Le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, a exprimé mercredi à l'Assemblée nationale son "regret" et ses "excuses les plus plates" aux salariées de l'abattoir de porc Gad dont il avait dit le matin sur Europe 1 que beaucoup étaient "illettrées".
L'illettrisme et l'absence de permis de conduire empêchent de nombreuses femmes employées à l'abattoir de porcs Gad (Bretagne), en liquidation judiciaire, de trouver du travail ailleurs, a déclaré mercredi le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, pour étayer la réforme du permis.
"Il y a dans cette société (Gad), une majorité de femmes, il y en a qui sont pour beaucoup illettrées, pour beaucoup on leur explique: " vous n'avez plus d'avenir à Gad ou aux alentours. Allez travailler à 50 ou 60 km! Ces gens-là n'ont pas le permis de conduire, on va leur dire quoi?", a déclaré le ministre au micro d'Europe 1, regrettant le coût et les délais nécessaires pour ce permis.
Macron : "Si on ne bouge pas, on échouera !" par Europe1fr
Les "illettrées" de chez Gad prennent mal la déclaration @EmmanuelMacron... Et elles l'écrivent (eh oui !) https://t.co/6vPpatcw5r #maljoué
— Benjamin Brehon (@BenjaminBrehon) 17 Septembre 2014
"Il faut payer 1.500 euros, il faut attendre un an? Voilà, ça ce sont des réformes du quotidien, et ça ce sont des réformes qui créent de la mobilité et de l'activité", a ajouté M. Macron pour illustrer le bien-fondé des mesures prises par le gouvernement pour relancer l'emploi et la croissance.
Ces propos ont suscité des réactions sur les réseaux sociaux, certaines reprochant au ministre un ton "condescendant" voire de "mépris" à raccrocher à la récente polémique sur les "sans-dents", d'autres faisant valoir l'honnêteté du ministre face à l'illettrisme dans les usines.
"Illettrées" de Gad. L'invitation est lancée à Emmanuel Macron : "Qu'il vienne voir de quoi on est capables !" http://t.co/8Z7y3mKxhx
— Le Télégramme (@LeTelegramme) 17 Septembre 2014
"C'est clairement du mépris", a estimé pour sa part Jean Marc Detivelle, délégué FO chez Gad.
Une ex de Gad: "si ns ne savons pas écrire, ns ne saurons pas non plus remplir des chèques pour payer des impôts" http://t.co/fJTCSAkSg8
— Thomas Bronnec (@thomas_bronnec) 17 Septembre 2014
"Ce que voulait dire Emmanuel Macron ce matin c'est qu'il y avait un gros déficit en termes de formation initiale au départ, ce qui peut se corriger, mais en termes de formation continue ensuite", a commenté le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, à l'issue du conseil des ministres. Par ailleurs La société d'abattage de porcs et de transformation propose depuis 2010 une formation pour soutenir des salariés en lecture et en écriture.
@OlafWild pourquoi ne pas dire la vérité sur l'illettrisme chez #Gad qui atteint 20 % des salariés? http://t.co/VUE1ERA61x #Macrln
— moonlight1220 (@moonlight1220) 17 Septembre 2014
La réforme du permis de conduire, entrée progressivement en vigueur cet été, a pour objectif de réduire les coûts et les délais de passage pour les candidats. Lundi, près de 65% des inspecteurs du permis de conduire ont suivi une grève pour s'opposer à cette réforme
La réaction du ministère et de Macron
Le ministère a très rapidement réagi, dans un communiqué envoyé au Télégramme, en concédant que le mot utilisé par le ministre de l'économie était "extrêmement blessant".
Macron a lui aussi exprimé ses "regrets" à l'Assemblée après ses déclarations sur les "illettrées" de Gad.
Deux regrets à propos de ce matin. http://t.co/CI7NE1XexY
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 17 Septembre 2014
Mon premier regret, mes excuses les plus plates vont aux salariés que j'ai pu blesser, à travers ces propos et je ne m'en excuserai jamais assez", a déclaré le ministre, visiblement tendu. "Mon action, elle sera pour eux, et c'est ce que je disais ce matin", a-t-il ajouté.
"Mon deuxième regret Madame, a-t-il lancé sous des huées à la députée UMP Laure De la Raudière, il est pour vous et pour votre majorité, parce que si vous aviez fait votre travail depuis dix ans et pendant les dix ans où vous étiez là, nous n'aurions pas eu ces difficultés". "Mon regret Madame, c'est précisément qu'aujourd'hui vous soyez aussi révoltée par les mots mais que vous ne soyez pas aussi révoltée par les réalités. Parce que ce qui est inacceptable, c'est le quotidien que vivent ces femmes et ces hommes, Madame, c'est précisément de ne pas avoir l'éducation primaire à laquelle ils ont droit", a-t-il crié.
Ses propos étaient difficilement audibles dans l'hémicycle, en partie couverts par les huées des députés UMP, tels que le député des Côtes d'Armor Marc Le Fur, debout.
Valls à son secours
La fin de l'intervention du ministre de l'Economie a été accueillie par des applaudissements sur les bancs de la gauche, où l'on notamment pu voir l'une des figures de l'aile gauche, Pascal Cherki, être dans les premiers à se lever pour applaudir.
"Emmanuel Macron s'est excusé à l'Assemblée nationale. Dont acte", a déclaré sur iTélé le Premier ministre qui pense que le ministre de l'Economie "a tout simplement voulu dire qu'il défendait ces salariées, qu'il se préoccupait de leur avenir quand il y a la possibilité malheureusement de perdre son emploi. Cette société Gad, le gouvernement s'en occupe directement".