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Une mutinerie met en lumière les abus dans les prisons russes

Un groupe de détenus sur le toit proteste sur le toit de la prison numéro 6 de Kopeïsk, le 25 novembre 2012 [Str / AFP]
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Les tensions persistaient lundi autour d'une prison de l'Oural où plus de 200 prisonniers se sont mutinés ce week-end pour dénoncer tortures et extorsions, mettant en lumière les abus régulièrement dénoncés dans le système pénitentiaire russe.

Environ 250 prisonniers, sur environ 1.500 incarcérés dans la prison numéro 6 de Kopeïsk, dans la région de Tcheliabinsk (centre de la Russie), se sont rebellés pour dénoncer des violences et des extorsions dont ils se disaient victimes de la part des gardiens, et exiger la libération de camarades placés à l'isolement.

Des dizaines de détenus sont montés sur le toit de la prison et ont déployé une banderole de fortune avec l'inscription "A l'aide!". Plusieurs centaines de personnes, apparemment des proches des prisonniers, se sont rassemblés devant la colonie pénitentiaire pour soutenir le mouvement.

Les forces anti-émeutes sont intervenues dans la nuit de samedi à dimanche pour les disperser, avec violence selon les défenseurs des droits de l'homme et des témoins interrogés à la télévision, parfois le visage tuméfié.

Le ministère de l'Intérieur a affirmé de son côté que huit policiers avaient été blessés dans des heurts, indiquant par ailleurs qu'une quarantaine de personnes avaient été interpellées.

La situation restait toujours tendue lundi autour de la prison, même si le Service fédéral russe pour l'exécution des peines (FSIN) affirmait dans un communiqué que la situation était "stable" et "sous contrôle" après l'intervention la veille de forces anti-émeutes.

Oksana Troufanova, défenseur des droits de l'homme sur place, a indiqué par téléphone à l'AFP qu'il y avait beaucoup de policiers autour du bâtiment et que les proches de détenus ne se dispersaient toujours pas.

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Des forces de l'ordre entourent la prison numéro 6 de Kopeïsk, où des détenus sont montés en haut de tours pour protester, le 25 novembre 2012
 

Le délégué local pour les droits de l'homme, Alexeï Sevastianov, avait indiqué pour sa part dimanche que plus de 200 détenus poursuivaient leur action par une "grève du sommeil et de la faim".

Ces événements ont mis en lumière les abus commis dans le système carcéral en Russie, qui compte au total environ 640.000 prisonniers pour une population de 143 millions d'habitants.

Selon Valeria Prikhodkina, une membre de la commission locale de visiteurs de prison, les problèmes dans la prison de Kopeïsk étaient connus depuis longtemps.

"Il y a eu des passages à tabac, une personne est morte dans la prison", a-t-elle raconté à l'AFP. "Nous avons des tas de preuves de détenus, de proches, sur des tortures, des humiliations, des extorsions d'argent", a-t-elle ajouté, affirmant que le parquet étouffait ces affaires.

Le délégué fédéral pour les droits de l'homme Vladimir Loukine a de son côté déclaré à l'agence Interfax ne pas être surpris par les événements, et disposer "de témoignages selon lesquels la corruption prospère (dans la prison, ndlr), et des proches de détenus sont victimes d'extorsions".

Le militant Valeri Borchtchev, lui aussi visiteur de prison, a affirmé que des abus étaient connus dans d'autres établissements, notamment dans la région de Rostov (sud de la Russie) et celle de Sverdlovsk (Oural).

En juillet, une centaine de détenus avaient effectué une grève de la faim et cinq s'étaient entaillé les veines dans une prison de haute sécurité de la région du Bachkortostan (sud), après le décès dans des conditions controversées d'un de leurs camarades.

Début novembre, le Conseil de l'Europe a dans son rapport annuel souligné que la Russie était toujours le dernier Etat membre à s'opposer systématiquement à la publication de rapports sur la torture dans ses prisons.

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Un groupe de détenus sur le toit proteste sur le toit de la prison numéro 6 de Kopeïsk, le 25 novembre 2012
 

Dans son dernier rapport annuel, l'ONG Amnesty International a souligné que malgré certains progrès, la torture et les autres mauvais traitements étaient toujours pratiqués de manière courante en Russie.

"Les troubles à Kopeïsk et dans d'autres prisons montrent que le goulag (système des camps de détention créé à l'époque stalinienne, NDLR) existe toujours en Russie", écrivait lundi le quotidien Vedomosti.

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