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Urgences, gilets jaunes, climat... Doit-on s'attendre à un été social ?

Les grévistes des urgences prévoient de «maintenir la pression» sur le gouvernement pendant l'été. [© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP]
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Entre les irréductibles gilets jaunes et les urgentistes en grève «illimitée», en passant par les surveillants de prison, les enseignants à bout, les activistes écologistes ou encore les lycéens mobilisés pour le climat, cet été devrait être une saison particulièrement chaude socialement.

Les gilets jaunes passeront-ils l'été ?

Beaucoup avaient prédit qu'ils ne passeraient pas l'hiver. A tort : près de 6.000 manifestants vêtus de fluo ont bravé la chaleur de l'été partout en France, samedi dernier, pour leur 33e samedi de mobilisation (qui coïncidait avec la Gay Pride), selon l'Intérieur. Soit la plus faible mobilisation observée depuis le début du mouvement le 17 novembre (288.000 manifestants). La page Facebook du «Nombre jaune» en a quant à elle décompté plus de 10.000.

Si les cortèges perdent en densité au fil des samedis – et d'autant plus à l'approche des vacances et des week-ends en famille –, les gilets jaunes n'ont pas encore tiré leurs dernières cartouches. Le week-end du 29 juin, en Saône-et-Loire, quelque 600 d'entre eux, venus de l'ensemble du territoire, se sont retrouvés pour évoquer la suite du mouvement avant les congés d'été. «En personnes actives, il nous reste à peu près 10% de ceux qui étaient là au début du mouvement. Les gens qui sont là sont ceux qui vont rester jusqu'à la fin», prédisait Eric Morin, 37 ans, issu des Bouches-du-Rhône.

Mais, face au déclin indéniable de la mobilisation, attribué par beaucoup à la «répression policière», ils ont conscience de la nécessité de renouveler leurs modes d'action pour ne pas s'enliser et convaincre d'autres cercles. «Manifester tous les samedis, marcher, chanter, j'aime bien. Mais on avait une vie avant le 17 [novembre 2018], on aimerait bien avoir une vie après aussi», insiste Sylvia Fischbach, 35 ans, espérant que la prochaine étape pourrait être, selon elle, «d'investir les mairies et les municipales».

Les urgences espèrent une contagion de la grève

«Les soignants ne sont pas des robots» : après plus de cent jours de lutte, les grévistes des urgences se sont de nouveau mobilisés partout en France, mardi 2 juillet, afin de «maintenir la pression» sur le gouvernement pendant l'été et tenter d'étendre le mouvement à tout le secteur hospitalier d'ici à la rentrée. Et ce, avec le soutien de plus de neuf Français sur dix, selon un sondage Odoxa publié fin juin. A ce jour, pas moins de 154 services sont concernés, preuve que les urgences craquent de partout (engorgement des services, burn out et suicides de soignants, agressions, sous-effectifs, attentes interminables pour les patients, fermetures de lits...).

Si la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a débloqué 70 millions d'euros de mesures immédiates, dont une prime de risque versée depuis le 1er juillet aux 30.000 urgentistes, ces gestes ne sont qu'«une goutte d'eau dans un océan», estiment les soignants. Au regard du budget hospitalier total (82 milliards d’euros en 2019), l’enveloppe ne représente en effet qu’une augmentation de «0,08 %» et «une personne de plus pendant soixante jours par service», selon le collectif Inter-Urgences.

Pour sortir de l’asphyxie, les grévistes exigent de l’Etat, en plus de la fin de l’austérité budgétaire, des actes beaucoup plus forts. Comme la création de 10.000 postes pour les 550 urgences du pays, une augmentation des salaires de 300 euros, ou encore l’arrêt des fermetures de lits, «première des revendications», afin d’avoir «zéro brancard dans les couloirs» cet été. Pour être entendus, une douzaine de grévistes se sont même injectés un produit présenté comme de l'insuline, mardi, devant le ministère de la Santé – une action potentiellement dangereuse qui a entraîné l'intervention du Samu.

LES DÉFENSEURS DU CLIMAT SUR LE PONT

L'évacuation musclée d’écologistes pacifistes à base de bombes lacrymogènes à bout portant, vendredi 28 juin, sur le pont de Sully à Paris, a fait le tour du monde. Et ne devrait pas décourager les activistes, bien au contraire. Après les multiples grèves scolaires de lycéens en 2018 et 2019, la percée des écologistes aux européennes, ou encore les records de chaleur à la fin du mois dernier (juin 2019 a été le plus chaud dans le monde), l'écologie devrait également être au centre des préoccupations et des mobilisations sociales cet été. La preuve avec le blocage d'un centre d'Amazon ce mercredi 3 juillet à Toulouse par des organisations écolos. D'autant qu'Emmanuel Macron a récemment demandé aux militants de «rendre la vie impossible» aux dirigeants pour qu'ils agissent davantage pour l'environnement. Un appel qui pourrait pris au pied de la lettre...

DES GARDIENS DE PRISON SUR LES NERFS

Une attaque terroriste en mars, une prise en otage de deux gardiens par un détenu en juin, des agressions d'agents à répétition... Le premier semestre de 2019 a été une épreuve pour les surveillants pénitentiaires, si bien qu'un vaste mouvement de blocage est né en mars et s'est poursuivi en juin. L'objectif : pointer les failles d'un système carcéral à bout de souffle, confronté à la surpopulation chronique, à l'insalubrité, aux problèmes d'hygiène, au manque d'effectifs ou encore à la radicalisation de détenus. Et les pansements de l'Etat (essor des peines alternatives, construction de 7.000 places de prison...) ne convainquent pas les syndicats. «Ce sont des rustines que l’on colle sur les problèmes pour faire plaisir à l’opinion. Il n’y a aucune volonté politique», selon Christophe Schmitt, délégué régional de FO Pénitentiaire.

Le mouvement de grève, actuellement en suspens, pourrait-il donc reprendre pendant l'été, alors que la canicule aggrave les conditions de vie des détenus, et par ricochet celles des gardiens ? Toujours est-il que les différents rapports (internationaux ou non) alertant sur les conditions de vie en prison pourraient donner de la matière aux aspirants grévistes. La contrôleure générale des prisons, Adeline Hazan, dénonce notamment, dans un texte publié ce 3 juillet, la gestion de la nuit en détention, qui représente «un enfermement dans l'enfermement : enfermement dans les cellules [...] dans la solitude [...] dans les angoisses.»

A cet «été social» pourraient même s'ajouter la grève des correcteurs du bac (prenant le relais des enseignants) et, plus globalement, des agents des services publics, à l'heure où l'exécutif prévoit d'écrémer le nombre de fonctionnaires. Et puis, si les vacances d'été ne sont pas propices aux mouvements de contestation, les contestataires pourront toujours battre le pavé lors les traditionnelles mobilisations sociales de la rentrée.

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