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Attentats du 13 novembre 2015 : «les dates d’anniversaires ravivent des souvenirs pénibles»

Le 13 novembre 2015, 90 personnes ont trouvé la mort au Bataclan.[DOMINIQUE FAGET / AFP]

Comment vivre dans un pays où le risque d'attentat est devenu quotidien ? A l'heure des commémorations des attentats du 13 novembre 2015, Marianne Kédia, psychothérapeute auteure de "Panser les attentats" (Robert Laffont), décrit ce traumatisme qui, pour certains, se vit au quotidien. 

Comment peut-on vivre dans une société où les attentats sont aussi récurrents ? 

Dans des pays où le risque est permanent, on observe qu’au bout d’un certain temps, le stress relativement important des jours qui suivent le premier attentat finit par s’estomper. Dans le bus, dans le métro, dans les lieux publics, tout le monde était vigilant après les attentats du 13 novembre ou de Charlie Hebdo. Et petit à petit, ça se règle tout seul, les individus s’adaptent à ce changement. Même quand il y a une ré-exposition, la réaction n’est plus aussi émotionnelle. D'autant plus que les attentats récents se sont déroulés dans des villes différentes, plus éloignées de nous. En revanche, si un attentat avait lieu à Paris demain, les réactions seraient sûrement bien distinctes. 

Deux ans après, pensez-vous que nous nous sommes habitués à ce risque ?

Passer à autre chose est plus facile dans la mesure où les individus qui n'ont pas été touchés directement par l'attentat ne sont pas traumatisés. Les personnes continuent à vivre, à sortir, les marchés reprennent. Ce n’est pas simplement pour dire non au terrorisme, c’est aussi par nécessité : il faut faire ses courses, emmener les enfants à l’école, aller au boulot. Nous n'avons pas le choix. Ce n'est pas comme si ne pas prendre le métro était une option pour un francilien. 

Les attentats ont-ils un impact sur notre manière de vivre ou notre comportement ?

Au-delà de six mois, les modifications comportementales sont plus intellectuelles. C’est beaucoup plus insidieux. Cette évolution ne va pas être ressentie au quotidien, mais la façon dont on envisage son rapport aux autres, son rapport à l’étranger, ses choix politiques peuvent être influencés. Les valeurs aussi : je suis moins accueillant, je suis moins ouvert aux personnes que je ne connais pas.

Comment analysez-vous l'impact des commémorations sur les Français qui vont suivre les cérémonies ?

Passer son temps à regarder des images du 13 novembre peu lourdement augmenter l'anxiété. Les images en soi sont angoissantes. L’information est essentiellement visuelle, peu informative sur le fond et peut induire un effet anxiogène pour la population générale. Mais les Français ne sont pas traumatisés. Nous n’étions pas tous au Bataclan. On n’a pas vécu la même chose. Bien sûr, qu’il y a quelque chose de l’ordre de l’union nationale lors de ces dates symboliques. On se sent tous concernés. Plus c’est proche de chez nous, plus ça nous touche

Comment analysez-vous l'état émotionnel des victimes à l'approche des commémorations du 13 novembre ?

Pour les victimes et leurs familles, les dates d’anniversaires ravivent des souvenirs pénibles. Tout dépend où chacun en est dans la digestion de ces souvenirs traumatiques. Certaines personnes ont toujours des flash-back, l'impression qu'elles peuvent mourir à tout instant : quand elles repensent à l’événement, c’est comme si ça se reproduisait à nouveau. Elles le sentent dans leurs corps. 

Un des paramètres qui va jouer sur l’état des victimes à deux ans, c’est où en sont les démarches d’indemnisation. Si les cérémonies sont destinées à montrer des hommes politiques, des discours plein d’empathie, mais sans être suivies d’actions, ça n’a aucun intérêt.

 

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