelées à laisser une place de plus en plus importante aux énergies renouvelables. C’est aussi une victoire de la diplomatie de la France, opiniâtre et efficace dans son rôle de grand médiateur. Il fallait obtenir l’aval des trois superpuissances, les Etats-Unis, la Chine et l’Inde, que leurs intérêts respectifs ne portent pas à s’entendre et dont dépendra la bonne application de l’accord. Il fallait trouver une formule qui rende l’accord juridiquement contraignant sans qu’il soit nécessaire d’obtenir la ratification par le Congrès des Etats-Unis, ratification impossible aujourd’hui au vu de la majorité qui le domine. Barack Obama a d’ailleurs assuré qu’il s’agit d’un accord représentant «la meilleure chance de sauver la planète».

L’objectif fixé est de maintenir en dessous de deux degrés, si possible à un degré et demi, l’augmentation de la température sur la planète. Les mesures prises avant l’accord de Paris permettent d’espérer au mieux trois degrés de plus, ce qui signifierait déjà de graves conséquences, notamment la disparition sous les eaux de petits Etats insulaires et la naissance d’un nouveau flot de réfugiés, les victimes du climat. Deux autres conséquences ont été abordées : le réchauffement des océans et la désertification, qui risquent de frapper nombre de pays. Les pays développés devront verser environ 90 milliards d’euros aux pays les moins développés pour les aider à faire face eux effets du dérèglement climatique, cet engagement devra être relevé au plus tard en 2025. Autre principe majeur : les efforts ne seront pas les mêmes, les pays du Nord devant «assumer plus de responsabilités» pour tenir compte des nécessités du développement d’autres pays comme l’Inde, pour qui cette différenciation était essentielle.

Au-delà de la plus ou moins grande bonne volonté des gouvernements à traduire en politiques les engagements pris à Paris, il y a un signe qui ne trompe pas : une cinquantaine de grands groupes mondiaux, des banques mais aussi des villes, soutenus par un club de milliardaires très mobilisés à l’image de Bill Gates, se sont engagés à agir. Al Gore, l’ancien vice-président américain, qui s’est totalement consacré à la cause environnementale, a souligné la véritable portée de l’accord : c’est le signal adressé aux gouvernements, aux entreprises et aux investisseurs, que la transformation des modèles de production de l’économie mondiale est «inévitablement» engagée.

Jean-Marie Colombani

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