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Pourquoi la France s'allie à la Nouvelle-Zélande dans la lutte contre le terrorisme sur Internet

Emmanuel Macron rassemble ce mercredi à l'Elysée dirigeants du numérique et chefs de gouvernement pour participer à l'Appel de Christchurch, un sommet dédié à la lutte contre la propagation du terrorisme et de l'extrémisme en ligne, deux mois après les attentats en Nouvelle-Zélande.

Comment éviter que des actes terroristes puissent être diffusés sur les grandes plateformes numériques ? C'est à cette épineuse question que va devoir répondre cette assemblée inédite, réunie sous l'impulsion du président français Emmanuel Macron et de la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern. 

«(Nous) demandons à toutes les Nations et les entreprises privées de faire les changements nécessaires pour empêcher la mise en ligne de contenus terroristes sur internet, d'assurer leur retrait efficace et rapide et empêcher que le live-streaming ne serve à la diffusion d'attaques terroristes en cours», expliquait-la cheffe d'Etat néo-zélandaise dans une tribune publié lundi dans le New York Times.

Cette alliance inédite de la France et la Nouvelle-Zélande peut paraître étonnante. Mais sur cette thématique de la haine en ligne et du numérique, les deux puissances sont récemment apparues comme des acteurs importants.

La promesse de la Nouvelle-Zélande 

Si la question des contenus terroristes en ligne est toujours aussi présente dans le débat public néo-zélandais, c'est que le pays demeure sous le choc après le massacre du 15 mars. Deux mois seulement se sont écoulés depuis le meurtre de 51 fidèles musulmans, tués dans deux mosquées de la ville de Christchurch par un extrémiste australien.

Ce dernier avait diffusé en direct la tuerie, retransmise sans filtre pendant 17 minutes sur Facebook. Dans les 24 heures qui ont suivies l’attaque, 1,5 millions de copies ont été supprimées par Facebook. 

Depuis, la Première ministre Jacinda Ardern semble comme investie d'une mission particulière : mieux réguler la détention des armes à feu et lutter contre la diffusion en ligne de contenus à caractère terroriste. Et sur ce deuxième objectif, l'élue sociale-démocrate n'entend pas se limiter aux frontières de l'archipel néo-zélandais. 

La cheffe d'Etat n'a cessé de réclamer aux plateformes numériques qu'elles retirent les contenus relevant de l'extrémisme violent. Elle a d'ailleurs souligné fin mars que les solutions devaient être trouvées au niveau mondial car «ces plateformes sont internationales».

De plus, si sa réaction face aux attentats a été saluée, son intransigeance envers les géants du Web, et plus largement sa manière très pragmatique de faire de la politique, font d'elle une figure applaudie dans le monde entier, remarquée jusque dans l'Hexagone. 

Une parfaite communication pour la France

Du côté français, le numérique tient une place privilégiée dans le projet présidentiel. De la nomination de Mounir Mahjoubi au secrétariat d'Etat à l'économie numérique (aujourd'hui remplacé Cédric O) jusqu'à l'envoi d'une mission de fonctionnaires français pour observer les techniques de modération employées par Facebook, en passant par les tête-à-tête organisés avec Marck Zuckerberg, le numérique devient une priorité de l'exécutif.

Le président de la République a d'ailleurs annoncé réfléchir à la promotion en France et au niveau européen d'une loi qui obligerait les réseaux sociaux à retirer les contenus signalés dans les 24 heures, sous peine d'une forte amende. «La France essaye de se placer comme un acteur important sur la question des discours haineux en ligne, observe olivier Ertzscheid, maître de conférences en sciences de l'information et de la communication.

La priorité n'est pas nouvelle à l'Elysée. Avant lui, Nicolas Sarkozy avait dès 2011 proposé de «civiliser» Internet. «Depuis dix ans, il y a à peu près, tous gouvernements confondus, un ou deux rapports par an qui sont écrits sur la manière de limiter les discours de haine et de responsabiliser les plateformes, précise Olivier Ertzscheid. Ce qui est sûr c’est qu'Emmanuel Macron communique beaucoup plus sur ce sujet-là». 

L'appel de Christchurch sert ainsi directement les promesses d'Emmanuel Macron, d'autant plus qu'il s'inscrit dans le cadre de la deuxième édition de Tech For Good. Le but de cette initiative du président : réunir acteurs du numérique et responsables politiques pour réfléchir ensemble sur la manière dont l'informatisation et la numérisation peuvent servir le bien commun. 

L'écho du drame de Christchurch permet en effet au président français de se placer à la pointe de la lutte contre la cyberhaine, en particulier du terrorisme en ligne. Néanmoins, en dépit de leur alliance, les gouvernements français et néo-zélandais ont de maigres chances de faire bouger les lignes. 

«On est dans une logique de sur-réaction, avance l'expert. L’attentat de Christchurch a en quelque sorte obligé les gouvernements à réagir, mais concrètement, ça n’avance pas car la responsabilité incombe avant tout aux plateformes elles-mêmes, qui n’ont ni l’envie, ni l’intérêt de supprimer totalement ces discours de haine, redoutablement bons et efficaces pour leur modèle économique».

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