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Des casseurs en débat

De graves débordements à l’origine de dizaines de millions d’euros de dégâts, qui ont provoqué l’exaspération des Français. [Abdulmonam EASSA / AFP]
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Défenseurs des libertés et partisans de la fermeté s’opposent sur l’épineux sujet, en pleine crise des gilets jaunes.

Des vitrines brisées, des voitures incendiées, des scènes de pillage… Depuis le mois de novembre, chaque manifestation des gilets jaunes a été émaillée d’actes de violences. De graves débordements à l’origine de dizaines de millions d’euros de dégâts, qui ont provoqué l’exaspération des Français.

Pour en venir à bout, le gouvernement souhaite s’appuyer sur une proposition de loi LR, examinée jusqu’à ce mercredi à l’Assemblée nationale, et dont le vote solennel est prévu le 5 février prochain. Mais ce texte «anti-casseurs», destiné à ne pas leur laisser  «le dernier mot», selon le Premier ministre, divise, dans les sphères politiques et civiles.

Deux camps face à face

Plusieurs points sont au cœur du débat, à commencer par la possibilité de mettre en place un périmètre autour d’un rassemblement, pour effectuer des palpations et des fouilles préventives. Pour la classe politique de gauche, soutenue par Amnesty International, cette mesure est purement liberticide. Clémentine Autain, députée LFI regrette en outre que ne soient concernées «que les violences de certains manifestants mais jamais les violences policières».

L’interdiction de manifester, qui pourrait être prise à l’encontre de certains individus, ainsi que leur fichage, suscite elle aussi de vives réactions. Mais l’Assemblée nationale a donné son feu vert ce mercredi soir et elle devrait figurer dans le texte final.

«Je me suis beaucoup inspiré du hooliganisme, lequel, si on n’avait pas pris des mesures fortes, aurait totalement pollué les matchs», a expliqué dans Le Progrès le sénateur LR Bruno Retailleau, à l’origine de la proposition de loi. Mais pour ses opposants, c’est une «dérive autoritaire» et ils considèrent que c’est une atteinte au droit de manifester. «Cette liberté n’est pas inscrite noir sur blanc dans la Constitution, mais elle est défendue par la Cour européenne des droits de l’Homme et le Conseil constitutionnel, qui pourraient se saisir du texte», détaille le juriste Nicolas Hervieu.

Autre point de conflit : la création d’un délit de dissimulation volontaire du visage, qui a été largement décrié, et amendé sous la pression. Des changements de dernière minute qui irritent les députés de droite. Ils n’ont d’ailleurs pas hésité à crier au laxisme. «Ce sont les beaux penseurs qui sont toujours du côté du voyou», a dénoncé le Républicain Christian Estrosi. «Si notre texte est totalement neutralisé, autant ne rien faire», a pour sa part regretté Bruno Retailleau. 

Une problématique insoluble ?

Quoi qu’il en soit, ces vifs débats illustrent la complexité d’un tel sujet, l’arsenal juridique ayant déjà été élargi au fil du temps. En effet, un fichier, sur lequel pourrait s’appuyer le gouvernement, recense depuis 2009 des membres de groupuscules et de toutes personnes ayant pris part à des événements de violences urbaines. «La loi anti-casseurs a surtout un intérêt d’affichage politique. Elle sert à montrer que le politique agit, mais n’est pas absolument nécessaire», estime Nicolas Hervieu.

Sur le terrain, les gilets jaunes eux-mêmes ont montré qu’une loi n’était pas forcément la solution miracle. Depuis le 12 janvier, ils ont en effet mis en place leur propre service d’ordre. Avec une vraie efficacité, mais qui devra être prouvée sur le long terme. 

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