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Thomas Sotto : "Créer une intimité avec l'auditeur"

Depuis septembre dernier, Thomas Sotto est aux commandes de la matinale d’Europe 1. Tous les matins, de 6h à 9h, le journaliste s’adresse à plus de 3,3 millions d’auditeurs pour trois heures d’information, de dialogue et de convivialité. Rencontre.

 

Comment vous sentez-vous cinq mois après votre prise de fonction ?

Je me sens extrêmement bien parce que je m’amuse tous les matins. Et je pense qu’il est là, le secret d’une matinale. Avant de commencer, je me demandais comment j’allais faire pour me lever aussi tôt. Mais c’est une excitation de tous les jours. C’est une vie un peu monacale dans la semaine. Il faut avoir une rigueur que je n’ai pas par nature. C’est un travail d’autodiscipline. Tous les jours, j’ai une petite voix qui me dit "allez, laisse tomber la sieste". Et je me bats contre elle. Mais on a une très bonne équipe. Comme on dirait dans le football, je trouve que l’amalgame se fait entre les joueurs. On a du plaisir à se retrouver, et j’espère que cela s’entend.

 

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans cet exercice ?

C’est la matière première qu’est l’info. Tous les matins, c’est de la "neige fraîche". Et on s’en rend compte quand on regarde ensuite les éditions du 13H et du 20H, on se dit "tiens, ça on l’a fait". C’est très agréable. Et puis il y a cette espèce d’intimité créée avec l’auditeur qui est quelque chose de vraiment particulier, que je n’ai jamais connu à la télévision, et que je découvre en radio. Dans ce que vous disent les gens que l’on croise dans la rue, on sent qu’on rentre chez eux. On a une petite place dans la maison. Pour certains, on est dans leur salle de bains, pour d’autres, on les accompagne au petit-déjeuner. C’est quelque chose de très agréable, mais qui nous contraint aussi, parce qu’on n’aime pas avoir chez soi quelqu’un de pénible, notamment pour ceux qui auraient le réveil un peu grincheux.

 

Comment expliquez-vous votre succès avec 210 000 auditeurs depuis la rentrée ?

Le fondamental, c’est la rigueur dans l’info. Il faut que les auditeurs puissent se dire "quand j’écoute Europe 1 le matin, je sais qu’on ne me raconte pas des histoires". Après il y a des reliefs, des opinions, des points de vue, mais concernant l’info, il faut de la rigueur. Une fois qu’on a cela, on peut mettre de la convivialité, de la chaleur, de l’humeur, etc… mais d’abord de la rigueur. Il faut créer une relation de confiance, et je sais qu’elle est très longue à s’établir en radio. Mais aussi qu’elle peut se perdre très vite. C’est en cela que c’est un exercice exigeant. On remet la balle en jeu tous les matins.

 

 

Quel regard portez-vous sur ce fameux match des matinales généralistes ?

Je regarde ce que font les concurrents. J’ai des objectifs en tête. Après, je pense que, comme dans une course en athlétisme, si on regarde le couloir d’à côté, on perd du temps et de l’énergie, et ça ne sert à rien. On a choisi une ligne, une grille, et il faut qu’on gagne des auditeurs, mais pas en regardant ce qui se passe à côté. Il y a des bonnes matinales partout. Cela se joue sur pleins de petites choses, cette intimité, cette rigueur, sur les rythmes, etc… On gagnera des auditeurs en les séduisant avec ce qu’on fait, nous. Au quotidien, cela ne sert à rien de se dire "eux ils font ça, eux ils ont fait ça". Après, sur l’info brute, je peux vous dire qu’on s’écoute tous, tous les matins.

 

Vous gardez un œil sur la première marche du podium ?

Quand on court, on essaie toujours de courir le plus vite possible. Mais chaque chose en son temps. La première saison, et c’est ce que je dis depuis le début, il s’agit d’installer notre matinale. Je ne sais pas si j’y arriverais, mais j’ai envie d’être là dans la durée. Je pense que la matinale est quelque chose qui se construit sur la longueur. Et d’un point de vue strictement personnel, je crois qu’il n’y a pas autre chose que j’aimerai faire aujourd’hui dans mon métier de journaliste. C’est ce qui m’excite le plus. Alors oui, c’est hyper-exigeant, il faut que la carcasse tienne, il faut tenir physiquement, je ne vais pas vous dire que dans quinze ans j’y serais. Je n’en sais rien. Mais aujourd’hui, c’est un vrai plaisir.

