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Amnesty International préoccupé par les droits humains en France

Des policiers anti-émeutes évacuent un camp de réfugiés à Stalingrad (Paris), le 4 novembre 2016[LIONEL BONAVENTURE / AFP]

Amnesty International présente son rapport annuel sur les droits humains dans le monde. L’ONG juge l’année 2016 comme «extrêmement préoccupante en France pour les droits humains», et épingle la France sur deux points : un état d'urgence «abusif», et un accueil des réfugiés «trop timide».

Les autorités françaises ont répondu à la menace terroriste par la remise en cause de certains droits fondamentaux. Le rapport d’Amnesty International dénonce fermement la prolongation perpétuelle de l’état d’urgence, «injustifiable au regard du droit international», estimant que les dispositions mises en place n’avaient eu l’effet escompté que pendant quelques semaines.

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Etat d'urgence : discriminations et répression «dispropotionnée»

Aussi l’ONG a-t-elle considéré que les conséquences de l’état d’urgence dépassaient largement son cadre initial. Pour exemple, Amnesty International souligne que seules vingt des 6.561 mesures (perquisitions, assignations à résidences, contrôles) liées à l’état d’urgence ont débouché sur une enquête judiciaire entre novembre 2015 et novembre 2016, soit un quota de 0,3%. Pire encore, ces mesures ont, dans certains cas, été «prises sur des bases discriminatoires, les motifs invoqués étant fondés sur la pratique religieuse réelle ou supposée de la personne».

L'exécutif a également profité de l’état d’urgence pour restreindre unilatéralement certains droits, comme celui de manifester. En 2016, plusieurs rassemblements ont été interdits, des manifestants n’ont pas eu le droit de rejoindre les cortèges, et certaines manifestations ont été «violemment réprimées», notamment par des restrictions «disproportionnées» sur la durée ou le parcours des cortèges, note Amnesty International. Selon l'ONG, cela a notamment permis à l’ancien Premier ministre Manuel Valls de minimiser le mouvement contre l’application au 49.3 d’une loi Travail très contestée, et d’étouffer peu à peu la grogne.

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Amnesty rappelle que l’état d’urgence est «censé n’être qu’un état temporaire et exceptionnel», et s’inquiète qu’il soit «devenu la norme, entraînant une dangereuse remise en cause des libertés pourtant essentielles dans un Etat de droit», non sans rappeler que ce dispositif sapait le droit à la présomption d’innocence et celui à une procédure équitable. «Une société qui s’en prend aux droits de certaines catégories de la population, pour ce qu’elles sont (réfugiés et migrants, Roms ou de confession musulmane) ou pour ce qu’elles expriment à l’égard des autorités (manifestations) s’en prend aux valeurs qui la fondent», attaque l’ONG, qui souligne que c’est précisément à ce dangereux exercice que se livre la France, «patrie des droits de l’Homme».

Manque de détermination politique dans l'accueil des réfugiés

Amnesty International reconnaît une volonté affichée de la France de protéger les réfugiés, mais dénonce une réponse «trop timide au regard de ses capacités d’accueil et de l’ampleur de la crise». L’ONG a pointé le «manque de détermination politique» dans l’accueil des réfugiés, qui sont 80.000 à avoir demandé l’asile en France (contre 680.000 en Allemagne), arguant que, en tant que 6e économie mondiale, l’Hexagone avait largement de quoi anticiper leur accueil.

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Il est aussi reproché à la France de suivre la tendance européenne qui consiste à vouloir maintenir les réfugiés hors de l’UE, notamment à travers son soutien à l’accord conclu avec la Turquie qui «transforme les réfugiés en objets d’un marchandage honteux». Par ailleurs, Amnesty estime que la protection des réfugiés et migrants sur le territoire français est «défaillante». L’ONG évoque ainsi l’évacuation de Calais qui ne répondait «pas aux normes internationales d’expulsions forcées», les délais d’accession à la procédure d’asile, ou encore les renvois dans des conditions illégales, «y compris d’enfants non accompagnés».

Enfin, Amnesty International dénonce la stigmatisation des réfugiés comme des migrants, «présentés comme indésirables ou comme une menace dans le discours de certains responsables politiques». 2016 aura en effet été l’année de l’association «Ma commune sans migrants», dirigée par le maire FN d’Hénin-Baumont Steeve Briois. Des comportements «alimententant la peur et la haine», qui se sont traduits par «la discrimination de la population musulmane», déplore Amnesty. Car 2016 aura été également l’année de l’interdiction du burkini dans certaines communes, une décision «profondément attentatoire à la liberté de religion, d’opinion et d’expression», note l’ONG.

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Inquiétude vis-à-vis des échéances électorales

Pour pallier ce mauvais bulletin, Amnesty International propose que les politiques français apportent « une réponse éclairée et responsable» à l’opinion publique, «qui plus est dans le contexte électoral». L’ONG n’a pas caché sa crainte des prochaines échéances électorales françaises. «Le risque est grand de voir des droits essentiels être remis en cause au nom de prétendues attentes de la population», estime le rapport.

L’ONG explique donc avoir «entrepris un travail de plaidoyer auprès des candidats à la présidentielle», à qui elle demandera de s’engager sur dix points relatifs aux droits humains en France. Elle compte également «sensibiliser largement le public». «Les droits humains ne sont pas le problème, ils font partie de la solution», conclut le rapport.

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