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Un an après les législatives : Castaner, Blanquer, Valls… Que sont devenus les «perdants» des élections ?

Christophe Castaner, Jean-Michel Blanquer, et Manuel Valls, trois candidats de la majorité présidentielle, ont été éliminés des élections législatives 2022. [JOEL SAGET / AFP]

A l’issue des élections législatives de juin 2022, plusieurs personnalités politiques de premier plan ont été éliminées de la course à l’Assemblée nationale. Un an plus tard, si certains ont pris leurs distances avec la politique, d’autres ont saisi l’opportunité pour rebondir et entament leur retour sur le devant de la scène.

Une liste non-exhaustive. Ces sept personnalités politiques de premier plan ont toutes un point commun : ce sont les «grands perdants» des élections législatives de 2022. En effet, quelques semaines après la réélection d’Emmanuel Macron, et alors qu’ils occupaient des postes à responsabilité, Jean-Michel Blanquer, Richard Ferrand, Christophe Castaner, Guillaume Peltier, Sylvia Pinel, Manuel Valls ou encore Eric Zemmour ont tous été écartés de la vie politique, parfois pour de bon, parfois pour mieux revenir.

Jean-Michel Blanquer

Une énorme surprise. Lors des législatives de juin 2022, Jean-Michel Blanquer a été éliminé dans la quatrième circonscription du Loiret. L'ancien ministre de l'Education nationale et candidat à Montargis n'a obtenu que 18,89% des suffrages et n'a pas été qualifié pour le second tour. Il a été devancé par le candidat du Rassemblement national, Thomas Ménagé (31,45%), et le candidat communiste de la Nupes, Bruno Nottin (19,43%). Un résultat difficile à l'issue d'une campagne tout aussi compliquée pour l'ancien recteur d'académie, qui se présentait pour la première fois à une élection.

«Entre juin et septembre 2022, j’ai pris du recul, lu plus de romans que ­l’actualité. Ça m’a permis de savoir comment changer de registre. J’aurais aimé aller plus au cinéma, prendre de très grandes vacances… Je suis retourné en Colombie où j’ai donné deux conférences sur l’éducation», a-t-il confié à Paris Match.

Et pour cause, redevenu professeur à la faculté d’Assas, à Paris, l’ancien protégé du couple présidentiel a choisi de prendre ses distances avec le pouvoir, pour se consacrer pleinement à deux de ses passions : l’éducation et l’écologie. Après avoir repris un rythme de vie «normal», l’ancien ministre, qui avait aussi intégré le cabinet Earth Avocats, ambitionne de lancer sa propre association : «Terra-Academia» pour créer une quinzaine «d’écoles de la transition écologique» dans des villes moyennes françaises, puis dans le monde.

Richard Ferrand

De la lumière à l’ombre. Ce n'est pas une surprise mais un tremblement de terre qui est survenu dans le Finistère. Le président de l’Assemblée nationale, ténor de la politique et membre de la «garde rapprochée» du président de la République, Richard Ferrand a perdu, dimanche 19 juin, au second tour des élections législatives dans la 6e circonscription face à la candidate socialiste de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), Mélanie Thomin. Un coup dur pour Emmanuel Macron, qui perdait là un des premiers élus à l’avoir soutenu en 2016.

C’est donc une nouvelle vie qui a commencé pour Richard Ferrand. Libéré d’un poids, avec la fin des poursuites judiciaires dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne, la Cour de cassation ayant confirmé la prescription pour le délit de «prise illégale d’intérêt», Richard Ferrand s’est trouvé libre d’écrire un nouveau chapitre de sa vie, et s’est naturellement tourné vers le privé et les cabinets de conseil, bien aidé par son immense réseau, bâti au fil des années d’une longue carrière politique.

Toutefois, malgré d’apparentes distances, l’ancien quatrième personnage de l’Etat n’est jamais resté bien loin du pouvoir. Aujourd’hui encore, des députés l’appellent pour lui demander conseils, il voit aussi des ministres et participe à des réunions. Surtout, il demeure à la table des discussions stratégiques : un dîner à l’Elysée sur les retraites, un autre consacré à la création de Renaissance. Il a par exemple échangé avec la Première ministre Elisabeth Borne à la veille de son discours au séminaire de rentrée de Renaissance, fin août 2022.

