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Les musulmans de France face à la radicalisation

Des fidèles devant la mosquée de Paris, en 2012 [Miguel Medina / AFP/Archives] Des fidèles devant la mosquée de Paris, en 2012 [Miguel Medina / AFP/Archives]

Sans cacher une certaine impuissance face aux affaires Mohamed Merah et Mehdi Nemmouche, les responsables musulmans français tentent de réagir, en ordre dispersé, pour éviter les amalgames et lutter contre le processus de radicalisation jihadiste.

 

La tuerie au Musée juif de Bruxelles, un peu plus de deux ans après celle de Toulouse, a replacé dans une position inconfortable l'islam de France, invité dans la presse à condamner des actes auxquels il se dit parfaitement étranger.

"La communauté musulmane vit très mal ces événements qui ne sont pas l'islam, et dont elle est la première victime", souligne Abdallah Zekri, président de l'Observatoire contre l'islamophobie au sein du Conseil français du culte musulman (CFCM). "A chaque fois, le tapage médiatique et les déclarations de certains politiques faisant l'amalgame entre islam et radicalité sont stigmatisants", dit-il à l'AFP.

Faut-il y voir le signe d'un malaise ? Lundi, au lendemain de l'annonce de l'interpellation de Mehdi Nemmouche, le recteur de la Grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, n'a pas caché l'"impuissance" des musulmans "devant la recrudescence de jeunes jihadistes recrutés en prison et rapidement endoctrinés tant sur le web que par les réseaux terroristes".

Deux jours plus tard, "compte tenu de la situation actuelle", le président du CFCM tentait de reprendre la main en présentant les grandes lignes d'une "convention citoyenne des musulmans de France pour le vivre-ensemble". Le texte, dont l'AFP s'est procuré une version non définitive, postule que "les musulmans dans leur totalité récusent la violence et font tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter que les jeunes succombent aux messages délétères qui incitent notamment à la violence et au fanatisme".

Mais il n'est pas sûr que la charte du CFCM, institution rongée par des querelles liées aux personnes ou aux pays d'origine (Algérie, Maroc, Turquie...), fasse l'unanimité. Même s'il salue "une bonne initiative en soi", Mohammed Moussaoui, ancien président du CFCM, a d'ailleurs lancé son propre chantier, "des états généraux contre le radicalisme religieux", qui doivent aboutir à l'automne.

- Radicalité : par où la sortie ? -

"Nous avons constaté que les imams ne sont pas outillés pour faire face à ce nouveau phénomène de radicalisation des jeunes", souligne Mohammed Moussaoui, aujourd'hui président de l'Union des mosquées de France. "Pour connaître la religion, certains préfèrent aller vers l'internet plutôt qu'à la mosquée. C'est un fait aujourd'hui que ces jeunes qui basculent vers la radicalité sont en rupture presque totale avec l'institution religieuse : il faut en chercher les causes", poursuit-il.

Pour l'anthropologue du fait religieux Dounia Bouzar, membre de l'Observatoire de la laïcité, "c'est très bien de rassurer, de redire ce qu'est l'islam. Mais les radicaux se fichent pas mal de ce qu'est l'islam, c'est ça le problème".

"C'est pour ça que j'ai monté une cellule avec des psychologues : il faut trouver d'autres façons de permettre des sorties de la radicalité", ajoute celle qui dirige le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam. L'experte s'intéresse notamment à l'endoctrinement pratiqué par le groupuscule dit des "véridiques", qui attire en Syrie des jeunes Français, notamment des filles, sous couvert d'engagement humanitaire.

La radicalité de Mohamed Merah et Mehdi Nemmouche est d'une autre nature. "Ils n'ont pas fréquenté de mosquée, on ne peut pas dire que c'est le catéchisme musulman qui a été mal fait. Mais dans notre inconscient, en Europe, nous sommes tous en train - politiques, médias, sociologues, musulmans, non-musulmans - de construire une figure du musulman comme guerrier", déplore l'anthropologue. "Or on observe une recherche de toute-puissance chez ces hommes sans père ni repère, qui avaient le sentiment de ne pas avoir de place, n'avaient pas de lien au territoire", fait valoir Dounia Bouzar.

"Je pense qu'il faut former les imams afin qu'ils comprennent mieux les processus d'emprise mentale", ajoute-t-elle : "Je vois chez eux l'envie de se remettre en question dans la façon dont ils enseignent : on travaille peut-être trop sur l'image du Prophète combattant, pas assez sur le messager de paix".

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