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Philippe Etchebest : «Je pointe souvent les problèmes, mais pour cet été, je suis optimiste»

Philippe Etchebest s’engage auprès des restaurateurs français depuis le début de la crise sanitaire. [©MEHDI FEDOUACH / AFP]

Depuis le début de la crise sanitaire, Philippe Etchebest s’engage auprès des restaurateurs français, qui ont dû garder porte close durant presque un an. A l’heure où les établissements peuvent à nouveau accueillir des clients, CNEWS a sollicité le chef étoilé bordelais pour évoquer la situation de ce secteur qui, malgré les aides de l’Etat, a subi de lourdes pertes.

Comment se porte le secteur de la restauration aujourd’hui, financièrement et moralement ?

On ne va pas se mentir, c’est très compliqué. Malgré tout, nous restons positifs. A l’heure actuelle, la priorité c’est la motivation de nos équipes et le bonheur de retrouver nos clients, qui ont été au rendez-vous. Il y a eu un bel engouement dès la réouverture. Ils sont ravis de pouvoir retourner au restaurant et de retrouver du lien social. Aller au restaurant, c'est dans notre ADN. On a une culture du partage, du bien vivre, et celle-ci a manqué à tous les Français.

Vous avez décidé de ne pas rouvrir la terrasse de votre restaurant à Bordeaux, le 19 mai dernier. Comment s’est passée la reprise le 9 juin au sein de votre établissement ? 

En effet, je ne pouvais pas rouvrir le 19 mai car le modèle économique n’était pas viable pour ma structure (seules les terrasses de ces établissements étaient autorisées à rouvrir, ndlr). J’ai donc préféré attendre la deuxième phase du plan de déconfinement avec la réouverture des restaurants en intérieur. Et la reprise s’est très bien passée. Il y avait un bel esprit d’équipe et une bonne dynamique, en sachant qu’on avait conservé une certaine activité grâce à la vente à emporter.

Pour survivre, beaucoup d’établissements ont en effet développé la vente à emporter. Selon vous, ce service s’inscrira-t-il dans la durée ?

On a dû faire preuve de résilience et s’adapter. La vente à emporter a permis à de nombreux restaurateurs de conserver une activité. Pour ma part je l'ai développée lors du deuxième confinement, et je pense que ce service va s’inscrire dans la durée. Même si ce n’est plus obligatoire, beaucoup de personnes vont continuer à télétravailler. Je suis convaincu qu’il y a vraiment un créneau à prendre.

Combien d’établissements ont été contraints de mettre la clé sous la porte en raison de la crise sanitaire ?

Pour le moment il est difficile de le savoir précisément. De nombreux établissements ont fait faillite durant les confinements, et il y en aura d’autres dans les mois à venir. Plusieurs aides ont été mises en place, dont le prêt garanti par l'Etat. Mais ce prêt vient s’ajouter à d’autres qui étaient déjà en cours, et un jour ou l’autre, il va falloir tous les rembourser. C’est reculer pour mieux tomber. Quand le moment viendra, certains auront du mal, voire ne pourront pas le faire, car cela implique d’avoir seuil de rentabilité encore supérieur. 

En avril dernier, vous avez notamment participé à une réunion Zoom en visio avec Emmanuel Macron, pour discuter de la relance de la restauration après le confinement. De quelle manière avez-vous été associé aux prises de décisions ?

Dès le début de la crise, on a créé un groupe avec plusieurs représentants du secteur. On se réunissait chaque jour via la plate-forme Zoom pour réfléchir à des solutions pour aider la profession. On a été entendu par le gouvernement, mais pas toujours écouté. Cependant, dans l’ensemble, nous sommes satisfaits du travail réalisé et des aides mises en place.

De nombreux restaurants sont confrontés à une pénurie de main-d'œuvre. Entre 100.000 et 140.000 employés du secteur auraient changé de métier depuis le premier confinement, selon l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie. La crise a-t-elle «dévalorisé» la profession ? Selon vous, que faut-il faire pour attirer plus de personnes vers ce secteur d’activité ?

Cette pénurie de main-d'œuvre existait déjà avant la crise. Mais depuis la pandémie, elle s’est effectivement accentuée. Je pense qu’il y a eu un changement de mentalité. Les jeunes n’ont plus envie de sacrifier leur vie personnelle pour le travail. Il est nécessaire de revaloriser notre métier, principalement à travers la rémunération. Pour les attirer vers ce secteur, il y a un travail à faire avec le gouvernement et les syndicats. Avec mon groupe de travail, on va tenter de trouver des solutions concrètes, notamment pour baisser les charges, qui sont extrêmement élevées dans la restauration.

Selon vous, les restaurateurs sont-ils les grands sacrifiés de la pandémie ?

On a clairement été montrés du doigt. Un an de fermeture, cela fait réfléchir. On se demande «pourquoi nous ?», alors que les gens continuent de prendre les transports en commun, en étant collés les uns contre les autres. Sans compter que l’on connaît très bien les mesures d’hygiène dans notre profession. Malgré tout, on nous a dit de fermer et on a pris une droite en pleine figure.

Cette crise sanitaire a-t-elle favorisé les grandes chaînes au détriment des restaurateurs indépendants ?

De la petite crêperie aux restaurants trois étoiles, tout le monde a été touché de plein fouet par la pandémie. Les grandes chaînes n’ont pas été favorisées. Au contraire, les problèmes sont souvent proportionnels à la taille de l’entreprise.  

Pouvez-vous nous parler de l’opération «99 Jours de Design» menée par Vistaprint, et à laquelle vous êtes associé ? 

Vistaprint a lancé l'opération «99 Jours de Design», une initiative mondiale visant à doter 99 petites entreprises du monde entier d’un soutien financier et de nouvelles identités graphiques. En France, le programme permettra à 10 restaurateurs de bénéficier chacun d’un don de 10.000 euros et d’un accompagnement dédié pour leur créer une nouvelle identité de marque (nouveau logo, nouvelle charte graphique), ainsi qu’un  ensemble de supports marketing (nouvelles cartes de visite, nouveaux menus …).

Etes-vous optimistes pour cet été ? Ne craignez-vous pas une baisse de la fréquentation due au manque de touristes ?

Je pointe souvent les problèmes, mais pour cet été, je suis optimiste. Personnellement, j’ai toujours privilégié la clientèle française et locale. Cependant, il est vrai que beaucoup misent essentiellement sur les touristes étrangers et ils vont manquer. Mais les touristes français vont répondre présents.

Le risque d’un quatrième vague à la rentrée plane sur la France, notamment en raison du variant Delta. De nouvelles restrictions pourraient potentiellement entrer en vigueur si la situation sanitaire se dégrade fortement. Et les bars et les restaurants ont été les premiers à fermer lors des vagues précédentes.... Etes-vous inquiet ?

Quand on a rouvert, il y avait un engouement incroyable. Toutefois, la prudence reste de mise. Je n’y croyais pas une seule seconde au deuxième confinement, cela a été un choc. Donc aujourd’hui je m’attends à tout. Il faut rester très vigilants et continuer de respecter les gestes barrières.

Pour éviter des tours de vis, l’arme ultime reste la vaccination…

Au départ, j’étais très sceptique. Finalement, j’ai décidé de me faire vacciner. Pour vivre en collectivité il faut passer par là, disent les experts. J’ai envie d'y croire. Mais la vaccination doit rester un choix pour tout le monde. 

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