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Syrie : Amnesty accuse la Russie d'avoir tué des civils

Un avion de combat russe (Sukhoi) atterrit sur la base aérienne de Lattaquié en Syrie, le 16 décembre 2015 [PAUL GYPTEAU / AFP/Archives] Un avion de combat russe (Sukhoi) atterrit sur la base aérienne de Lattaquié en Syrie, le 16 décembre 2015 [PAUL GYPTEAU / AFP/Archives]

Près de 2.000 morts, des centaines de civils tués, de possibles crimes de guerre : depuis près de trois mois, le rouleau compresseur russe frappe en Syrie les "terroristes" selon Moscou, mais pour l'essentiel dans des zones où Daesh n'est pas présent.

Dans un rapport rendu public mercredi, Amnesty International accuse la Russie d'avoir tué des "centaines de civils" et causé "des destructions massives" dans des raids aériens qui "bafouent le droit international humanitaire".

Les autorités russes ont promis d'examiner ce document, tandis que le ministère des Affaires étrangères assurait n'avoir "aucun fait avéré" concernant des pertes civiles au cours des frappes russes.

Dans son rapport, l'ONG, dont le siège est à Londres, explique que la Russie a eu recours à "des bombes à sous-munitions", interdites par les conventions internationales, des bombes incendiaires et des "bombes non guidées" contre "des zones d'habitation à forte densité de population".

Amnesty se penche en particulier sur six raids qui ont touché les provinces de Homs (centre), d'Idleb (nord-ouest) et d'Alep (nord) entre le 30 septembre, date du début des attaques aériennes russes, et novembre, et qui ont provoqué la mort d'"au moins 200 civils et (d') une dizaine de combattants".

"Certaines frappes aériennes russes semblent directement viser des civils ou des biens à caractère civil", a commenté Philip Luther, directeur d'Amnesty pour le Moyen-Orient, d'après lequel "ces attaques peuvent constituer des crimes de guerre", car "aucune cible militaire ni aucun combattant ne se trouvait dans l'environnement immédiat".

"Tour de passe-passe"

Amnesty met aussi en exergue l'attitude des autorités russes, qui affirment ne frapper que des objectifs "terroristes", mais se murent dans le silence ou le démenti quand elles sont accusées d'avoir tué des civils.

L'ONG cite en particulier la réaction de Moscou après la destruction le 1er octobre d'une mosquée de Jisr al Shughour (province d'Idleb). L'armée russe a alors parlé de "canular" et diffusé une image satellite d'une mosquée intacte qui s'est avérée être celle d'une autre mosquée, selon Amnesty, qui dénonce là un vulgaire "tour de passe-passe".

Mardi, l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a fait état entre fin septembre et le 21 décembre de 2.132 personnes tuées dans des raids russes, soit 598 jihadistes de Daesh, 824 combattants rebelles, et 710 civils, dont 161 enfants et 104 femmes.

La Russie est engagée militairement en Syrie pour soutenir le régime du président syrien Bachar al-Assad et affirme effectuer des raids aériens contre les "groupes terroristes", dont l'EI. Mais les pays occidentaux et arabes accusent Moscou de frapper l'opposition modérée et d'autres groupes de l'insurrection sunnite, plutôt que Daesh.

Dans les faits, les frappes russes se concentrent pour l'essentiel sur des régions où Daesh n'est tout simplement pas présent, comme la province d'Idleb, coeur de la révolution syrienne et bastion de l'insurrection armée, observe notamment le centre de réflexion américain Institute for the study of war (ISW), qui fait un suivi hebdomadaire des frappes russes et relève le "décalage" entre les objectifs proclamés de la Russie, sa rhétorique anti-EI et ses opérations sur le terrain.

Silence international

"Ces chiffres ne sont malheureusement pas une surprise", a commenté à l'AFP le politologue Zyad Majed, spécialiste de la Syrie. "Les associations locales des droits de l'Homme et de la société civile font un travail documenté, appuyé par des photos et des vidéos, depuis le début des frappes russes".

Quasiment chaque jour, au rythme de ces bombardements, les réseaux sociaux abondent d'images insoutenables - et dont l'authenticité ne fait guère de doute - d'enfants ou de civils déchiquetés par les bombes russes, ou encore des dizaines d'engins meurtriers, de la forme d'un ballon de handball et d'aspect métallique gris, disséminés par les bombes à fragmentation.

Des avions de combat russes (Sukhoi) sur la base militaire syrienne de Lattaquié, le 16 décembre 2015 [PAUL GYPTEAU / AFP]
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Des avions de combat russes (Sukhoi) sur la base militaire syrienne de Lattaquié, le 16 décembre 2015

 

Moscou prend prétexte de la présence du Jabat al-Nusra (branche locale d'Al-Qaïda) dans ces zones pour procéder à ces bombardements à l'aveugle, explique M. Majed, qui juge "choquant le silence total des gouvernements occidentaux sur ces possibles crimes de guerre".

"Des centaines de milliers de civils vivent dans ces régions où Daesh n'est pas présent. Des enfants y vont à l'école, il y a des structures de santé, des boulangeries collectives, des générateurs d'électricité... Aujourd'hui, cette vie locale est bombardée non plus seulement par le régime, mais aussi par l'aviation russe qui fait de gros dégâts", s'alarme-t-il.

Il craint notamment que ces nouvelles violences ne "nourrissent encore un peu plus le sentiment d'abandon et d'injustice des populations, mais aussi un discours de haine contre le monde extérieur".

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