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Les contours d’une coalition, par Jean-Marie Colombani

Jean-Marie Colombani. [REAU ALEXIS / SIPA]

Chaque semaine, Jean-Marie-Colombani, cofondateur et directeur de Slate.fr, exprime de manière libre et subjective son point de vue sur les temps forts de l’actualité.

Trois semaines après la réunion du Congrès à Versailles, on commence à mesurer l’application des annonces faites par le président de la République. La coalition internationale, qu’il appelait de ses vœux, est-elle en bonne voie ? La France a obtenu – fait rarissime – le vote à l’unanimité d’une résolution du Conseil de sécurité des ­Nations unies, ouvrant un large éventail de possibilités d’actions sous couvert de la loi internationale, au nom de la lutte contre Daesh. Les Etats-Unis et la Russie, de concert, tenteront d’obtenir une résolution leur donnant les moyens de stopper le financement de l’organisation terroriste, en calquant leurs démarches sur un vote antérieur, qui avait mis hors la loi le commerce et les liens financiers avec al-Qaida.

L’hypothèse, selon laquelle la tuerie de San Bernardino en Californie a pu être inspirée par Daesh, devrait pousser le gouvernement américain à aller au-delà de son engagement actuel. Celui-ci n’est pas négligeable (80 % des raids aériens contre Daesh sont américains), mais Barack Obama semblait vouloir s’en contenter, en constatant que l’organisation islamiste avait cessé de gagner du terrain, jusqu’à ce que François Hollande lui demande de s’impliquer davantage. La réponse américaine est une plus forte participation des forces spéciales sur le terrain et une meilleure coopération en matière de renseignements.

Mais la demande française concerne aussi l’Europe et s’est traduite par un rapprochement avec la ­Russie. Les deux pays les plus importants de l’Union européenne ont répondu présent. L’Allemagne ­déploiera 1 200 hommes, des avions de reconnaissance et une frégate pour accompagner le porte-avions Charles-de-Gaulle. Pour la première fois ­depuis l’élection d’Angela Merkel en 2005, l’Allemagne prendra part à un conflit armé.

Quasi absente depuis l’épisode libyen, traumatisée par son engagement en 2003 aux côtés de George Bush dans la guerre d’Irak, la Grande-Bretagne a, elle aussi, décidé, après un vote du Parlement, au nom de l’alliance avec la France, de s’engager ­davantage, grâce notamment à une douzaine de bombardiers. Les responsables britanniques ont averti leur opinion qu’il s’agissait d’un conflit long et difficile, en même temps que celle-ci découvrait que les ramifications des attentats de Paris avaient pu passer par Birmingham.

Les institutions européennes sont, elles aussi, mises à contribution, à travers les décisions du ministre de l’Intérieur, concernant le suivi des passagers ­aériens et les contrôles aux frontières, chacun cherchant à se rassurer, en affirmant que les ­limites posées à la ­liberté de circulation sont provisoires et liées à l’intensification du conflit. Dans ce contexte, il est regrettable de constater que le gouvernement italien reste, à ce stade, en arrière de la main, non sur le renseignement (l’aide est de qualité) mais sur les engagements militaires.

Le rapprochement avec la Russie résulte d’un double mouvement : celui de Vladimir Poutine, qui a dû réagir après la destruction d’un avion de touristes russes ; celui de la France, qui a érigé en priorité ­absolue la lutte contre Daesh. Sa traduction concrète réside dans la coordination des attaques aériennes et un meilleur échange de renseignements. Sa traduction politique a été actée par Laurent Fabius. Le ministre des Affaires étrangères ne fait plus du départ de Bachar al-Assad un préalable, mais simplement une conséquence, à un terme non fixé, du processus de transition politique en Syrie élaboré à Vienne.

Ces évolutions paraissent rassurantes : la mobilisation existe. Mais elle ne résout pas toutes les querelles, notamment entre la Turquie et la Russie, ou entre la Turquie et l’Irak, alors même que les forces turques semblent vouloir avancer vers Mossoul, ­devenue une plate-forme de Daesh.

Jean-Marie Colombani

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