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Le jour de la découverte du drame d'Epinal

Vue exérieure du centre hospitalier Jean Monnet en date du 13 octobre 2006 à Epinal [Jean-Christophe Verhaegen / AFP/Archives]
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En mars 2007, deux experts débarquent au centre de radiothérapie d'Epinal pour prendre la suite des médecins suspendus après la révélation d'un grave accident d'irradiation: ils y découvrent l'existence d'autres victimes due à des usages "aberrants" détaillés mardi au tribunal.

Pour le Pr Didier Peiffert, radiothérapeute, et Alain Noël, radiophysicien, leur arrivée au centre de radiothérapie de l'hôpital Jean Monnet d'Epinal, le 6 mars 2007, avait d'abord pour but d'assurer la continuité des soins aux patients de l'établissement dont les propres spécialistes venaient d'être suspendus.

L'hôpital était en effet au coeur de la tourmente après la récente révélation d'un grave événement de surirradiation survenu entre 2004 et 2005 et ayant fait 24 victimes.

Le Pr Peiffert et son collègue connaissaient ce premier accident pour avoir mené une expertise sur le sujet quelques mois auparavant. Durant cette mission, ils avaient été intrigués par une quarantaine de cas supplémentaires de surirradiation difficilement explicables.

Mais Alain Noël se souvenait avoir été frappé par "l'ambiance un peu particulière" qui régnait dans ce service lors de leur première visite, a-t-il raconté mardi au tribunal correctionnel de Paris qui juge ce dossier de santé publique jusqu'au 31 octobre.

Aussi dès son arrivée pour assurer l'intérim de la radiothérapie, il "somme" les manipulatrices de lui expliquer exactement le protocole de traitement suivi dans l'établissement.

Bilan revu à la hausse

Ces employées, dont certaines seront entendues mercredi, lui révèlent alors l'impensable: une seconde erreur liée à la non-prise en compte dans la dose totale de rayons reçus par les patients des quantités administrées lors des contrôles préalables au traitement lui-même et destinés à vérifier le positionnement du corps du patient.

"A ce moment, j'ai tout de suite compris qu'il y avait un risque de surdosage de 8 à 10%", explique l'expert qui juge cette sous-évaluation "aberrante".

Plus grave: le radiophysicien suspendu de l'hôpital Jean Monnet, Joshua Anah, l'avait, semble-t-il, également compris lui aussi, et est accusé d'avoir tout fait pour cacher ce second dysfonctionnement.

Le jour de cette découverte, témoigne M. Noël, il a reçu un appel du radiophysicien qui lui demande s'il compte agir "avec discrétion" et ce qu'il pense de ce dysfonctionnement. Devant la réponse sévère de son interlocuteur, le radiophysicien a répondu "On est mort", se souvient encore l'expert.

Interrogé à l'audience, M. Anah, l'un des sept prévenus du procès, affirme ne pas se souvenir de cette réflexion.

"Je pense qu'il savait ce que je venais de trouver", rétorque Alain Noël. Ce dernier avait non seulement découvert l'erreur de son collègue mais également réalisé que les "feuilles de matching", ces documents remplis au jour le jour avec les doses de rayon administrées dans la phase de contrôle, avaient disparu des dossiers médicaux des patients.

C'est la raison pour laquelle les deux experts n'avaient pu expliquer, à l'examen des dossiers, la quarantaine de cas supplémentaires.

Au final, les victimes de ce second dysfonctionnement sont au nombre de 424. La première erreur, due au mauvais paramétrage d'un logiciel lors d'un changement de protocole, a fait 24 victimes.

Un autre témoin, le Dr Jean-Marie Simon, qui a suivi un grand nombre de victimes depuis la révélation du drame, en 2006, a affirmé mardi au tribunal que douze personnes étaient à ce jour décédées des surdoses de rayons et non plus sept, comme l'instruction l'a établi.

"Ce qui est le plus étonnant, selon ce médecin, c'est l'absence de suivi des patients de centre, pendant et après le traitement de radiothérapie."

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