Si un poste de conseiller au palais lui a été proposé avec insistance, le Breton a refusé, ne souhaitant pas travailler sous l’égide d’Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Elysée, qui forme un duo inséparable avec Emmanuel Macron. Dès lors, Richard Ferrand a choisi l’ombre à la lumière et demeure un conseiller spécial du président, mais sans le titre. Comme un symbole, il a d’ailleurs conservé un bureau à l’Assemblée nationale.

Christophe Castaner

Il s’en est fallu de peu. Environ 900 voix auront manqué à Christophe Castaner, qui a finalement perdu son pari d’être reconduit dans son fief des Alpes-de-Haute-Provence. Il a été battu à 48,5%, contre 51,5% pour son adversaire, Leo Walter, candidat Nupes. Après avoir été maire de la commune de Forcalquier pendant 16 ans, secrétaire d’Etat, président du groupe LREM à l’Assemblée nationale, et surtout ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner a décidé, lui aussi, après sa défaite, de mettre un terme, dans l’immédiat, à sa carrière politique.

C’est un échec pour ce très proche du président de la République, qui a sans doute payé cher son passage par le ministère de l’Intérieur. Depuis, le sudiste n’a pas perdu de temps. Après avoir un temps été nommé membre du conseil de surveillance du grand port maritime de Marseille, puis son président, il a finalement été nommé, par décret du président de la République Emmanuel Macron, président du conseil d’administration de la société concessionnaire «Autoroutes et tunnel du Mont-Blanc».

Moins tiraillé par son agenda, Christophe Castaner a donc eu le temps d’écrire des haïkus, de courts poèmes japonais en trois vers, dont certains sont postés sur son compte Instagram. Sait-il de quoi son avenir sera fait ? «Oui, je pense. Mais chaque chose en son temps», répond l’ancien ministre de l’Intérieur à Radio France, sans en dire davantage. De là à l’imaginer quitter la vie politique ? «Il prendra peut-être du recul, pense l’un de ses amis, mais il ne lâchera jamais définitivement, il a ça dans le sang.» 

Guillaume Peltier

Le grand remplacé. Comme un symbole, le député sortant Guillaume Peltier a appris son élimination dès le premier tour des législatives 2022 en direct sur TF1. Loin de la Sologne et de Souvigny, où il avait voté le matin même. Loin, surtout, de son arrivée à Neung-sur-Beuvron début 2013 quand le jeune sarkozyste de l’époque, largement battu l’année précédente aux législatives en Indre-et-Loire, avait jeté son dévolu professionnel et électoral sur la deuxième circonscription de Loir-et-Cher.

L'année 2022 fut donc une année noire, pour le transfuge de LR et désormais vice-président exécutif de Reconquête. Après avoir changé de bord politique pour rejoindre un candidat lourdement battu (7%) à l’élection présidentielle, et par ce biais, abandonné sa bonne position au sein de son ex-parti, le néo-zemmourien a également perdu son fief local, pourtant gagné à la sueur de son front quelques années plus tôt.

Aujourd’hui, s’il n’a pas quitté la politique, Guillaume Peltier se mure dans l’ombre, celle d’Eric Zemmour, mais aussi celle de son parti, qui ne fait plus autant parler de lui, et dont on dit en coulisse qu’il prépare «la contre révolution identitaire et radicale». L’heure est donc au rassemblement et à la reconstruction pour Guillaume Peltier, qui, comme son président, attend patiemment 2027 pour revenir sur le devant de la scène.

Sylvia Pinel

Encore une autre surprise de ce scrutin, cette fois-ci en Midi-Pyrénées. La députée sortante et ancienne ministre Sylvia Pinel (Parti Radical de Gauche) a été éliminée dès le premier tour. Arrivée en troisième position, elle n'a collecté que 20,19% des suffrages dans la 2e circonscription du Tarn-et-Garonne. Sylvia Pinel visait pourtant un 4e mandat avec le soutien du Parti socialiste. La gauche a perdu, de ce fait, une circonscription où elle dominait depuis 60 ans (à l'exception de deux parenthèses à droite entre 1993-1997 et 2002-2007).

Pour Sylvia Pinel, c’est plus qu’une déconvenue. Elue depuis 2007 dans son fief du Tarn-et-Garonne, l’ancienne ministre de l’Artisanat, du commerce, mais surtout du logement dans le gouvernement de Manuel Valls, sous la présidence de François Hollande, dont les Français retiendront l’héritage de la «loi pinel» qui demeure encore aujourd’hui, la porte-parole du Parti radical de gauche (PRG) n’a pas abandonné son secteur de prédilection.

