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Violences sexuelles sur mineurs : le gouvernement annonce des mesures face à la «souffrance extrême» des victimes

D'après le rapport de la Ciivise, les victimes de violences sexuelles dans l'enfance présentent des séquelles multiples et douloureuses à l'âge adulte. [Unsplash/Caleb Woods]

Le gouvernement a annoncé des mesures spécifiques pour lutter contre les violences sexuelles sur mineurs. Elles s'appuient sur les recommandations de la Commission inceste.

En France, 1 personne sur 10 a été victime d'inceste ou de violences sexuelles durant l'enfance. Dans un rapport rendu ce mercredi 21 septembre, la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) montre les séquelles dévastatrices de ces abus sur les victimes, jusque dans leur vie d'adulte. En réaction, le gouvernement a annoncé de nouvelles politiques publiques pour protéger les mineurs.

Pour lutter contre ces violences, le premier axe de travail est celui de la prévention. L'exécutif prévoit ainsi «une grande campagne nationale» sur le sujet, afin de faire connaître les «manifestations et conséquences» des violences sexuelles faites aux enfants, ainsi que les recours disponibles.

Pour pouvoir intervenir le plus tôt possible, il est aussi indispensable d'améliorer le repérage des victimes ou des situations à risque. «Les adultes doivent mieux repérer les signaux et, le cas échéant, faire part de leur doutes, avant même d'avoir des certitudes», affirme la secrétaire d'Etat à l'Enfance, Charlotte Caubel, interrogée par Le Figaro.

Cela passe notamment par le renforcement de la formation des professionnels de la santé autour de la détection active des maltraitances. Les soignants, maîtres d'école, professeurs de sport doivent «se poser systématiquement la question» des violences sexuelles, insiste Charlotte Caubel. «Quand un enfant est violent, que des signaux font craindre une situation de prostitution ou encore qu'il est isolé, c'est une grille de lecture qu'ils doivent avoir en tête.»

Pour guider ces professionnels dans leur mission, le gouvernement va créer «une cellule d'appui». Elle s'adressera à tous ceux «qui ont des doutes ou sont confrontés à des révélations» et leur permettra d'échanger avec des experts qui les aideront à transmettre ces informations.

En parallèle, la secrétaire d'Etat à l'Enfance souligne l'importance d'aborder «le sujet de l'intimité et du respect du corps» à l'école. Le programme scolaire prévoit trois séances d'«éducation sexuelle et affective» chaque année mais, dans les faits, elles sont rarement dispensées.

Le retrait de l'autorité parentale

Pour lutter contre les violences sexuelles faites aux enfants, le gouvernement veut également intervenir au niveau judiciaire. Une «modification législative» va être déposer au Parlement pour permettre «le retrait de principe de l'exercice de l'autorité parentale en cas de condamnation d'un parent pour violences sexuelles incestueuses sur son enfant».

A l'heure actuelle, «certains agresseurs en prison peuvent conserver l'autorité parentale», explique Isabelle Aubry, présidente de l'association Face à l'Inceste. Cela leur donne notamment le droit de «refuser que leur enfant aille en psychothérapie, subisse des interventions médicales, change d'école».

Avec cette modification législative, le retrait de l'exercice de l'autorité parentale sera automatique, mais une juridiction pourrait exceptionnellement le refuser en le motivant. Isabelle Aubry juge cette mesure «dérisoire» puisqu'il y a «peu de condamnations».

«Il faudrait que l'autorité parentale soit automatiquement suspendue dès le dépôt de plainte, estime-t-elle. Car la procédure peut durer des années et l'enfant reste sous l'influence de son agresseur, subit violences et menaces, n'ose plus parler. L'enquête n'avance pas et on va vers un non-lieu et un classement sans suite.»

Pour faciliter le parcours de l'enfant tout au long du processus pénal, le gouvernement souhaite poursuivre le déploiement des Unités d'accueil et d'écoute pédiatriques (Uaped). Selon Charlotte Caubel, 63 départements sont aujourd'hui «pourvus de ces unités», l'objectif étant que tous en dispose d'ici à début 2024. Les médecins, psychologues et enquêteurs qui font vivre ces structures permettent d'entendre la victime dans la confiance et la sécurité, en lui évitant d'avoir à répéter son témoignage, source d'angoisse, à chaque étape de la procédure.

Enfin, les mesures annoncées prévoient également le renforcement de l'accompagnement de l'enfant par les «associations d'aide aux victimes et avec l'intervention d'un administrateur ad hoc». Il s'agirait d'un professionnel dont la mission est de représenter et défendre la victime mineure.

L'ensemble de ces décisions s'inspire des recommandations faites par la Ciivise, qui s'est «réjouie d'avoir été entendue». La Commission a publié ce mercredi son rapport sur les séquelles des victimes de violences sexuelles dans l'enfance, issu de l'appel à témoignages lancé il y a un an.

Des séquelles dévastatrices

«Ce qui saute aux yeux en lisant les mails reçus, c'est l'expression de la souffrance, une souffrance extrême et qui dure. Ce n'est pas penser à quelque chose de douloureux qui s'est passé il y a longtemps, c’est l'éprouver aujourd'hui», explique le juge Edouard Durand, coprésident de la Ciivise.

Les 16.414 témoignages reçus évoquent «presque toujours» des conséquences «sur leur vie intime à l'âge adulte, leur couple, leur vie de parent, leur sexualité». Quatre femmes sur dix rapportent des douleurs, principalement du vaginisme, et près d'un homme sur trois souffre de troubles de l'érection.

De nombreuses victimes de violences sexuelles dans l'enfance parlent aussi d'un refus de la parentalité, notamment de peur de reproduire les agressions sur leur propre enfant. Les abus subis ont aussi un impact sur leur santé en tant qu'adulte puisque la grande majorité d'entre elles ont «développé des comportements à risque», tels que des troubles alimentaires, des addictions, de l'agressivité ou même des tentatives de suicide.

Pour tenter d'accompagner au mieux ces adultes dont l'enfance a été meurtrie, le gouvernement réfléchit à «un parcours complémentaire ou alternatif au processus judiciaire pour permettre une autre forme de reconnaissance» ainsi qu'un «accompagnement psychologique».

Charlotte Caubel développe : «L’Assurance-maladie prend déjà en charge des soins pour des victimes d’infractions sexuelles. Peut-être que ce dispositif pourrait être élargi aux victimes d’inceste en dehors d’une décision de justice ou quand les faits sont prescrits».

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