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Russie : placée sur la liste des terroristes pour des mèmes sur internet

Maria Motuznaya pourrait écoper d'une peine de six ans de prison pour avoir partagé des mèmes sur les réseaux sociaux russes. [Capture Twitter / @frolovla72].

En Russie, une femme de 23 ans a été placée sur la liste officielle des terroristes simplement pour avoir partagé des mèmes sur les réseaux sociaux. Un cas non isolé qui suscite un débat grandissant sur les questions de censure et d'abus de droits dans le pays.

En une vingtaine de tweets publiés en juillet, Maria Motuznaya, qui se fait parfois appeler Masha sur Internet, raconte ainsi qu'en mai dernier, la police l'a accusée «d'insulter les gens» et d'être une «extrémiste».

Son affaire est à ce point prise au sérieux par le pouvoir qu'après une première audience en juillet, elle doit comparaître à nouveau au tribunal, le 28 août prochain, et risque jusqu'à six ans de prison pour incitation à la haine et atteinte à la religion orthodoxe, deux infractions qui relèvent du pénal en Russie.

En cause : deux mèmes partagés trois ans plus tôt sur les réseaux sociaux russes et jugés offensants par les autorités.

Sur le premier on peut ainsi voir des nonnes - ou des femmes habillées comme tel - s'apprêtant à allumer des cigarettes et s'encourageant «à les fumer rapidement avant que Dieu ne les regarde».

Sur le deuxième, figure un groupe d'enfants africains tenant des assiettes vides entre leurs mains, l'image étant accompagnée de la légende suivante : «l’humour noir c'est comme la nourriture, tout le monde n'y a pas droit».

«Il n'y avait pas de génocide ou quoi que ce soit de genre, ce sont juste des images amusantes», s'est défendue Maria selon des propos rapportés par la BBC.

Selon elle, les mèmes incriminés reflètent un état d'esprit qu'elle avait lorsqu'elle était plus jeune et qu'aujourd'hui elle ne les republierait pas, son attitude et son sens de l'humour ayant changé.

«Je ne peux pas croire que ce qui est en train de se passer est réel. J'attends à chaque instant qu'on me dise que toute cette histoire est une blague», ajoute-t-elle incrédule. 

L'avenir qui souvre semble pourtant bien sombre. Maria a en effet indiqué que, lorsqu'elle a été interpellée, la police lui a dit qu'elle ne serait pas condamnée pénalement si elle signait des aveux complets. «J'ai tout signé, après avoir cru notre grande police», glisse-t-elle dans un fou rire nerveux, sans savoir ce qui l'attend désormais.

Deux autres affaires similaires dans la même ville

Depuis que l'histoire de Maria a fait la une des journaux en Russie, il est apparu que dans la même ville de Barnaoul où elle habite, située en Sibérie, à 3.000 kilomètres à l’est de Moscou, un autre jeune, Daniil Markin, 19 ans, est lui aussi visé par une enquête du même genre.

L'adolescent risque en effet cinq ans de prison pour avoir diffusé un montage de Jon Snow, personnage de la série américaine Game Of Thrones, avec une auréole.

Dans un long message publié sur VK, équivalent russe de Facebook, Daniil raconte qu'il est lui aussi dépassé par toute cette histoire et que «ça fait un an [qu'il] a peur de s'endormir, pensant que la police va venir [le] chercher au matin».

Selon la BBC, les enquêtes sur Daniil et Maria ont été motivées par des plaintes adressées à la police par deux mystérieuses étudiantes. Ces dernières auraient en effet déclaré que leur croyance avait été insultée mais ont, depuis, supprimé tous leurs comptes sur les réseaux sociaux.

Un autre homme de Barnaoul, Andrei Shasherin, âgé de 38 ans, est lui aussi visé par une enquête criminelle pour avoir diffusé plusieurs images satiriques sur le réseau social russe VK.

Parmi les trente-six clichés qu'il a partagé, l’un est un montage qui reprend une photo officielle de l’Église orthodoxe sur laquelle apparaît le patriarche moscovite Kirill portant une montre de luxe au poignet. Derrière lui, une représentation de Jésus lui demande l’heure en anglais.

Une tendance préoccupante

Les cas de Maria, Daniil et Andrei, tous originaires de Barnaoul, ont fait dire à certains commentateurs que la ville serait devenue la capitale des «extrémistes».

Pourtant, selon les statistiques publiées par le groupe international de défense des droits humains Agora, au cours des dernières années, de plus en plus de Russes partout sur le territoire ont été poursuivis pour leurs activités sur les réseaux sociaux. 

D'après Agora, 411 procédures pénales ont même été engagées contre des internautes russes en 2017, contre 298 l'année précédente.

Et selon les associations de défense des droits humains, la majorité de ces procédures ont été déclenchées après que les internautes aient utilisé VK, qui, selon elles, coopère activement avec la police et les services de sécurité russes.

Interrogée par la BBC, le service communication de VK a confirmé que le réseau social est obligé par la loi de fournir des informations à la police «mais uniquement si la demande a été «correctement établie».

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