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Alsace : un libraire itinérant sillonne les déserts culturels

«La librairie a pour vocation d'aller en priorité là où on fera appel à elle»[FAROUK BATICHE / AFP]

Sur les rayonnages d'une chaleureuse roulotte de bois, près de 3.000 ouvrages vont à la rencontre de leurs lecteurs: depuis quelques mois, une «librairie itinérante» sillonne les routes d'Alsace pour apporter les livres là où il n'y en a plus.

Le créateur de cet étonnant commerce sur roues, Jean-Jacques Megel-Nuber, un ancien directeur de théâtre, a réussi un exploit en ce week-end d'août. Son magasin nomade se fond parfaitement dans le paysage champêtre du festival vintage de Gundolsheim (Haut-Rhin) entre le parcours de course de brouettes et un stand de vente de knacks.

La librairie se nomme «Au vrai chic littérère», et la faute d'orthographe est délibérée. «C'est par dérision, pour inviter les lecteurs à ne pas placer la littérature sur un piédestal», explique le quadragénaire barbu.

Arrivé vendredi soir de Mulhouse au volant d'une fourgonnette tractant sa librairie, il a passé près de quatre heures à s'installer et a dormi dans la mezzanine surplombant les «rayons» du magasin.

Plus spacieuse qu'une roulotte et plus durable qu'une caravane, la «tiny-house», nom de ce type d'habitation sur roues à l'ossature en bois, offre quelque 2.700 ouvrages rangés dans ses étagères.

Onze mètres carrés de culture où se côtoient un guide de survie en forêt, des livres dont vous êtes le héros, le dernier Guillaume Musso ou une tragédie classique de Racine, tous de seconde main.

«J'ai écumé les Emmaüs de France pour constituer un stock qui me ressemble», explique M. Megel-Nuber. Après avoir songé à investir dans un camion ou une péniche librairie en 2015, cet amoureux du voyage a finalement choisi la cabane de bois jugée «plus propice à l'introspection et à l'accueil de la fiction».

Coût total du projet : 48.000 euros, payés à 15% par 170 amoureux de la lecture via un site de financement participatif.

Zones sans librairie

En février, «Au vrai chic littérère» a commencé à sillonner les routes du Grand Est pour «faciliter l'accès au livre» dans les zones sans librairie, comme à Gundolsheim, et aux publics empêchés (prisons, hôpitaux, maisons de retraite..).

Après une dizaine de déplacements, Jean-Jacques Megel-Nuber estime jouer, à son échelle, son rôle de «vecteur culturel».

La démarche a séduit Emmanuelle Grainder, institutrice et habitante d'Orschwihr, village voisin de quelque 1.000 habitants. «Ça manque. Il faut rouler au moins 15 km pour trouver une boutique de livres... les gens ne font pas forcément la démarche», regrette-t-elle.

Venue au festival de Gundolsheim pour la librairie buissonnière, emballée par l'aspect «intimiste» et «chaleureux» du lieu, elle est repartie avec quatre livres, dont l'un en allemand, non sans demander au libraire s'il envisageait de passer dans son village.

«La librairie a pour vocation d'aller en priorité là où on fera appel à elle», explique Jean-Jacques Megel-Nuber.

Au fil des mois, des partenariats se sont formés avec les élus et organisateurs d'événements du Grand Est. Une élue du conseil départemental du Bas-Rhin, Nathalie Marajo, a ainsi demandé au commerçant vagabond de s'installer quelques jours, à l'hiver prochain, à Woerth, dans le nord de l'Alsace.

Depuis plus de 15 ans, la commune de quelque 2.000 âmes n'a plus de librairie. «Les habitants, surtout les personnes âgées, la regrettent beaucoup. Ils aimeraient bien acheter leurs livres ailleurs que sur internet», déplore-t-elle.

Même constat au niveau de son canton de 45 communes où l'offre littéraire se fait rare, «à l'exception des médiathèques», souligne l'élue.

«Ça prend. J'ai beaucoup de demande», s'enflamme Jean-Jacques Megel-Nuber qui organise en plus des lectures à thème lors de ses déplacements.

Une façon alternative d'utiliser son «coffre à histoires en balade» pour le plaisir des autres.

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