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Violences du 1er Mai : vers la dissolution de certaines associations ?

Des manifestants vêtus de noir et cagoulés, à la manière des "black blocs", défilent lors du 1er mai 2018 à Paris [Alain JOCARD / AFP/Archives] Des manifestants vêtus de noir et cagoulés, à la manière des "black blocs", défilent lors du 1er mai 2018 à Paris [Alain JOCARD / AFP/Archives]

Après les violences spectaculaires survenues lors de la manifestation du 1er-Mai et imputées aux «black blocs», Edouard Philippe a brandi la menace de dissolution d'«associations» : une arme juridique dont l'efficacité pratique reste pourtant à démontrer face à cette nébuleuse.

Qui est visé?

Le Premier ministre a déclaré mercredi qu'il «n'excluait pas» la dissolution d'«associations» en prenant soin d'affirmer qu'il visait les «casseurs» pouvant agir dans le cadre d'associations «de droit mais surtout de fait».

Dans ce dernier cas, le gouvernement vise clairement la mouvance «black bloc», agrégat de différents groupes d'ultragauche, sans structure juridique ou organisation hiérarchique mais dont les mots d'ordre et les modus operandi sont identifiés. «Un groupement de fait est un ensemble de personnes qui vont avoir des signes de reconnaissance mutuelle, des symboles, des slogans, des drapeaux, ça peut même être des tenues, dans une certaine mesure», avance Romain Rambaud, professeur de droit public à l'Université de Grenoble.

Quel mode d'emploi?

Le gouvernement peut décider d'une dissolution via un décret en Conseil des ministres en se fondant sur l'article L.212-1 du code de la sécurité intérieure (CSI).

«La mesure brutale de police administrative n'a pas beaucoup d'effet en elle-même mais permet de jeter les bases de sanctions pénales», avance un membre du Conseil d'Etat. Elle ouvre en effet la voie au délit appelé communément «reconstitution de ligue dissoute» punissable de trois ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende.

«Même s'ils n'ont pas commis des infractions pénales comme casser des vitres ou taper sur quelqu'un, il y aura quand même une prise pour les sanctionner du seul fait que ces personnes se soient reconstituées en tant que 'ligue' ou groupe», explique cette même source.

Une longue histoire d'interdiction

L'article L.212-1 du CSI est issu de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées.

Ces textes ont permis à l'Etat de dissoudre un grosse centaine de mouvements très divers au fil des décennies.

Dans les années 1930, ce sont principalement les ligues fascistes qui ont été visées, puis dans les années 1950 des associations «indépendantistes» comme le FLN algérien. 1968 inaugure l'interdiction de groupuscules ou mouvements gauchistes. Plus récemment, le groupe islamiste Forsane Aliza (2012) ou une kyrielle de groupuscules nationalistes comme Troisième Voie, après la mort du jeune militant «antifa» Clément Méric, ont été dissous.

Quelle efficacité?

Les "black blocs" de la mouvance contestataire radicale lors de la manifestation du 1er mai 2018 à Paris [Thomas SAMSON / AFP]
Les «black blocs» de la mouvance contestataire radicale lors de la manifestation du 1er mai 2018 à Paris [Thomas SAMSON / AFP]

Le gouvernement pourra s'appuyer sur deux dispositions de l'article 212-1 du CSI visant les groupements de fait «qui provoquent à des manifestations armées de rue» ou «qui présentent, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupe de combat ou de milices privées».

Dans la pratique, c'est tout autre chose. «Sur les groupes d'extrême droite, la dissolution est efficace car ils sont davantage hiérarchisés, mais le fonctionnement nébuleux des groupes d'ultragauche rend souvent la dissolution inopérante», glisse une source policière.

«Politiquement, c'est la preuve de la volonté de l'Etat d'utiliser un large ensemble du panel législatif et réglementaire pour lutter contre le phénomène», relève Jérémie Dumont, secrétaire général adjoint du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN). «Après sur le plan opérationnel, il s'agira d'avoir une vision extrêmement précise des modèles d'organisation de ces groupuscules dont tous ne sont pas constitués en association ou même en association de fait. Ensuite, même si une dissolution peut avoir un impact symbolique intéressant, il ne faut pas mésestimer la capacité de ces mouvements à se reconstruire.»

Sur le front judiciaire, une enquête pour «association de malfaiteurs» a été confiée à la PJ parisienne, et se concentrera sur l'identification des éventuels «instigateurs» des violences.

D'autres groupes dans le collimateur ?

Les récentes "patrouilles" dans les Hautes-Alpes du groupuscule d'extrême droite Génération Identitaire, destinées à dissuader les migrants de franchir la frontière franco-italienne, ont suscité des demandes de dissolution à gauche et irrité place Beauvau, où les services planchent sur le sujet «au regard des éléments récents».

«Le ministère de l'Intérieur entend les différents appels», fait-on valoir, tout en soulignant «le cadre très strict et très exceptionnel» dans lequel s'inscrit une telle demande.

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