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Les enseignants ont "foi dans leur métier" mais le moral en berne

Conditions de travail dégradées, faibles salaires, succession de réformes... les enseignants sont pour beaucoup "découragés", selon des témoignages et des experts, même s'ils ont encore "foi dans leur métier" et tentent de défendre leurs moyens.[AFP/Archives]

Conditions de travail dégradées, faibles salaires, succession de réformes... les enseignants sont pour beaucoup "découragés", selon des témoignages et des experts, même s'ils ont encore "foi dans leur métier" et tentent de défendre leurs moyens.

"J'ai eu des vagues de découragement dans ma carrière mais c'est la pire", témoigne une professeure en lycée professionnel à Lens (Pas-de-Calais) qui insiste pour garder l'anonymat, bien qu'étant syndiquée, car son poste est "sur la sellette, du fait des diminutions de moyens".

"Les élèves qu'on accueille sont de plus en plus en difficultés, scolaires et sociales, mais nous en avons maintenant 34 par classe et les moyens, matériels et de temps, sont en baisse".

Son "moral n'est pas bon" et elle a envisagé l'an dernier de quitter le métier ou d'avoir un service allégé en passant le concours national de guide-conférencier, à l'approche de l'ouverture du Louvre-Lens en décembre 2012, mais son projet n'a pas abouti.

Comme elle, 28% des enseignants "pensent souvent quitter leur travail", selon une enquête de 2011 sur "La qualité de vie dans les lycées et collèges", tandis qu'un agent de l'Education nationale sur sept (14%) se déclare en situation "d'épuisement professionnel" selon une étude de la mutuelle MGEN.

"Je n'ai jamais vu le corps enseignant comme cela. Il faut remonter au Second Empire pour trouver un climat aussi détestable dans l'enseignement scolaire", commente Antoine Prost, historien de l'éducation. "Les professeurs, très abîmés psychologiquement, sont dans une spirale dépressive", ajoute le pédagogue Philippe Meirieu, devenu vice-président EELV de la région Rhône-Alpes.

"C'est maintenant depuis 10 ans que nos conditions de travail se dégradent, avec des réformes imposées de l'extérieur et de moins en moins de temps à consacrer aux élèves", expliquent Clarisse Bensaïd et Claire Caboche, respectivement professeur de français et documentaliste aux collèges Jean-Perrin à Paris (20e) et Magellan à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), toutes deux syndiquées.

Or l'impératif actuel est de "faire réussir tous les élèves" car l'OCDE a révélé que le système éducatif français était un de ceux qui corrigeait le moins les inégalités d'origine. D'où un hiatus: "nous avons foi en notre métier, mais les moyens pour bien le faire baissent", résume Olivier Claeren, professeur dans un collège des Hauts-de-Seine qui vient de connaître deux jours de grève pour des moyens.

Autres motifs de déception: les salaires (parmi les plus faibles de l'OCDE en début de carrière malgré une récente revalorisation) et, depuis 2010, l'entrée dans le métier à plein-temps.

"Quand vous avez un an la tête sous l'eau, à passer toutes vos soirées à travailler, tous vos week-ends, toutes vos vacances pour préparer les cours (...), vous êtes vraiment en colère contre les choix politiques faits", dit à l'AFPTV Romain Gentner, 24 ans, professeur de collège débutant à Nemours (Seine-et-Marne), où il occupe un logement de 23 m2.

"Les jeunes sont largement débordés", opine Sébastien Clerc, professeur de lycée professionnel en Seine-Saint-Denis, non syndiqué, qui a fait des formations de tenue de classe. A 36 ans, il gagne "moins de 2.000 euros nets par mois", comme Mme Caboche, 38 ans: tous deux jugent leur "pouvoir d'achat insuffisant compte tenu du coût de la vie en Ile-de-France".

"Avec ma compagne, aussi enseignante, on vient de partir aux sports d'hiver mais on a fait le calcul, on ne partira sans doute pas cet été", témoigne M. Clerc: "vu le service qu'on rend dans la société, la justice salariale n'est pas au rendez-vous".

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