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En Indonésie, la première mine d'or au monde fait polémique

Vue de la mine d'or de Grasberg, le 16 août 2013 en Papouasie indonésienne [Olivia Rondonuwu / AFP] Vue de la mine d'or de Grasberg, le 16 août 2013 en Papouasie indonésienne [Olivia Rondonuwu / AFP]

Grasberg, la plus importante mine d'or au monde en terme de réserves, suscite la polémique en Indonésie, au moment où son exploitant Freeport-McMoRan renégocie sa licence d'exploitation: généreux investisseur pour les uns, il est pour d'autres une icône du néo-colonialisme.

Dans les cimes enneigées des hauts plateaux de la Papouasie indonésienne, les tribus indigènes de Grasberg chassent encore à l'arc, vêtues de leur seul "koteka" (étui pénien).

A quelques mètres, des machines gigantesques truffées d'électronique attaquent une montagne culminant à plus de 4.000 mètres, illustrant le gouffre qui existe entre la multinationale américaine et les régions d'où elle tire sa richesse.

L'air est rare à cette altitude, et les ouvriers ont le souffle court, mais le minerai est abondant: la mine de Grasberg est assise sur "l'une des plus grandes réserves exploitables de cuivre et la plus importante réserve d'or au monde", a indiqué le géant américain Freeport-McMoRan à l'AFP, l'un des rares médias étrangers autorisés à visiter le site.

Vue de la mine d'or de Grasberg, le 16 août 2013 en Papouasie indonésienne [Olivia Rondonuwu / AFP]
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Vue de la mine d'or de Grasberg, le 16 août 2013 en Papouasie indonésienne

Jusqu'à 250.000 tonnes de minerai sont extraits chaque jour de l'immense puits à ciel ouvert qui a été creusé au coeur de la montagne.

La compagnie est maintenant engagée dans de rudes négociations avec l'Etat indonésien pour obtenir la reconduction jusqu'en 2041 de sa licence d'exploitation, qui s'achève en 2015.

Les discussions sont d'autant plus délicates que l'Indonésie entre en période électorale et que les hommes politiques réclament des compagnies étrangères qu'elles partagent davantage leurs profits avec le pays.

Sous le régime Suharto, qui s'est achevé en 1998, la compagnie Freeport bénéficiait de nombreux privilèges. Mais quinze ans plus tard, l'Indonésie en forte croissance devient une démocratie plus sûre d'elle et réclame des comptes aux multinationales qui exploitent ses ressources naturelles.

Le "nationalisme des ressources" a été à l'origine de lois ou projets de loi exigeant des étrangers qu'ils cèdent le contrôle de leurs exploitations aux Indonésiens, qu'ils paient plus d'impôts ou encore qu'ils construisent sur place des fonderies au lieu d'exporter le minerai brut pour partager avec le pays la valeur ajoutée.

"Le sentiment est que Freeport s'est beaucoup servi mais n'a que peu partagé dans sa région", souligne une source anonyme au sein du gouvernement, proche des négociations.

Des employés de la mine d'or de Grasberg, le 15 août 2013 en Papouasie indonésienne [Olivia Rondonuwu / AFP]
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Des employés de la mine d'or de Grasberg, le 15 août 2013 en Papouasie indonésienne

Face aux critiques, Freeport répond qu'il a fait beaucoup pour l'Indonésie depuis le début des opérations à Grasberg en 1972.

Il dit avoir construit dans la région de la mine un aéroport, un port, une route de 119 km, un hôpital, une école...

Et Grasberg est le premier contribuable du pays, versant plus d'un milliard de dollars dans les coffres de Jakarta.

La mine a généré en 2012 pour 4,1 milliards de dollars de recettes (trois milliards d'euros), selon les chiffres du groupe.

Pourtant, Grasberg cristallise depuis longtemps tous les mécontentements. Les organisations écologiques l'accusent de détruire une des dernières jungles de la planète. Et les Papous, dont une frange lutte pour l'indépendance, d'exploiter la population locale.

"Malgré plus de 40 ans de présence de Freeport en Indonésie, les tribus de la région continuent à vivre nues", accuse Juli Parorrongan, porte-parole du syndicat des employés de Freeport.

"Dans une région au coeur de la réussite de Freeport, la plupart des travailleurs continuent à vivre dans la pauvreté", déclare le président du même syndicat, Sudiro qui, comme beaucoup d'Indonésiens, ne porte qu'un seul nom.

La mine avait déjà été paralysée en 2011 par une grève dure de trois mois, durant laquelle une manifestation avait fait un mort.

vLes employés se plaignaient d'être les mineurs les moins bien payés parmi les nombreuses exploitations détenues par Freeport dans le monde. Le travail avait finalement repris après un accord sur une augmentation de salaires de 37%.

L'exploitation est aussi la cible régulière d'attaques attribuées aux groupes séparatistes réclamant la sécession de la Papouasie indonésienne, qui occupe la partie occidentale de l'île de Nouvelle-Guinée.

Depuis 2009, quinze personnes qui avaient un lien avec l'exploitation minière ont été tuées dans les montagnes de Grasberg, par des "snipers" embusqués dans les montagnes.

Les cars transportant les ouvriers au site ont dû être équipés de vitres pare-balles et se déplacent en convoi. La mine elle-même s'est transformée en camp retranché, gardée par des centaines d'hommes en armes.

Les nationalistes papous sont montrés du doigt, mais d'autres soupçonnent les militaires cherchant à extorquer davantage de Freeport contre leur protection.

'Nationalisme des ressources'

De gigantesques quantités de haldes (amoncellement formé par les déchets issus de l'extraction du minerai) sont entreposées sur une surface de 230 km2, défigurant la paysage.

Freeport assure qu'elles sont inoffensives et, pour le prouver, mène actuellement un projet visant à faire pousser des légumes sur le vaste champ de résidus.

Car l'américain a d'ambitieux projets pour ce site, la mine la plus importante d'un archipel immense qui contient parmi les plus importantes ressources naturelles de la planète.

Les réserves à ciel ouvert étant sur le point d'être épuisées, le groupe prévoit ainsi d'ouvrir à Grasberg "la plus vaste mine souterraine au monde".

Mais pour ce faire, il entend obtenir des garanties, souligne Ruby Seba, vice-président en charge des affaires techniques chez Freeport Indonesia. "Ce serait injuste d'investir autant et de voir notre contrat soudainement rompu", déclare M. Seba à l'AFP.

Malgré les dissensions, les analystes estiment que Freeport et gouvernement ne pourront faire autrement que de s'entendre, l'un ayant chacun besoin de l'autre.

Freeport a ainsi déjà accepté de payer plus de dividendes, conscient qu'il ne pouvait pas abandonner un des joyaux de son empire.

"Il n'est pas question de s'en aller", avait souligné en mai le patron de Freeport McMoRan, Richard Adkerson, lors d'une visite à Jakarta. "Pas question du tout".

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