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Paris : le plan crack qualifié de «dispositif dépassé», une «phase 2» en préparation

Lancé en 2019, le plan crack est un «dispositif désormais dépassé». C'est en tout cas l'une des conclusions d'un audit flash réalisé conjointement par la chambre régionale des comptes (CRC) et la Cour des comptes. Une nouvelle version serait actuellement en préparation.

«Il apparaît urgent de tirer les enseignements d'un dispositif désormais dépassé», écrit ainsi la Chambre régionale des comptes (CRC) d'Ile-de-France dans son audit.

Au moment de son lancement, le plan crack avait été présenté comme le début d'une solution globale pour prendre en charge les toxicomanes parisiens en grande déshérence, marginalisés et la plupart du temps sans-abri.

Il avait été établi en réunissant tous les acteurs concernés, de la mairie de Paris jusqu'aux préfectures de région et de police, en passant par le parquet de Paris, l'Agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France et la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca).

Un bilan mitigé

Un bon début, et des moyens importants déployés notamment grâce à une enveloppe de 9 millions d'euros au départ, qui n'auront pas suffi. Trois ans plus tard, la CRC tire en effet un bilan mitigé de cette mission inédite et commune aux acteurs locaux, régaliens et sanitaires, dont le budget a finalement explosé pour atteindre 25 millions d'euros.

«Le plan a produit des résultats réels mais partiels et sans effet sur les atteintes à la tranquillité publique», résume-t-elle, alors que le problème de la prise en charge des centaines de toxicomanes qui vivent à la rue, ballotés au gré des évacuations, est toujours aussi prégnant.

Pour autant, tout n'est pas à déplorer dans ce plan crack, qui aura au moins permis, selon Christian Martin, le président de la CRC francilienne, de débloquer «de l'argent qui a été utilement dépensé». Au total, 70 % du budget a de fait servi à la création de 440 places d'hébergement d'urgence afin de sortir de la rue ces grands addicts au crack.

Une politique d'hébergement d'urgence – accélérée par le premier confinement au printemps 2020 – qui s'avère plutôt gagnante, puisque, selon le rapport, «une petite majorité de consommateurs hébergés et accompagnés réussissent à réduire leur consommation de stupéfiants». Les 30 % restants du budget ont quant à eux permis de renforcer les maraudes des associations.

Enfin, la CRC pointe du doigt l'abandon de la «logique de parcours» de soin, qui devait permettre de sortir les usagers des hôtels sociaux, faute d'avoir créé les lits médicalisés promis. L'espace de repos conçu pour les usagers de la Colline du crack n'a par exemple jamais trouvé son public, car ce campement proche du périphérique a été démantelé à la veille de son ouverture. Au final, seules deux salles de ce type sur les six prévues ont été créées, mais n'ont jamais ouvert la nuit.

Elle regrette également l'implication insuffisante de la police et la justice dans cette stratégie, qui n'intégrait pas la lutte contre le trafic comme objectif direct. Et ce, alors qu'il est pour beaucoup l'élément essentiel pour endiguer la consommation de rue. Depuis trois ans, la préfecture de police et le parquet de Paris ont donc mené ce combat séparément, en contrecarrant parfois l'action de leurs partenaires sanitaires.

«Une phase 2 du plan crack»

Les pouvoirs publics travaillent sur «une phase 2 du plan crack», a fait savoir Emmanuel Grégoire, le premier adjoint à la mairie de Paris, expliquant que la ville veut désormais se concentrer sur «l'hébergement et l'ouverture de lieux de repos avec des amplitudes horaires les plus larges possibles», quitte à «mettre de côté pour le moment le sujet» des salles de consommation, rebaptisée Haltes soin addiction (HSA) par Olivier Véran.

Selon le premier adjoint, ce n’est d'ailleurs «pas anodin» que cette nouvelle terminologie choisie par le ministre de la Santé écarte la partie «consommation». L'élu parisien estime en effet que la «consommation supervisée n’est pas le sujet central prioritaire» et assure qu'il faut «sortir de cette obsession». Et d'affirmer : «nous allons attendre le débat parlementaire qui viendra préciser le contour exact» de ces futures haltes, mais ce sera «une décision du gouvernement, et non de la maire de Paris». «Il n’y aura pas de nouvelle salle, sans l'aval du gouvernement», a-t-il conclu.

Mais les choses n'avancent pas vite, et pourraient se trouver bloquées par le calendrier politique. «La grande question», estime justement la déléguée générale de la Fédération Addiction, Nathalie Latourt, «c'est d'arriver à faire bouger les choses avant les élections présidentielles, sur ce sujet qui demande pragmatisme et cohérence».

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