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Coronavirus : Faut-il rendre les masques gratuits pour tous ?

Pour ses partisans, la mesure permettrait de ne laisser personne au bord de la route. [TIZIANA FABI / AFP].

C'est un débat qui est revenu de façon très insistante ces derniers jours. Alors que le port du masque devient de plus en plus obligatoire en extérieur, la question de son coût se pose davantage encore pour les Français. Dans ce contexte, plusieurs voix s'élèvent pour réclamer la gratuité.

La question du coût des masques n'est pas nouvelle et est apparue dans le débat public dès le début de la pandémie. Mais c'est surtout la question autour de la gratuité qui a particulièrement été au coeur des discussions cette semaine.

Déjà obligatoire dans tous les lieux publics clos depuis le 20 juillet dernier, le port du masque est également devenu obligatoire en extérieur depuis le lundi 10 août dans certaines rues de Paris et dans plusieurs rues de communes d'Ile-de-France.

Le lendemain, la question s'est à nouveau posée, lorsque, à l’issue d’un Conseil de défense et d’une visite au CHU de Montpellier (Hérault), le Premier ministre Jean Castex a annoncé que le port du masque allait encore être étendu dans l'espace public, le chef du gouvernement exhortant même les préfets à se rapprocher des élus locaux pour l'étendre «le plus possible» et le généraliser également «au maximum» sur le lieu de travail.

«Je le dis avec une forme de gravité : si nous ne réagissons pas collectivement, nous nous exposons à un risque élevé de reprise épidémique qui sera difficile à contrôler», avait déclaré Jean Castex devant les journalistes.

Un masque qui s'impose, une épidémie qui repart

Un durcissement de ton s'expliquant par les mauvais chiffres autour de l'épidémie qui inquiètent particulièrement le gouvernement. La situation autour du coronavirus se dégrade en effet nettement en France. Plus de 2.500 cas confirmés de Covid-19 ont ainsi été enregistrés au cours des dernières vingt-quatre heures, une progression inédite depuis le mois de mai, selon le bilan quotidien de la Direction générale de la Santé (DGS) publié mercredi.

Or, il est désormais reconnu par tous que le masque, avec le lavage régulier des mains et le respect de la distanciation physique, constitue la protection la plus efficace contre le SARS-CoV-2. Dans ces conditions, non seulement des médecins mais aussi des politiques ou encore des responsables associatifs ne voient pas pourquoi les masques ne seraient pas totalement gratuits.

«Rendre obligatoire les masques dans un but sanitaire rappelle furieusement l’obligation de vaccination. Notre point de vue est donc de dire qu'à l'instar de la doctrine 'A vaccination obligatoire, remboursement obligatoire', celle de 'masques obligatoires, prise en charge par l'Etat' doit également s'appliquer», clame par exemple Alain Bazot, le président de l'association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir, sollicité par CNEWS.

«Le port du masque est l’une des meilleures réponses à l’heure actuelle pour endiguer l’épidémie. Et à partir du moment où l'on considère que cette protection est utile pour se protéger du coronavirus, elle doit être gratuite et accessible à tous», abonde également auprès de CNEWS le syndicaliste Thomas Portes, par ailleurs conseiller politique auprès d'Eddie Jacquemart, le président de la Confédération nationale du Logement (CNL).

Pourtant, le gouvernement a décidé d'aider avant tout les plus modestes. Dans la lignée de ce qu'avait préconisé le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, qui, le 21 juillet dernier, s'était dit «favorable à la gratuité pour les personnes les plus fragiles, en situation de précarité ou à la limite». Depuis le début du mois d'août, ce sont ainsi environ 40 millions de masques, censés protéger quelque 7 millions de Français durant deux mois, qui ont été envoyés aux foyers les plus précaires.

Un coût important pour certaines familles

Pour certaines familles, le budget peut en effet être une charge beaucoup trop lourde puisqu'il peut très vite grimper jusqu'à 230 euros par mois, si les masques chirurgicaux sont correctement utilisés (soit pas plus de quatre heures individuellement).

Le gouvernement a donc fait le choix d'une gratuité mais sous conditions de ressources. Une stratégie qui, pour plusieurs responsables, reste imparfaite. «Nous n’avons pas de visibilité complète sur la façon dont cela est fait. Rien ne nous dit que ce sont réellement tous les plus modestes qui sont couverts», s'interroge notamment Alain Bazot.