 

Quelles sont vos objectifs à l’issue de cette première saison ?

Ce qui m’intéresse à la fin de la première saison, c’est qu’on puisse se dire qu’on a installé la grille. Pour le moment, les temps de passage sont bons. Les audiences ne m’ont jamais empêché de dormir. Je ne vous dis pas que je n’y pense pas, ce serait hypocrite et ce n’est pas vrai.

 

A la radio comme à la télévision, vous devenez incontournable. Cela ajoute-t-il de la pression ?

Il n’y a qu’un truc que je sais faire à peu près, c’est être moi-même. Ce n’est pas la peine de se mettre la pression. La pression, il faut la mettre sur le contenu. J’essaie toujours d’avoir un regard distancié sur tout ça, par exemple quand je vais sur le plateau de Capital (M6), j’ai l’impression d’être chez Emmanuel Chain. Et je me dis "qu’est-ce que je fais là ?". Je profite, je savoure. Cela durera ce que dure les roses, et j’espère que les roses sont de bonnes qualités. Sur un registre un peu plus personnel, j’ai eu des périodes difficiles dans ma vie, notamment un accident de scooter qui m’a fait connaître les centres de rééducation pendant un an et demie. Je ne dis pas que cela rend plus intelligent ou plus beau que les autres, mais moi, cela m’a mis un peu la tête sur les épaules. Si demain mes employeurs décidaient de me mettre dehors, j’en serais fort triste, fort marri, et sans doute dépité sur le moment. Mais je sais que la vie continue. Et quand les choses sont un peu plus compliquées, quand on est un peu plus fatigué et qu’on a coup de mou, je regarde mon fils dormir, et c’est le meilleur remontant. Tous les matins à 2h45, quand je pars, je vais dans sa chambre, je remonte sa couverture, et je lui fais un bisou. Et après cela, le reste… tout peut arriver.

 

Est-il difficile de s’habituer au rythme de travail qu’impose la matinale ?

C’est très dur. Parce qu’il faut fragmenter son sommeil, il faut accepter de réserver ses appels aux copains le week-end, et on vit avec une espèce de fatigue permanente. C’est vraiment particulier.

 

Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs, l’organisation d’une de vos journées-type ?

L’horloge ne s’arrête jamais. La veille, j’arrive à Europe 1 à 16h30. Là, on a déjà discuté un peu avant, on a à peu près défini les invités, donc je travaille là-dessus. On a ensuite une conférence de rédaction à 18h30. Je précise que je suis co-rédacteur en chef de la matinale avec Patrice Thomas, et c’est quelque chose qui m’importait beaucoup parce que je veux avoir la main sur ce que je fais. Je rentre chez moi entre 20h-20h30, je mets mon réveil à sonner pour 2h30 du matin. J’essaie d’être au lit vers 21h30.

Quand le réveil sonne, tout est très millimétré. D’ailleurs, pour éviter tout problème, j’ai trois réveils : un à 2h30, l’autre à 2h31 façon "Vigipirate renforcé", et enfin à 2h32 pour le "Vigipirate cramoisi", mais je risque de réveiller toute la maison donc mieux vaut l’éviter. Et je ne me rase plus jamais le matin (rire). Je suis à Europe 1 à 2h55 à peu près. Là, j’attaque la revue de presse pour le kiosque de 6h45. À 4h, conférence de rédaction avec les présentateurs où on décide des ouvertures pendant à peu près une demi-heure. Ensuite je termine d’écrire le reste, et à 5h57, je suis en studio pour lancer le teaser. Je conseille d’ailleurs à tout le monde d’écouter la météo de Laurent Cabrol qui gagne à être connue. Il est complètement dans un autre monde (rire). Tout s’enchaîne jusqu’à 9h15. On fait un petit débriefe avec toute l’équipe qui dure un quart d’heure. Puis, soit j’ai un rendez-vous après, soit je rentre me coucher vers 11h. Je dors jusqu’à 14h et puis rebelote.

 

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