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Affaire Griveaux : les propos de Christophe Castaner sur Olivier Faure suscitent l'indignation de la classe politique

Christophe Castaner et Olivier Faure ont fait leurs classes au PS ensemble, mais leurs relations se sont détériorées depuis que le premier a rejoint Emmanuel Macron. Christophe Castaner et Olivier Faure ont fait leurs classes au PS ensemble, mais leurs relations se sont détériorées depuis que le premier a rejoint Emmanuel Macron. [Ludovic Marin / AFP et THOMAS SAMSON / AFP]

Une attaque personnelle qui passe mal. Interrogé sur l'affaire Griveaux, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner s'en est pris, mercredi 19 février, au patron du PS Olivier Faure - qui avait dénoncé la veille la «légèreté incroyable» de l'ex-candidat à la mairie de Paris -, en évoquant sa vie privée, et notamment «ses divorces». Des propos qui ont suscité l'indignation de responsables politiques de tous bords.

Invité sur France Inter à réagir à la diffusion de vidéos à caractère sexuel de Benjamin Griveaux sur Internet, qui ont poussé le candidat LREM à abandonner la course à la mairie de Paris, Christophe Castaner a commencé par défendre son collègue dans des termes généraux. «Les politiques doivent rester des femmes et des hommes, sinon ils se coupent de la réalité. (...) Il faut accepter nos forces, nos fragilités. Il ne faut pas prétendre être des super-héros, et moi j’invite la classe politique à faire preuve de beaucoup de modestie», a-t-il réagi, avant d'attaquer frontalement Olivier Faure.

«J'ai été surpris d'entendre Olivier Faure à votre micro, que je connais bien et que j'ai accompagné dans ses divorces et ses séparations. J'ai été étonné de ses leçons de morale», a lancé le ministre de l'Intérieur, au sujet de son ancien ami et camarade socialiste. Une réponse explicite à l'interview d'Olivier Faure sur France Inter la veille, au cours de laquelle il avait taclé la «légèreté incroyable» et «coupable» de Benjamin Griveaux au sujet de ses vidéos compromettantes.

«Quand vous êtes un homme ou une femme publique, un décideur public, un ministre, vous devez prendre toutes les précautions d’usage pour ne jamais être à la portée des maîtres chanteurs», avait-il dénoncé, tout en condamnant «la diffusion de ces images qui n'avaient pas vocation à être publiques».

Cette saillie de Christophe Castaner n'a pas du tout plu au premier secrétaire du Parti socialiste, qui a convoqué une conférence de presse à l'Assemblée nationale mercredi après-midi pour répondre au locataire de la place Beauvau. «Ce matin, une ligne rouge a été franchie. Le fait pour un ministre de l’Intérieur de chercher à intimider l’un des dirigeants de l’opposition en ayant recours à des insinuations relevant de sa vie privée est une atteinte au fondement de la démocratie», a réagi Olivier Faure.

«Christophe Castaner a commis une faute grave. Dès lors, il appartient au président de la République, garant de nos institutions, de convoquer le ministre de l’Intérieur dans les meilleurs délais et d’en tirer les conséquences», a-t-il poursuivi, appelant Emmanuel Macron à sanctionner son ministre de l'Intérieur.

Olivier Faure a considéré jeudi que le différend qui l'oppose au ministre de l'Intérieur Christophe Castaner n'était «pas une affaire personnelle», mais «une affaire de principe», lors d'un entretien sur France 2. «Moi je ne suis pas blessé, comme il a cherché à l'évoquer, ce n'est pas la question», a tonné Olivier Faure jeudi matin. «La question, ce n'est pas nous présenter des excuses à moi. Si vous présentez des excuses à quelqu'un, il y a un certain nombre de victimes auxquelles il peut le faire, des gens qui ont perdu un oeil, des gens qui ont perdu une main depuis un an», a-t-il ajouté, en référence aux blessés lors des manifestations des «gilets jaunes». Le patron du PS a toutefois indiqué qu'il n'entendait pas déposer plainte, ni qu'il réclamait la démission du patron de la place Beauvau. Il a encore indiqué que Christophe Castaner ne l'avait pas appelé.

De nombreuses réactions scandalisées

Avant même la prise de parole du député de Seine-et-Marne, de nombreux responsables politiques de tous bords s'étaient outrés de l'intervention de Christophe Castaner. «Amateur en tant que ministre ? Mais professionnel de l'attaque minable. Ces propos déshonorent leur auteur et le mettent au niveau de ceux qu'il prétend combattre dans cette pathétique affaire», a cinglé le patron des sénateurs socialistes Patrick Kanner. «Plus dégueulasse ? Je cherche... Je ne vois pas», s'est emporté la sénatrice socialiste et ex-ministre Laurence Rossignol.

Toujours à gauche, le secrétaire national d'Europe Ecologie Les Verts (EELV) Julien Bayou a estimé que «le ministre des ragots se vautre dans la fange». «De quel droit le ministre de l'Intérieur dévoile la vie privée d'Olivier Faure ? LREM peut réclamer l'anonymat sur les réseaux sociaux, son ministre est une vraie balance !», a lâché de son côté Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste (PCF). Pour son collègue Manuel Bompard, député européen La France insoumise (LFI), «on savait Castaner capable de tout. Il le confirme à nouveau. Odieux».

A droite aussi, les critiques ont fusé. «En attaquant Olivier Faure sur sa vie privée, Christophe Castaner fait la preuve de la bassesse dont est capable ce pouvoir qui dégrade chaque jour davantage le climat politique», a affirmé Bruno Retailleau, président des sénateurs Les Républicains (LR). «Cet homme est Ministre de l’Intérieur... quelle honte !» a réagi sur Twitter la présidente du Rassemblement national (RN) Marine Le Pen. «Ça veut dire quoi ça ? 'Je l'ai accompagné dans ses divorces' ! On rêve ! Menace ?», s'est exclamé Sébastien Chenu, porte-parole du RN.

Face à cette avalanche de critiques, Christophe Castaner a réagi lui-même sur Twitter, dans un message adressé à Olivier Faure : «Cher Olivier Faure, il n'y avait ni menace ni attaque personnelle dans mon propos. Nous nous connaissons depuis assez longtemps pour savoir l'un et l'autre que la vie n'est pas linéaire. Et nous y avons quelquefois fait face ensemble», a-t-il tweeté, sans vraiment s'excuser, faisant référence au passé commun des deux hommes.

Quelques heures plus tard, le ministre de l'Intérieur a dit «regretter» ses propos, si ceux-ci «ont blessé» le Premier secrétaire du PS. «Il n'y avait aucune menace», a-t-il ajouté. 

Christophe Castaner et Olivier Faure ont fait leurs classes politiques ensemble au PS, au sein de la génération couvée par Michel Rocard, Premier ministre de 1988 à 1991. Ils sont ensuite restés proches, jusqu'au départ de Christophe Castaner du PS pour En Marche ! avant la présidentielle de 2017. Depuis, les relations entre les deux ex-compagnons de route se sont fortement dégradées, Olivier Faure moquant par exemple en mars 2019 la gestion du maintien de l'ordre «entre deux verres» de Christophe Castaner, après la publication de photos du ministre lors d'une soirée arrosée en boîte de nuit, en pleine crise des gilets jaunes.

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