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Ange Mancini, premier patron du RAID : «Le terrorisme est la mission ultime»

Ange Mancini était patron du Raid à sa création, en 1985.[BERTRAND LANGLOIS / POOL / AFP]

Le préfet Ange Mancini a été le premier patron du RAID, de sa création en 1985, à 1990. Succès, coups durs, il a tout vécu avec cette unité de la police nationale appelée dans les moments les plus critiques. A l'occasion de la sortie du livre «Histoire du RAID illustrée», qu'il cosigne, il nous raconte ses souvenirs et donne ses impressions sur ces policiers d'exception.

Pourquoi avoir participé à ce livre sur le RAID ? Est-ce un hommage à tous les hommes et les femmes de l’unité ?

L’idée est de parler d’un service qui aura 35 ans l’année prochaine et qui, au départ, était un groupe d’intervention pour les problèmes que représentaient le grand banditisme, le terrorisme, l'indépendantisme... Petit à petit, il a évolué à mesure des besoins et s'est adapté en permanence jusqu’à sa situation actuelle. Le RAID n'est plus seulement un groupe d'intervention, c'est une sorte de service de gestion de crise. Des 80 hommes qu'on avait recruté au début, ils sont près de 500 maintenant et sont installés jusqu’en Outre-mer. C'est devenu un atout majeur de la lutte contre toutes les agressions et le terrorisme que la France a à subir.

«on n'est pas dans un jeu vidéo»

En quoi le RAID est-il devenu l’unité d’élite de la police nationale française ?

Je n'aime pas le mot «élite». Etre une «unité d'élite» ne veut rien dire. Le RAID est simplement une unité à qui on a donné les moyens et la formation pour exécuter les missions les plus difficiles de la police nationale. Avec l’idée de groupe, et non pas l’idée d'élite. Le vrai danger, pour un policier, c'est de demander ses papiers à un chauffard dans la rue, parce qu'on ne sait jamais à qui on a affaire.

On pourrait croire que le RAID, ce sont des individus hors du commun. En réalité, ce sont des gens qui vivent comme tout le monde, avec leur famille, dans un milieu social normal, à l'écoute de tout ce qu'il se passe dans le monde. C'est ça qui, avec leur cohésion et leur humilité, fait leur force. Tout le monde se tient très solidement.

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[Les Raiders à l'entrainement, lors d'une simulation d'intervention (photo AFP)].

C’est aussi une unité où les hommes mettent leur vie en jeu. Deux d’entre eux sont d’ailleurs tombés en opération lorsque vous étiez à sa tête, en 1989, à Ris-Orangis. Est-ce le pire souvenir de votre carrière ?

Il y en a eu deux sous mes ordres (Christian Caron et Fernand Seither, ndlr), et un autre, plus tard en Corse (René Canto, en 1996, ndlr). C'est un deuil que le service porte toujours très profondément en lui, et chaque année il y a des cérémonies qui commémorent ce sacrifice. 

C'est évidemment le pire souvenir de ma carrière. Dès que vous avez quelqu'un qui meurt, c'est définitif, c’est une vie qui s’arrête. On n'est pas dans un jeu vidéo ici. C'est terrible, c'est épouvantable.

«La protection absolue, c'est celle des otages»

Quelle est l’intervention qui vous a rendu le plus fier du RAID, celle qui vous a le plus marqué ?

Comme on peut s'en douter, je suis toujours fier de ce que fait l'unité (rires). En ce qui me concerne, il y a évidemment la première opération de notre histoire, qui était la prise d’otages de la cour d'assises de Nantes, à Noël 1985, où plusieurs dizaines de personnes avaient été retenues (une trentaine, par George Courtois et deux complices, en plein procès et devant les caméras de télévision, ndlr). Elles ont été libérées au bout de 34 heures de discussion. A l'époque, on disait déjà que la négociation, ce sont des mots qui servent comme des armes. Ils doivent désamorcer l'aspect brutal des opérations.

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[Le RAID est capable d'intervenir sur tous les terrains, en métropole et dans les DOM-TOM (photo AFP)].

Est-ce que la médiatisation des interventions du RAID, et notamment certaines retransmissions en direct à la télé, comme lors de l’opération contre le terroriste Coulibaly à l’Hypercacher de la porte de Vincennes, l’a obligé à changer sa façon de faire ?

Ce n'est pas la meilleure des choses que l'on a pu faire (de filmer l’intervention en direct, ndlr). Ça pose évidemment un problème et d'ailleurs, dans des pays comme l'Angleterre, on met généralement des bâches pour empêcher tout le monde de voir quoi que ce soit. Ça évite de donner des informations à ceux qui sont retranchés avec des otages et de mettre en danger leur vie (aux otages, ndlr). Dans un service comme le RAID, il y a trois types de protection. La protection absolue, c'est celle des otages. Ensuite, c'est celle des policiers. En dernier, celle des preneurs d'otages. C'est toujours grave de risquer la mort ou la blessure de quelqu'un parce que l'on aura trop parlé, pour une information trop rapide. On n'est pas dans une course à l’échalote, mais une course à la vie. 

Est-ce que le RAID est désormais essentiellement tourné vers la lutte contre le terrorisme ou continue-t-il d’agir face au grand banditisme, face aux forcenés ?

Le terrorisme n'est qu'une partie de la fonction du RAID. Au quotidien il y a des interventions qui se font un peu partout en France. Le terrorisme est la mission ultime, celle qui est la plus médiatique. Mais il y a aussi tout le reste, comme le type paumé qui prend ses enfants en otage. Des tranches de vie dont on ne parle pas, sauf quand il arrive un drame.  C'est ça qui fait l’âme d'un service comme le RAID, d'être aussi à l'écoute de ces désespérés de la vie.

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