Thomas Portes, lui, partage également ce point de vue et déplore en outre une parole gouvernementale sur les masques qui n'a cessé de varier au cours des semaines. 

«Au départ on nous a dit que le masque ne servait à rien pour cacher la pénurie. Finalement, maintenant, on nous dit que c’est pour les Français les plus fragiles, mais que met-on derrière cette notion ? La question ne devrait même pas se poser, il faut prendre en charge le masque par la sécurité sociale afin de le rendre gratuit pour tous», soutient le syndicaliste.

Pour lui comme pour Alain Bazot, la solidarité nationale doit donc pleinement jouer son rôle car «quand on règle le cas de tout le monde, on règle automatiquement le cas des plus démunis», résume le président de l'UFC-Que Choisir.

Autre point soulevé par les deux responsables, le prix du masque chirurgical, plafonné à 95 centimes d'euros, reste selon eux toujours excessif. Et si, selon toute vraisemblance, les masques devraient être moins chers à la rentrée eu égard notamment à une offre devenue entre temps pléthorique, tous deux constatent des distorsions de prix sur le terrain et n'excluent pas que des marges malvenues soient susceptibles d'être appliquées.

«Aujourd'hui, personne n’est capable de dire qui vérifie si les prix sont bien plafonnés ou de s’assurer qu’il n’y ait pas d’abus de la part de certains commerçants. Avec la gratuité totale vous arrêtez les abus et la spéculation et vous protégez toute la population», veut ainsi croire Thomas Portes.

«Dire que l'Etat n'a pas d'argent n'est pas entendable»

Le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, avait reconnu, le 21 juillet dernier sur franceinfo que le prix plafond du masque chirurgical à 95 centimes d'euros «peut représenter effectivement pour des familles un coût important». Le locataire de Bercy avait semblé ouvrir la porte à une voie intermédiaire en estimant qu'une prise en charge complémentaire était «une question qui se regarde attentivement». Une alternative portée notamment par l'association de consommateur CLCV qui plaide pour «une aide financière mensuelle de 50 euros par personne composant la famille», comme l'a rapporté le quotidien économique Les Echos.

De quoi, peut-être, soulager du moins en partie l'Etat dont les finances ont déjà été mises à rude épreuve notamment sur la prise en charge du chômage partiel durant le confinement et de plans de relances successifs en soutient à l'économie. Toujours est-il que pour les partisans de la gratuité totale, cet argument ne tient pas dans la mesure où, sur le sujet des masques, c'est toute la question de protection de la santé des citoyens qui se pose.

«L'argument de dire que l’Etat n’a pas d’argent n'est pas entendable quand il trouve par exemple 7 milliards d’euros pour une seule compagnie : Air France en l’occurrence», insiste à telle enseigne Alain Bazot, qui, à défaut de se voir proposer la gratuité totale des masques, recommande au moins un meilleur encadrement du prix des masques chirurgicaux. 

Pour Thomas Portes, le débat relancé autour de la gratuité des masques pose enfin «la question de la réindustrialisation de la France». Pour le syndicaliste, il apparaît urgent «de recréer un outil industriel capable de nous protéger contre de prochaines pandémies. Car en fabriquant des masques en France à une échelle importante, la gratuité s’imposerait comme une évidence», estime-t-il.

A la faveur de l'épidémie de coronavirus et au plus fort de la crise sanitaire, il est en effet apparu urgent, de la gauche à la droite du spectre politique, de mettre en oeuvre une nouvelle politique industrielle afin de préserver un minimum d'indépendance nationale. «Il nous faut retrouver la force morale et la volonté pour produire davantage en France et retrouver cette indépendance» avait même déclaré Emmanuel Macron à la fin du mois de mars.  

Mais ce chemin vers la réindustrialisation demandera vraisemblablement du temps à être tracé, surtout après un déclin industriel français profond et long de plusieurs années. Le retour de certaines industries pourrait d'ailleurs se heurter à des impératifs environnementaux nouveaux mettent en garde certains économistes. Reste que quel que soit le moyen retenu, la question autour de la gratuité des masques demeure dans tous les cas une question de volonté politique. 

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