En Direct

L'héritage de Peggy Guggenheim devant la justice française

Le musée Peggy Guggenheim à Venise, le 5 juin 2009 [Marco Sabadin / AFP/Archives]
Par Publié le

Plusieurs descendants de Peggy Guggenheim (1898-1979) voient rouge: les dernières volontés de la grande collectionneuse américaine ont été trahies, selon eux, par la Fondation Solomon Guggenheim, qui administre son palais à Venise. La justice française se penche sur l'affaire mercredi.

"Ma grand-mère est poussée peu à peu hors de son Palais par la Fondation qui fait la part belle à d'autres collectionneurs", déclare à l'AFP Sandro Rumney, fils de Pegeen, la fille de Peggy, décédée en 1967.

"En juin dernier, j'ai explosé lorsque j'ai vu sur la façade de son Palais qu'à côté de l'inscription +Peggy Guggenheim Collection+ il y en avait une autre, +Schulhof Collection+", s'indigne-t-il.

Agé de 56 ans, M. Rumney habite en France, tout comme son demi-frère Nicolas Hélion, ce qui leur permet, ainsi qu'à leurs enfants, d'assigner la Fondation américaine devant la justice française.

Le Tribunal de Grande Instance de Paris examine l'affaire mercredi à 13H30.

"Nous voulons que soit réparé l'outrage fait à Peggy Guggenheim, à sa mémoire et à sa collection", déclare à l'AFP Maître William Bourdon, avocat des requérants.

"On a marié de force ma grand-mère avec les Schulhof", et d'autres collectionneurs comme les Nasher, proteste M. Rumney.

Hannelore Schulhof, décédée en 2012, a donné à la collection Peggy Guggenheim quelque 80 oeuvres notamment d'art contemporain, qui doivent y rester de façon permanente.

Riche héritière au tempérament volcanique, Peggy Guggenheim, qui a eu plusieurs époux dont Max Ernst, a constitué à partir des années 1930 une collection d'art moderne exceptionnelle (Picasso, Matisse, Kandinsky, Mondrian, Ernst etc..) Après la guerre, elle l'a installée dans un Palais vénitien le long du Grand Canal.

Elle a donné en 1970 son Palais et en 1976 sa collection, riche de 326 oeuvres, à la Fondation Solomon Guggenheim, basée à New York, et présidée à l'époque par son cousin Harry Guggenheim.

-'Allégations erronées'-

Mais "cette donation s'est faite sous certaines conditions, notamment que la collection reste dans son ensemble au Palazzo Venier dei Leoni", assure Laurence Tâcu, ex-épouse de Sandro Rumney, qui l'assiste dans sa démarche.

Ces conditions, évoquées dans une lettre de 1969, "ne sont absolument pas respectées. Une partie de la collection de Peggy Guggenheim a peu à peu disparu des cimaises", dit-elle.

Les requérants dénoncent "le cynisme commercial" de la Fondation et la "dénaturation" du lieu.

La Fondation Solomon Guggenheim s'insurge contre "les allégations erronées" des requérants dans une déclaration transmise à l'AFP. L'acte de donation de Peggy Guggenheim demande seulement que la Fondation oeuvre à mieux faire connaître l'art, notamment l'art moderne, dit-elle. "Ce souhait a été rempli": le Palais, rénové, est devenu le musée d'art moderne le plus visité d'Italie.

La Fondation souligne que les requérants sont des descendants et non des héritiers de la mécène qui a légué ses biens à son fils Sindbab Vail. Les enfants de ce dernier ne participent pas à l'action judiciaire, relève-t-elle.

La Fondation assure qu'elle a "maintenu intacte sa collection d'oeuvres d'art dans le Palais" et "n'a jamais vendu aucune pièce".

La branche parisienne de la famille avait déjà intenté dans les années 1990 une action en justice en France contre la Fondation américaine pour des raisons similaires. Déboutés en 1994, les requérants avaient fait appel. Finalement une transaction, régie par le droit français, avait été conclue en 1996.

La Fondation Solomon Guggenheim avait promis de tenir informés les descendants de Peggy et de remettre en état le "Mémorial" de Pegeen, créé par sa mère, assure M. Rumney.

Mais depuis, la Fondation américaine a "récidivé", dit M. Rumney.

Le jardin, qui abrite la sépulture de Peggy Guggenheim, à côté des tombes de ses chiens, est "dénaturé", selon Mme Tâcu. D'autres plaques ont surgi, dédiées à d'autres riches collectionneurs, notamment les Nasher, ainsi que des sculptures.

Les descendants de Peggy Guggenheim exigent la remise en état intégrale de la collection dans le Palais et du jardin.

Ailleurs sur le web