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Paris : la municipalité interpelle le gouvernement sur la question épineuse des «dark stores»

Une centaine de «dark stores» serait aujourd'hui implantés dans Paris. Une centaine de «dark stores» seraient aujourd'hui implantés dans Paris. [© CNEWS]

Ce mercredi 18 janvier, la municipalité parisienne déplore de ne plus avoir de nouvelles du gouvernement, qui avait annoncé le 6 septembre dernier l'arrivée prochaine d'un décret pour que les «dark stores» ne puissent pas être considérés comme des «commerces» mais bien comme des «entrepôts».

Emmanuel Grégoire s'impatiente. Le premier adjoint à la mairie de Paris, engagé depuis plusieurs mois contre le déploiement anarchique des «dark stores» et des «dark kitchens» dans Paris, veut aller plus vite, et enjoint au gouvernement d'accélérer sur la question. Auditionné à l'Assemblée nationale à ce sujet ce mercredi, l'élu socialiste entend défendre les intérêts de la Ville, car pour l'instant, «le projet de décret traîne», confirme-t-il.

Un décret retoqué ?

En septembre dernier, la ministre déléguée au Commerce Olivia Grégoire et le ministre délégué à la Ville Olivier Klein avaient en effet promis la publication d'un décret pour qu'il n'y ait «plus de flou» et pour qu'on sache «dans quel quartier les dark stores seront autorisés et dans quel quartier ils ne le seront pas». Et d'assurer que les entreprises qui n'auront pas effectué les changements de destination adéquats – pour ceux qui aimeraient donc installer un entrepôt dans un commerce – seraient donc en infraction et devraient «très probablement» fermer au terme de la procédure judiciaire.

«Cette copie nous convenait parfaitement», explique ce mercredi Emmanuel Grégoire, qui plaide depuis le début pour que les maires, notamment d'arrondissement à Paris mais aussi dans toute la France, puissent décider eux-mêmes de valider l'implantation ou non d'un «dark store» ou «dark kitchen» sur leur territoire. Sauf que le dossier traîne et le flou juridique profite toujours à ces nouvelles enseignes qui proposent de livrer des produits de grande distribution en un temps record, faisant concurrence aux commerces classiques.

Pire, le premier adjoint craint désormais que le gouvernement, contraint par le Conseil d'Etat, ne fasse machine arrière sur la question. Selon ses informations, l'institution publique – qui conseil l'Etat dans l'élaboration des lois – aurait en effet retoqué le projet de rendre obligatoires «les déclarations préalables de changement de sous-destinations». Si c'est bien le cas, cela signifie que les «dark stores» ne seront pas obligés de demander l'autorisation avant de s'implanter dans un local commercial.

Un échange rapide avec le gouvernement

Et l'élu de prendre l'exemple des sous-destinations pour les commerces de détails : «si un propriétaire veut faire un changement de destination pour transformer un restaurant, un commerce, un hôtel ou un cinéma, il doit faire une déclaration préalable auprès de la municipalité. C'est ensuite à la direction de l'urbanisme de la Ville de Paris que revient la décision de dire oui ou non». Sans cette obligation, Emmanuel Grégoire explique que ce sera «à la collectivité de vérifier a posteriori que le propriétaire respecte bien les règles» et donc dans le cas contraire, d'engager des poursuites contre lui.

Un tel process serait selon lui contreproductif, avec «beaucoup plus de méconnaissances» sur les changements de destination engagés "dans le dos" de la municipalité, qui serait alors obligée de lancer «des batteries de contrôles a posteriori». Avec le risque à ses yeux «que les propriétaires qui font de tels changements fassent des choses illégales sans en avoir conscience». Et de conclure : «nous souhaitons avoir un échange assez rapidement avec le gouvernement sur ce point».

L'affaire entre les mains de la justice

En outre, la municipalité parisienne tient d'autant plus à ce décret dans sa version initiale qu'il doit l'aider sur le plan judiciaire pour remporter la bataille juridique déjà enclenchée contre certaines enseignes. Fin septembre, le premier adjoint à la mairie de Paris avait annoncé avoir engagé près d'une cinquantaine de procédures contre les «dark stores» jugés illégaux, se basant sur des infractions au Code de l'urbanisme, avec l'envoi des premières amendes à Flink, Frichti ou encore à Gorillas.

Sauf qu'en octobre, ces derniers avaient remporté une première bataille judiciaire contre la municipalité parisienne, en obtenant la suspension de 9 procès-verbaux par le tribunal administratif, qui avait reconnu «l'intérêt public» de ces locaux. Pour la juge des référés, ils présentent en effet «un intérêt collectif» dans la mesure où ils permettent «d'optimiser en milieu urbain le délai et le mode de livraison» et donc de «diminuer le trafic de camions et le nombre de points de livraison dans Paris intra-muros».

Cette décision nous a «un peu étonné», concède Emmanuel Grégoire, qui rappelle que la municipalité s'est pourvue en cassation et assure que la parution tant attendue du décret du gouvernement dans sa version initiale les «aiderait dans ce contentieux». «On attend plutôt des bonnes nouvelles», espère-t-il, se disant prêt à soutenir «un toilettage législatif» – quitte à modifier la loi Alur – pour que celle-ci «n'autorise plus de changement de sous-destinations sans déclaration préalable».

«c'est une question de jours», selon le ministère

Du côté du cabinet de la ministre déléguée au Commerce Olivia Grégoire, on tient à clarifier la situation : «il y a un décret et un arrêté. Un décret relatif à la modification d'un certain nombre de sous-destinations d'urbanisme, qui dépasse le seul sujet des "dark stores" et un arrêté qui vise à définir le contenu de certaines sous-destinations». «Si on a bien réglé la question des "Dark Stores" début septembre, tout le reste devait néanmoins être discuté, et c'est ce qui a été fait», ajoute-t-on dans l'entourage de la ministre, confirmant que ces textes allaient être publiés «dans le courant de la semaine prochaine».

«Notre position» telle qu'exprimée en septembre «n'a pas bougé», assure le cabinet de la ministre, qui confirme donc que les «dark stores» seront bien considérés comme des «entrepôts» et non comme des «commerces». Pour autant, tout n'est pas réglé, puisqu'une nouvelle problématique s'est invitée à la table des discussions : celle des «drive piétons». L'enjeu étant en effet désormais de distinguer cette nouvelle forme de commerce, où les clients viennent chercher eux-mêmes leur commande dans un entrepôt sur rue doté d'un point de collecte, du «dark store» qui fonctionne via la livraison.

Mais «tout est bien d'actualité, ça a pris un peu plus de temps que prévu, ce qui arrive parfois avec les textes un peu techniques», se défend l'équipe d'Olivia Grégoire, qui semble tout de même moins inquiète que la municipalité parisienne sur le risque de voir les centres-villes être transformés par les «dark stores».

«Il y a des possibilités de contrôles qui sont quand même hyper poussés, surtout si vous avez un PLU [plan local d'urbanisme, ndlr] bien fait», poursuit cette source ministérielle, qui prend comme exemple les quartiers très résidentiels où il y a déjà des interdictions d'entrepôts, alors il y est «matériellement impossible» pour un «dark store» de s'y installer. Selon «des règles nationales prévues dans le Code de l'urbanisme».

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