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Déconfinement : Des professeurs d'Aulnay-sous-Bois dénoncent des consignes sexistes

Dans la poursuite du déconfinement, les collèges accueillent à nouveau leurs élèves progressivement depuis le 2 juin.[FREDERICK FLORIN / AFP]

Pourquoi le retour à l'école des garçons décrocheurs devraient-il être prioritaire par rapport à celui des filles rencontrant les mêmes difficultés ? C'est la question que se pose les enseignants du collège Victor-Hugo à Aulnay-sous-Bois. Ayant reçu des directives en ce sens, ils refusent de les appliquer et l'ont fait savoir dans une lettre au recteur de l'académie de Créteil.

Dans ce texte, ils rapportent les propos qu'aurait tenus leur chef d'établissement lors d'une réunion des membres de l'équipe pédagogique, le 2 juin : «Concernant les élèves de 4e et de 3e, il nous est demandé d'accueillir en priorité les garçons décrocheurs de 3e, puis les garçons décrocheurs de 4e, ensuite les filles décrocheuses de 3e et enfin les filles décrocheuses de 4e».

Des «consignes sexistes» confirmées par un exemple donné ce jour-là, que les auteurs de la lettre attribuent une nouvelle fois au principal du collège : «Mettons qu'une fois les élèves de 6e et de 5e accueilli-es, il nous reste une capacité de 60 élèves ; si nous avons une liste de 65 garçons décrocheurs et 10 filles décrocheuses, il m'est demandé d'accueillir prioritairement les garçons. Nous accueillerons donc 60 garçons.»

Indignés, les enseignants signataires refusent de «cautionner». «Comment est-il possible, en 2020, dans un Etat qui a déclaré «grande cause nationale» l'égalité entre les femmes et les hommes, d'entendre une telle injonction ? Allons-nous faire cours aux garçons tandis que les filles resteront à la maison au motif qu'elles sont des filles ?», écrivent-ils.

Selon ces professeurs, le principal du collège Victor-Hugo a indiqué que cette décision s'appuyait «sur des données statistiques». Une justification loin d'être suffisante à leurs yeux. «En tant que pédagogues», ils jugent ces consignes «inacceptables» car en opposition aux valeurs qu'ils cherchent à transmettre.

Rappelant leur statut d'agents de la fonction publique, ils s'appuient sur les textes officiels qui stipulent qu'ils «doivent se conformer aux instructions de [leur] supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public».

Jugeant être dans l'une de ces situations, les auteurs de la lettre annoncent leur intention de ne pas respecter la consigne donnée et demandent même son retrait. Ces enseignants estiment que le soin de cibler les jeunes prioritaires doit être laissé «aux équipes d'enseignement et d'éducation, qui connaissent leurs élèves et leurs besoins».

Se saisissant du dossier, le syndicat d'enseignants Snes-FSU de Créteil a lui aussi contacté le rectorat, exigeant «qu'il renonce à cette politique». Samedi 6 juin, Daniel Auverlot, recteur de l'académie, répondait : «Les résultats au diplôme national du brevet, les exclusions définitives, les résultats à l’évaluation à l’entrée en sixième montrent hélas dans l’académie de Créteil une grande fragilité des garçons. En revanche nous avons à travailler, et nous le faisons, sur l’ambition scolaire des filles au lycée et au lycée professionnel.»

Une réponse qui, pour le syndicat et certains internautes, ressemblait à la confirmation d'une consigne à l'échelle du rectorat. Depuis, la direction académique évoque une simple maladresse de la part du principal du collège Victor-Hugo d'Aulnay-sous-Bois, assurant auprès de Libération qu'elle «n'a jamais transmis de consigne académique pareille».

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