En direct
A suivre

Amputée du pont Morandi, Gênes redoute le «chaos»

«Ca va être un chaos total, car c'était un pont qui desservait toutes les zones de la ville», selon Francesco Bucchieri, un habitant 62 ans.[HANDOUT / VIGILI DEL FUOCO / AFP]

La ville est un entrelacs de tunnels et de viaducs, coincée entre mer et montagne et asphyxiée par la circulation automobile : à Gênes, amputée depuis mardi de son pont le plus important, habitants et experts redoutent le chaos.

«Gênes résout son problème de trafic», titrait le Corriere della Sera en mars 1964, peu après le début des travaux de construction du pont Morandi, dont l'effondrement mardi a fait au moins 38 morts.

L'écroulement de ce monstre de ciment pose un réel défi à cette ville de 600.000 habitants : l'édifice, situé sur un des principaux axes nord-sud de l'Italie, voyait passer plus de 25 millions de véhicules chaque année.

Et l'économie de Gênes, qui dessine avec Turin et Milan le «triangle industriel» italien, tourne beaucoup autour de son port, le plus important du pays. Or, la ville pourrait devenir impraticable dès la fin des vacances d'été.

Dans cette zone au relief escarpé et où la montagne plonge dans la mer, l'espace est rare.

«Le pont Morandi était l'unique point de passage entre l'est et l'ouest de la ville susceptible d'absorber des volumes élevés de trafic», explique à l'AFP Giovanni Vecchio, chercheur à l'Ecole polytechnique de Milan et expert en mobilité urbaine.

«Et c'était également un passage obligé pour aller vers le nord de la région ou la France voire, dans certains cas, pour relier différentes parties du port», ajoute-t-il.

Pour l'instant, la pause estivale rend les désagréments supportables, mais pour éviter de surcharger les axes menant au port, l'expert suggère de dérouter certains bateaux vers d'autres ports voisins.

«Déjà un gruyère»

«En temps normal, c'est déjà le bordel dans la ville dès qu'il y a un accident sur l'autoroute, alors sans le pont Morandi, n'en parlons pas», lâche Maurizio Campara, chauffeur de bus sur la ligne 1, qui dessert le port maritime.

Des secouristes sur le site du pont Morandi effondré, le 16 août 2018 [Piero CRUCIATTI / AFP]
Des secouristes sur le site du pont Morandi effondré, le 16 août 2018[Piero CRUCIATTI / AFP]

Deux grands axes permettaient jusqu'à présent de traverser la ville : celui passant par le pont Morandi et celui qui dessert le port de Gênes et voyait déjà passer les touristes embarquant sur les bateaux de croisière ou les ferries vers la Sardaigne ou la Corse ainsi qu'une partie des quelque 5.000 poids-lourds qui viennent chaque jour charger ou décharger au port de marchandises.

«Ca va être un chaos total, car c'était un pont qui desservait toutes les zones de la ville», abonde Francesco Bucchieri, un habitant 62 ans.

«Sans le pont, la ville est coupée en deux. En septembre, quand les vacances seront finies, que l'école et l'activité va reprendre, ça va être un drame. Tous les camions vont affluer sur la ville», prédit Gianpiero Santini, chauffeur de taxi à Gênes depuis 2003.

«A court terme, la solution semble être de mettre en place de longues déviations vers d'autres autoroutes, ce qui rallongera les distances et aura un coût financier», estime M. Vecchio.

Autostrade per l'Italia, gestionnaire de l'autoroute, a assuré qu'il était possible de reconstruire le pont en cinq mois une fois le site libéré des opérations de recherches et d'enquête.

Mais le gouvernement veut retirer la concession à la société, désignée coupable.

Parmi les alternatives, certains plaident pour la construction d'un nouveau pont plus au nord, d'autres pour l'ouverture du port aux poids-lourds la nuit afin de répartir le trafic sur 24 heures, et d'autres encore pour que les poids-lourds aient accès à une route privée menant au port mais réservée jusqu'à présent à l'aciériste italien Ilva.

«Avec tous ses tunnels, Gênes est déjà un gruyère. Que faut-il faire ? Recreuser dans la roche ?», s'interroge Claudio, 72 ans, qui habite près du port. «Dans ce cas, autant raser la montagne».

«Il n'y a pas d'alternative», juge Marco Porcile, propriétaire depuis 31 ans d'un bar près du port. «A partir de septembre, il suffira d'un embouteillage à l'entrée du port maritime ou du port de marchandises pour que toute la ville soit bloquée».

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités