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Le Honduras entre doute et espoir sur une trêve entre gangs

Une Hondurienne dans lun quartier de Tegucigalpa contrôlé par les gangs Mara, le 31 mai 2013 [Orlando Sierra / AFP] Une Hondurienne dans lun quartier de Tegucigalpa contrôlé par les gangs Mara, le 31 mai 2013 [Orlando Sierra / AFP]

L'espoir le dispute au scepticisme au Honduras, pays d'Amérique centrale affichant le record mondial du nombre d'homicides par habitant, quelques jours après que les dirigeants des deux principaux gangs qui terrorisent le pays ont demandé pardon et affiché leur volonté de parvenir à une trêve.

En début de semaine, les chefs incarcérés de ces deux "pandillas" - la "Mara Salvatrucha" (MS-13) et la "Mara 18" (M-18) - sont séparément intervenus devant la presse pour "demander pardon devant Dieu à la société", a notamment déclaré un dirigeant de la MS-13, identifié sous le nom de Marcos.

Les chefs des deux groupes s'exprimaient depuis le Centre pénitentiaire de San Pedro Sula, la 2e ville du Honduras, à 240 km au nord de la capitale, en présence de médiateurs, l'évêque auxiliaire de cette ville, Mgr Romulo Emiliani, et le représentant de l'Organisation des Etats d'Amérique (OEA), Adam Blackwell.

Des policiers honduriens en patrouille dans une zone de Tegucigalpa contrôlée par les gangs, le 31 mai 2013 [Orlando Sierra / AFP]
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Des policiers honduriens en patrouille dans une zone de Tegucigalpa contrôlée par les gangs, le 31 mai 2013

En plus de leurs excuses pour les crimes et délits commis, ils ont affirmé leur volonté de parvenir à une trêve, à l'image de celle mise en place l'année dernière au Salvador voisin et qui a permis de diviser par trois le nombre d'homicides, selon les autorités salvadoriennes.

Dans les rues de la capitale Tegucigalpa, Federico Aguilar, 56 ans, considère que les "pandillas" locales "méritent une opportunité", bien que les extorsions aient quasiment acculé à la faillite son magasin d'alimentation.

"Ce sont des jeunes qui peut-être méritent une opportunité et je crois qu'il faut les écouter. Le mal qu'ils ont fait peut se rattraper", affirme à l'AFP le commerçant, assis derrière son petit bureau au deuxième étage de son magasin, le Mercadito Popular, à proximité du stade.

Désignant les étagères vides de son commerce, il raconte comment il s'est fait extorquer: la première fois, une femme l'a appelé au téléphone et lui a passé un homme qui a exigé l'équivalent de 200.000 dollars.

Le commerçant Federico Aguiar dans son magasin à Tegucigalpa le 31 mai 2013 [Orlando Sierra / AFP]
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Le commerçant Federico Aguiar dans son magasin à Tegucigalpa le 31 mai 2013

La femme "m'a montré des photos de mes enfants dans différents lieux sur un portable et j'ai dû négocier. J'ai effectué en un an trois versements de 12.500 dollars", explique M. Aguilar, dont les mésaventures ont été relatées, sous sa véritable identité, dans la presse locale.

Deux mois plus tard, deux hommes à moto sont venus lui réclamer "un impôt de guerre" de 250 dollars par mois. Jusqu'à ce qu'en mai, au bout du rouleau, le pistolet sur la tempe, il lance à ses rançonneurs: "Tuez-moi, tuez-moi, s'il vous plaît, je n'en peux plus". Ils sont partis, pour ne jamais revenir.

Mais d'autres habitants se montrent plus dubitatifs que lui sur les intentions des "pandilleros".

Susana Hernandez, 44 ans, a vu son voisin, également propriétaire d'un commerce, se faire tuer d'une balle dans la tête pour avoir refusé de payer "l'impôt de guerre" à la M-18, assure-t-elle.

Elle-même épicière dans la "rue de la mort" - une rue piétonne surnommée ainsi en raison de plusieurs meurtres commis ici par la M-18 - Susana affirme "ne croire que ce qu'(elle) voit". Une trêve, "ce serait bien, mais... nous sommes incrédules; moi, ceux de la 18 m'ont pris 300 lempiras (15 dollars) par semaine".

Une petite Hondurienne dans un quartier de Tegucigalpa contrôlé par les gangs, le 31 mai 2013 [Orlando Sierra / AFP]
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Une petite Hondurienne dans un quartier de Tegucigalpa contrôlé par les gangs, le 31 mai 2013

Mais ces promesses de cessez-le-feu "pourraient être un espoir pour le Honduras s'ils sont sincères", poursuit-elle depuis derrière les barreaux qui protègent sa fenêtre.

Mgr Romulo Emiliani, a écarté vendredi l'éventualité d'une trêve mais a souligné que les deux groupes avaient formulé "une déclaration de principe de réconciliation avec Dieu, avec la société, avec le gouvernement et la police".

"Peut-être qu'ils ne sont pas sincères. Ce qui se passe, c'est qu'ils ont de l'argent, des taxis, des bus, des épiceries, des maisons... Peut-être qu'ils veulent tout blanchir", indique pour sa part Santos Herrera, un professeur d'informatique de 24 ans, qui résume le scepticisme de beaucoup.

Selon l'ONU, le Honduras détient le taux d'homicides le plus élevé du monde avec 85,5 meurtres pour 100.000 habitants par an. Le pays est une voie de transit majeure pour la drogue d'Amérique latine vers les Etats-Unis.

Les M-18 et MS-13 sont des groupes criminels spécialisés dans l'extorsion de fonds et le trafic de drogue. Extrêmement violents et très actifs au Honduras, au Guatemala et au Salvador voisins, ils sont constitués de dizaines de milliers de membres - souvent très jeunes - reconnaissables à leurs nombreux tatouages.

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