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Thomas Pesquet : «l'espace n'est pas un terrain de bataille»

L'astronaute français retournera bientôt dans l'espace. L'astronaute français retournera bientôt dans l'espace.[Roberto Pfeil / afp]

Sur Terre ou dans son costume d'astronaute, Thomas Pesquet prend rarement le temps de souffler. Alors qu'il vient de confirmer un retour dans la Station spatiale internationale en 2021, le Français est devenu le parrain du pavillon de la France lors de la prochaine exposition universelle qui débute en octobre 2020 à Dubaï.

Un événement pas si éloigné de ses activités à l'Agence spatiale européenne (ESA), puisqu'il veut en profiter pour défendre la coopération internationale et l'excellence française.

Vous avez eu la confirmation de votre prochain départ, savez-vous quels seront les objectifs de la mission ? 

Dans le détail c’est trop tôt, nous n'avons pas encore de date de décollage précise. Dans les grandes lignes on sait pourtant ce qu’il va se passer. La Station spatiale c’est un laboratoire de recherche, on prépare la suite de l’exploration. Ce que l'on fait à bord nous permettra un jour d’aller sur la Lune puis sur Mars. Mais en même temps, c’est la continuation des programmes européens. Des nouvelles expériences sont en train d’être mises en musique par le CNES. Ce n’est pas défini mais ça se met en place. 

Vous allez partir des Etats-Unis, et non pas de Russie, à bord d’une capsule SpaceX ou Boeing. Est-ce que cela change quelque chose pour vous ? 

Il va falloir apprendre un nouveau véhicule. C’est la partie similaire à mon ancien métier de pilote. On a une machine, il faut la connaître par coeur et être le plus familier possible avec la manière dont elle s’opère. Il va donc falloir se mettre en cours théoriques, en simulateur et se mettre à niveau pour assurer la sécurité du vol. Cela va se passer côté américain, à Houston. C'est un changement car j’avais passé beaucoup de temps en Russie la dernière fois.

Près de deux ans après votre retour sur Terre, est-ce que vous avez des séquelles du précédent voyage ? 

Il y a des effets sur le corps humain mais ils sont réversibles pour la plupart, ou alors c’est à la marge. La densité osseuse diminue peut-être de zéro et quelques pourcents à certains endroits du corps, mais je suis revenu à 100%. Pareil pour les muscles, la vision… Je ne vois pas de différence. Si on allait dix fois dans l’espace j’imagine que ça serait différent. 

Vous aviez expliqué que la Station spatiale permettait la coopération entre les pays sur le temps long et à l’écart des tensions sur Terre. Est-ce pour promouvoir ce genre de projets que vous avez accepté d'être parrain du pavillon de la France à l’exposition universelle de Dubaï ? 

C’est exactement ça. Une des conséquences très vertueuses de mettre les gens ensemble, c’est que l’on crée des liens plus difficiles à briser. Ce qui est bien, c’est que ce sont généralement des cycles long. Une mission dure 20 ans donc si les relations se tendent, on ne peut pas décider d’arrêter la Station spatiale. Elle survit aux gouvernements et aux tensions entre les pays, donc c’est positif.

L'on parle pourtant de plus en plus de guerre dans l'espace avec le commandement militaire lancé par Donald Trump ou les missiles indiens capables de détruire des satellites. Cela vous inquiète ? 

Oui et non. Ça ne m’inquiète pas plus aujourd’hui que l’an passé. L’espace n’est pas un terrain de bataille. Ceux qui le pensent ne sont pas familier du domaine. Les experts de l’armée de l’air en France ou aux USA le savent. Mais c’est un endroit où l’on peut mettre des satellites d’observations, de télécommunications et cela tout le monde le fait depuis très longtemps. La présence militaire sera toujours là, mais au-delà des effets d’annonce du côté américain, je ne vois pas de changement dans l’utilisation de l’espace de façon belliqueuse. 

Vous êtes très engagé pour l'environnement. Comment peut-on utiliser l'exploration spatiale pour lutter contre le changement climatique ?

Il y a deux aspects. Grâce aux flottes de satellites, qui analysent la hauteur des vagues, la fonte des neiges… Les scientifiques peuvent faire des conclusions. Les astronautes, nous sommes une toute petite partie de tout cela. Faire des expériences sur le changement climatique n’est pas le but premier lorsque l’on envoie des humains, mais par contre nous avons un point de vue et un regard que l’on peut partager. Je me lève le matin, je vois des incendies, des coupes dans la forêt amazonienne des fleuves pollués. On est humains au final, les grands chiffres ne parlent à personne, mais je peux prêter mon regard et montrer.  

Est-ce que ce n’est pas frustrant de se préparer autant pour ne faire au final «que» quelques mois dans l'espace ? 

Je ne l’ai jamais vu comme ça parce que le passé des missions spatiales étaient de 6-10 jours, avec le même niveau d’entraînement. Donc aujourd’hui, on a plutôt tendance à voir celles de six mois comme quelque chose de très long. Cela devient la norme même si demain il y aura des missions d’un an ou de 900 jours. Je n’ai pas d’études là-dessus mais je pense qu’il faut au moins trois mois pour s’habituer physiquement, pour que le corps s’habitue et devenir un citoyen de l’espace, pour être efficace et se donner le temps d’intégrer l’expérience. Un mois ce n’est pas assez. Après trois mois, le reste c’est du bonus. En revanche, au-delà dix mois on doit trouver le temps long. La séparation avec les proches devient dure… Six mois ce n’est peut-être pas idéal mais je suis content. 

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