En direct
A suivre

Afghanistan : coopération entre les talibans et Daesh autour d'un massacre dans le nord

Des combattants de la milice talibane dans le district d'Ahmad Aba à la périphérie de Gardez, la capitale de la province de Paktia en Afghanistan, le 18 juillet 2017 [FARIDULLAH AHMADZAI / AFP] Des combattants de la milice talibane dans le district d'Ahmad Aba à la périphérie de Gardez, la capitale de la province de Paktia en Afghanistan, le 18 juillet 2017 [FARIDULLAH AHMADZAI / AFP]

Les talibans et Daesh auraient coopéré dans un district excentré du nord de l'Afghanistan, se rendant responsables de la mort de cinquante personnes, majoritairement des civils chiites.

Pour une source de sécurité ayant requis l'anonymat, ce n'est pas la première fois que ces deux mouvements insurgés coopèrent contre les forces gouvernementales, mais dans le climat délétère que connait le pays, cette collusion laisse craindre encore plus de désordres et de violences pour la population.

Les talibans qui ont revendiqué dimanche la prise de contrôle du district de Sayad, verrou stratégique à une quinzaine de kilomètres de la capitale de la province septentrionale de Sare-Pul, ont démenti «fermement» toute coopération avec Daesh. Pour Zabihullah Mujahid, leur porte-parole joint par l'AFP, «c'était une opération indépendante menée par nos moudjahidine, Ghazanfar est notre commandant à Sare-Pul», a-t-il affirmé. «Les habitants ont mal compris». Mais les responsables locaux affirment le contraire.

Allégation de massacre contre des civils [AFP  / AFP]
Allégation de massacre contre des civils [AFP / AFP]

«C'est une opération conjointe de Daesh et des talibans, ils ont recruté des forces dans les autres provinces pour attaquer Mirza Olong», un village chiite du district de Sayad, a déclaré à l'AFP le porte-parole du gouverneur de Sare-Pul, Zabihullah Amani.

Selon lui, «des dizaines de talibans et de combattants de Daesh commandés par Sher Mohammad Ghazanfar, un commandant local qui a fait allégeance à Daesh» étaient arrivés sur place jeudi après-midi. Les combats ont duré 48 heures. «Selon les bilans reçus du terrain jusqu'à présent, environ 50 personnes, en majorité des civils, ont été massacrées par les talibans. Elles ont été exécutées, abattues par balles et pour certaines, décapitées».

«Jetés dans le vide»

«Certains ont été forcés à se jeter dans le vide» depuis des falaises dans cette région montagneuse, a poursuivi M. Amani. Des méthodes employées notamment en Syrie par Daesh.

Des policiers auxiliaires autour du corps d'un homme suspecté d'être un taliban, tué lors d'une opération à Nawa dans la province du Helmand, le 17 juillet 2017 [NOOR MOHAMMAD / AFP]
Des policiers auxiliaires autour du corps d'un homme suspecté d'être un taliban, tué lors d'une opération à Nawa dans la province du Helmand, le 17 juillet 2017

Mohammad Noor Rahmani, chef du conseil provincial a avancé un bilan de «50 martyrs, dont 44 civils», les autres appartenant à l'ALP (la police auxiliaire dans les campagnes) ou à l'armée. «Mais c'est un bilan susceptible d'évoluer» a-t-il insisté, «la zone est inaccessible et les téléphones ne fonctionnent pas». Les talibans qui rejettent depuis dimanche les accusations de massacre, ont revendiqué la mort de 28 ALP.

Pour une source sécuritaire à Kaboul, jointe par l'AFP et qui confirme «au moins 50 morts», «les talibans ont créé le chaos qui a permis ces atrocités». «A part dans le Nangarhar (est) et à Kunar (nord-est), partout ailleurs les talibans et Daesh collaborent ponctuellement; ils jettent des passerelles entre eux quand ça les arrange. Il n'y a pas de distinctions idéologiques strictes entre ces groupes», estime-t-il.

Un afghan traverse la région de Sayad à Mahmood-i-Raqi dans la province de Kapisa, le 23 janvier 2013 [SHAH MARAI / AFP/Archives]
Un afghan traverse la région de Sayad à Mahmood-i-Raqi dans la province de Kapisa, le 23 janvier 2013

Il cite au moins trois précédents, survenus dans des régions troublées du Badakhshan (nord-est), de Zabul (sud) et surtout dans la province de Kunduz (nord) «où le commandant taliban Mawlani Salam avait noué des alliance avec Daesh avant qu'on ne l'abatte l'hiver dernier», précise-t-il.

Depuis leur apparition dans l'est de l'Afghanistan en 2015, les combattants de Daesh s'en prennent régulièrement à la minorité chiite et à ses mosquées, comme le 1er août à Herat (ouest), dernier attentat en date qui a fait 33 morts parmi les pèlerins rassemblés en prière.

Les forces de Daesh sont surtout composées d'anciens talibans, afghans et pakistanais et de membres venus d'autres mouvements insurgés comme le Mouvement Islamique d'Ouzbékistan (IMU), qui changent de drapeau au gré des offres de recrutement, estiment les observateurs. Confiné initialement à une poignée de districts dans l'est, où les forces américaines les traquent, au sol et avec des frappes aériennes, Daesh a gagné du terrain dans les provinces du nord, celles notamment où l'IMU était présent.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités