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L'édito de Paul Sugy : «Une lassitude démocratique déjà palpable ?»

Dans son édito de ce jeudi 30 décembre, Paul Sugy, journaliste au Figaro, se penche sur le risque d'une forte abstention à l'élection présidentielle.

Comme le relevait mon confrère Jean Cittone hier dans les colonnes du Figaro, en plus des 6 % environ des électeurs qui ne sont tout simplement pas inscrits sur les listes, plusieurs millions de Français seraient en outre «mal-inscrits», c’est-à-dire notamment inscrits sur des listes électorales de leur ancienne commune de résidence. En tout, près de 10 % du corps électoral ne serait pas, ou serait mal-inscrit, d’après un sondage de l’institut BVA.

Pourtant la procédure est désormais davantage automatisée et un fichier unique des inscriptions sur les listes électorales a été créé pour simplifier les choses ; on a en outre jusqu’à six semaines avant l’élection (soit jusqu’au 4 mars prochain) pour corriger son inscription sur les listes électorales, alors qu’avant la procédure s’arrêtait au 31 décembre.

Et surtout, pour qu’on ne puisse pas dire que le gouvernement reste les bras ballants devant ces chiffres préoccupants, Marlène Schiappa l’a redit hier avec force : cette année, les électeurs auront… un QR code. Je ne sais pas trop ce que ça change, mais bon c’est quand même l’outil de gouvernance préféré de l’excutif en ce moment, autant dire que cela signifie qu’ils ont mis les gros moyens.

Du reste une question, que je lance à la cantonade, avant que des tas de personnes beaucoup plus intelligentes m’expliquent que c’est parfaitement impossible et inimaginable, mais enfin j’aurais essayé : pourquoi est-ce qu’un jour, pour des élections nationales, on ne pourrait pas voter dans n’importe quel bureau de vote en France, plutôt que d’être obligé de se rendre dans celui où l’on est inscrit ? Si le fichier électoral est déjà unique et dématérialisé, est-ce si difficile ?

L’abstention a déjà atteint des records aux élections précédentes : des causes plus structurelles ?

Espérons que ce soit d’abord l’effet démobilisateur de ces scrutins locaux ou européens qui, parce qu’ils sont moins bien compris des électeurs, suscitent un élan démocratique moindre !

Mais pour comparer avec ce qui est comparable revenons déjà à la dernière élection présidentielle : si l’on additionne l’abstention avec les votes blancs ou nuls, au total, près d’un électeur sur deux n’a voté ni pour Emmanuel Macron ni pour Marine Le Pen. C’est dire si l’abstention est sans doute en partie liée à des questions de casting : les électeurs ne se reconnaissent plus toujours dans les candidats soumis à leurs suffrages.

Preuve en est d’ailleurs que le vote extrême n’est plus un rempart contre l’abstention : la gauche le sait déjà, qui est la première et la plus grande victime du jeu de l’abstention différentielle. Ses électeurs ont déserté les urnes, en particulier les plus jeunes d’entre eux. Non pas qu’il n’existe plus une jeunesse de gauche, mais elle a versé dans une vie politique parallèle à trop la flatter dans son mépris pour les institutions, les partis de gauche l’ont convaincue que le vote était un acte politique de second plan. La gauche se pense d’abord dans la ZAD plutôt que dans l’isoloir.

En outre le RN en a fait les frais lors des dernières régionales : ses électeurs ont boudé le vote, preuve que leur refus de consentir au système politique actuel s’exprime désormais dans l’abstention au moins aussi bien que dans le choix d’une candidate faisant écho à ce rejet.

Il y a sans doute des raisons plus profondes liées à l’exercice du pouvoir et à ce qu’en font ceux qui l’occupent ! Là bien sûr les opinions divergent. Libé écrivait hier que c’est l’esprit de caste, l’enfermement des dirigeants politiques dans un entre-soi insensible aux intérêts de ceux d’en-bas, qui conduit les Français à juger que leur vote n’a plus d’importance. À droite on juge plutôt que c’est l’impuissance de l’État et la faiblesse de ses dirigeants qui décourage les électeurs.

Sans doute les deux ont-ils raison, et c’est ce paradoxe, précisément, qui crée une telle lassitude démocratique : l’impression que la verticalité de l’État, son autorité arrogante et qui confine parfois au mépris du peuple, n’en rend pas moins celui-ci incapable de prendre à bras le corps les crises qu’il traverse.

Un exemple (il y en aurait mille autres), cette crise sanitaire qui a conduit les princes ou leurs conseillers à multiplier leurs harangues parfois humiliantes à l’égard de leurs sujets, croyant tout savoir, tout prédire, et mobilisant sans trembler la force publique à l’appui de leurs oukases liberticides, sans que pour autant la situation de l’épidémie aujourd’hui ne soit meilleure qu’hier…

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