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Homophobie : un viol reconnu comme «lesbophobe», une première en France

L'agresseur de Jeanne (dont le prénom a été modifié à sa demande) avait été condamné à 15 ans par la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis en mars 2020. [© ASHRAF SHAZLY / AFP][ASHRAF SHAZLY / AFP]

Une décision «historique». Vendredi, la cour d'assises de Paris a condamné un homme à 14 ans de réclusion criminelle pour «viol en raison de l'orientation sexuelle» sur une femme homosexuelle. C'est la première fois qu'un viol est qualifié de lesbophobe par la justice.

L'agresseur de Jeanne (dont le prénom a été modifié à sa demande) avait été condamné à 15 ans par la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis en mars 2020. Mais la circonstance aggravante de l'homophobie n'avait pas été retenue. Cette fois, les jurés et les juges ont estimé qu'il s'agissait d'un viol lesbophobe, notamment car l'accusé, âgé de 25 ans, «connaissait dès le début de leur rencontre l'orientation sexuelle» de sa victime.

Au petit matin du 8 octobre 2017, il l'avait violée, violentée et humiliée pendant plus d'une heure dans le huis clos de son appartement de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), où la jeune femme de 34 ans avait refusé d'avoir une relation sexuelle, après une rencontre et un flirt dans les rues de Paris. La cour s'est également appuyée sur le témoignage de la jeune femme, qui avait relaté à de multiples reprises la phrase lancée en guise d'avertissement par son agresseur : «Tu kiffes les meufs ? Eh bien je vais te faire kiffer».

«Il voulait me nier en tant que lesbienne, me punir»

La reconnaissance du caractère lesbophobe de cette agression «était le plus important pour moi», a réagi Jeanne. «Le viol était nourri par ça, il voulait me nier en tant que lesbienne, me punir. Au premier procès, j'avais été niée une deuxième fois par la justice, la société, dans mon identité, c'était ça le plus dur», a-t-elle expliqué.  «Là, les jurés ont dit qu'il n'avait pas le droit de me faire ça pour ce que je suis. Ça va beaucoup m'aider dans la réparation», a ajouté la jeune femme menue, profondément meurtrie par cette agression «d'une violence inouïe», selon les mots de l'avocat général.

Une peine légèrement allégée

La peine prononcée en appel est légèrement plus faible du fait des aveux de l'accusé sur le viol et les violences : Jeanne, dont l'ensemble du corps présentait de «très nombreuses plaies et ecchymoses», avait notamment eu un tympan perforé. Mais l'accusé a persisté à affirmer «ne pas avoir de problème» avec son homosexualité. «Il était hors du temps, gavé de cocaïne et d'alcool, il ne savait pas ce qu'il faisait», a dit son avocat, Paul de Bomy, après le verdict.

«L'aboutissement du procès d'Aix-en-Provence»

«Emu et fier», l'avocat de Jeanne, Stéphane Maugendre, a de son côté estimé que cette condamnation, «une première historique», était aussi  «l'aboutissement du procès d'Aix-en-Provence» de 1978.

Lors de ce procès, les trois agresseurs d'Anne Tonglet et Araceli Castellano, un couple de lesbiennes, avaient été condamnés au terme d'un combat mené par leur avocate Gisèle Hamili, qui avait abouti à une redéfinition légale du viol.

«Les femmes lesbiennes et bisexuelles sont extrêmement exposées aux violences et agressions sexuelles» en raison de «la haine et du mépris liés à l'orientation sexuelle, mais aussi de la perception misogyne selon laquelle les femmes sont des "objets", et surtout des objets sexuels», a réagi Silvia Casalino, co-directrice de l'EuroCentralAsian Lesbian* Community. «Il s’ajoute aussi la conviction que les femmes qui n'ont pas de relations sexuelles avec des hommes sont "malades", "anormales" et doivent être "corrigées"», ajoute la militante. 

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