Si la politique semble aujourd’hui derrière elle, Sylvia Pinel a accepté une mission bénévole pour accompagner le promoteur toulousain LP Promotion qui a décidé de devenir une société à mission. Cela revient à inscrire dans les statuts de la société une finalité d’ordre social ou environnemental, en l’occurrence construire des logements de façon plus vertueuse en limitant les émissions de carbone.

«Un promoteur qui se fixe de tels objectifs sur la décarbonation vers un logement plus durable a trouvé une résonance en moi. C’est pour moi une façon de continuer à servir la cause du logement pour tous en montrant que la construction sait être vertueuse», a réagi Sylvia Pinel. 

Manuel Valls

L’éternel revenant. Depuis sa défaite aux élections législatives de juin 2022 et son départ de la mairie de Barcelone, où il n'avait pas réussi à se faire élire maire, Manuel Valls se faisait discret. L'ancien Premier ministre, investi par la majorité dans la cinquième circonscription des Français de l'étranger (Espagne, Portugal, Monaco, Andorre) à la place du député LREM sortant, n'a pas franchi la barre du premier tour. Il n'a obtenu que 16,17% des suffrages, et est arrivé derrière le candidat sortant, issu de la Nupes, Stéphane Vojetta. Pourtant, il en fallait bien plus pour décourager Manuel Valls.

«Après trente ans d'engagement au plus haut niveau, je goûte à une vie apaisée avec ma femme Susana», a-t-il raconté dans une longue interview au Point. L'occasion d'assouvir ses passions, toujours en Espagne où il vit : «La musique, la lecture, la peinture». Manuel Valls confie aussi avoir vécu des moments pas faciles ces derniers mois : «La disparition d'un être cher, l'accident grave de l'un de mes fils ou le passage des 60 ans m'ont obligé à prendre le recul nécessaire», a-t-il ajouté. 

Quant à un retour en politique ? «Je ne suis candidat à aucun rôle», a-t-il répondu. Il se décrit comme «un spectateur engagé» et entend contribuer à la vie politique avec l'écriture et avec ses idées. Serait-il néanmoins tenté de rejoindre le mouvement de Bernard Cazeneuve, l'ancien Premier ministre, en vue de la présidentielle de 2027 ? «Il a raison de tenter quelque chose», se borne à répondre Manuel Valls, sans en dévoiler davantage. Finalement, interrogé sur les causes qui lui tiennent à cœur aujourd'hui, Manuel Valls répond : «L'Ukraine, la lutte contre l'antisémitisme et le soutien aux démocrates du Nicaragua».

Eric Zemmour

Après une année 2022 marquée par des échecs : d’abord en obtenant 7% des voix au premier tour de l’élection présidentielle, puis en connaissant un nouveau revers dans la quatrième circonscription du Var, le leader de Reconquête, Eric Zemmour, prépare patiemment son retour en politique avec en ligne de mire la présidentielle 2027.

Désireux de tirer les leçons de ses échecs et de prendre le temps de la reconstruction autour de piliers solides, Eric Zemmour est pour l'heure revenu à ses fondamentaux, à ce qui a fait la force de sa candidature en 2022 : les joutes médiatiques. Tel un ancien éditorialiste politique, le président de Reconquête ne manque pas une occasion de réagir sur l’actualité chaude du pays, afin de diffuser son message politique, et de préparer le terrain, à coup de prises de positions, pour construire un programme pour 2027.

En coulisse, Eric Zemmour serait déjà à l’œuvre pour préparer cette grande étape qui pourrait marquer un tournant dans sa carrière pour se détacher de sa «concurrente» d’extrême droite, Marine Le Pen, à qui il a toujours reproché de n’avoir jamais gagné l’élection présidentielle, malgré plusieurs tentatives. S’il a annoncé «faire campagne pour les européennes» de 2024, l’ancien polémiste en profite également pour transmettre ses idées avec des livres, puisqu’il a sorti son dernier ouvrage «Je n’ai pas dit mon dernier mot» (Rubempré, 2023) dont le titre est plus qu’évocateur quant à ses ambitions futures.

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